Il affirme avoir «détruit pratiquement tout seul l’extrême droite britannique» et «avoir toujours dit la vérité» aux électeurs : Nigel Farage, l’ancien chef du parti pour l’indépendance du Royaume-Uni parle du paysage politique de son pays.
RT : Pourquoi avez-vous décidé de quitter le poste de chef du parti pour l’indépendance du Royaume-Uni ? Vous, comme toute votre famille, avez vécu des mois difficiles, n’est-ce pas ?
Nigel Farage (N. F.) : Bien sûr, cela n'a pas été facile. Mais écoutez, nous avons remporté un référendum d’importance historique ! Le «petit homme» a battu tous ces «Goldman Sachs», l'ensemble de l'establishment, a défait David Cameron et d'autres aristocrates du Bullingdon Club. En d'autres termes, c’est une victoire vraiment significative. Mais maintenant, tout est entre les mains du chef du Parti conservateur Theresa May et de son gouvernement. De nulle manière je ne peux influencer ce qui se passera les deux ans et demie à venir, mais je vais commenter ce qui se passe à Bruxelles. Par ailleurs, si comment peut se sentir Nigel Farage au Parlement européen vous intéresse, je vais vous répondre en deux mots : sacrément solitaire. Bref, j'ai fait tout ce qui dépendait de moi.
RT : A votre avis la fin justifie-t-elle les moyens ? Pendant toute cette campagne, nous avons entendu un tas de mensonges des deux côtés. Les partisans du Brexit effrayaient tout le monde avec les histoires d'invasion migratoires et promettaient d'allouer 350 millions à la santé publique. Mais une fois que les votes ont été comptés, vous avez nettement dit : «L'histoire du financement de la National Health Service est tout simplement absurde».
Presque toutes nos lois ont été faites quelque part à l’extérieur du pays
N. F.: Ce n’était pas mon initiative. C’est Boris [Johnson, ancien maire de Londres, actuellement ministre des Affaires étrangères du Royaume-Uni] et Michael Gove [ancien ministre de la Justice et Lord grand chancelier du Royaume-Uni]. Et là ils ont un peu raté leur coup. Mais c’était un mensonge inoffensif par rapport à la façon dont on nous a trompé pendant des décennies. Tous les dirigeants politiques nous disaient : «Ne vous inquiétez pas à propos de l'Union européenne, nous en avons besoin uniquement pour faire du bon commerce». En conséquence, presque toutes nos lois ont été faites quelque part à l’extérieur du pays, nos frontières étaient grandes ouvertes, et on nous a interdit de choisir nous-mêmes nos amis dans le monde.
RT : Autrement dit, la fin justifie toujours les moyens ? C’était une lutte politique, mais vous pensez que la déformation des faits était pardonnable, car finalement elle a été bénéfique pour le pays ?
N. F.: Je considère que, tout le long de la campagne électorale je ne disais que la vérité. Oui, cela m’inquiète que nous ouvrons potentiellement la porte à Daesh. Et alors ? Si j’ai une inquiétude, n’ai-je pas le droit de le dire à haute voix ?
RT : Mais il y en a qui ne pensent pas que cela ouvre la porte à Daesh…
N. F. : Alors regardons les événements qui ont eu lieu après le référendum. Combien d'attaques terroristes ont été commises en Allemagne et en France ? Voilà ce que je vais vous dire : si nous tenions un référendum cette semaine, la victoire des partisans de la sortie de l'UE serait encore plus large.
17,4 millions de personnes ont voté contre l'establishment politique, contre tout ce que les grandes entreprises leur racontaient
RT : Avez-vous confiance en Theresa May pour ce qui est de l'organisation de la sortie de l'UE ? Sera-t-elle opérée comme vous l’avez envisagée ?
N. F.: Elle a dit: «Brexit, donc Brexit». Bien sûr, je lui fais confiance – c’est une femme politique [rires]. Mais je vais veiller sur tout ce qui se passe. Avouons-le : dans ce référendum, elle a soutenu le mauvais côté. On la qualifait de partisan «modéré» du maintien par le Royaume-Uni de sa place dans l'Union européenne. Je ne comprends vraiment pas comment c’est possible d’être «modéré» dans cette situation : vous êtes soit «pour», soit «contre». Mais maintenant, en tant que Premier ministre, elle est obligée d'organiser ce processus. Je voudrais noter que 17,4 millions de personnes ont voté en faveur de la sortie de l'Union européenne. Ils ont voté contre l'establishment politique, contre tout ce que les grandes entreprises leur racontaient – et pas seulement les sociétés. En effet des gens de toute sorte ont participé dans la campagne : les acteurs les plus populaires, des célébrités… Et malgré tout, les gens ont voté en faveur de la sortie de l'Union européenne ! S’ils ne reçoivent pas ce pour quoi ils ont voté, ils seront très agacés.
RT : Vont-ils obtenir ce pour quoi ils ont voté ?
N. F.: Je pense qu'à la fin, comme d'habitude chez nous, les Anglais, [il y aura] un compromis. Mais la majorité de nos demandes seront satisfaites.
RT : Comment voudriez-vous voir le Royaume-Uni ?
N. F.: Indépendante, confiante. Je veux que notre pays soit fier de lui-même et que nous rétablissions les liens avec nos amis du monde entier. Savez-vous que plus de deux milliards de personnes vivent dans les pays du Commonwealth ? À l'époque, nous nous sommes éloignés de toutes ces personnes pour coopérer exclusivement avec les pays européens.
Je ne me présente pas «contre» quelqu'un. Je veux simplement que les intérêt des Britanniques occupent la première place dans notre pays
RT : Y a-t-il des moments où vous vous attribuez une part de responsabilité dans le climat d'hostilité envers les étrangers et les migrants, qui d’après les médias, a régné sur le pays après l'annonce des résultats du référendum ? Avez-vous des remords ?
N. F. : Soyons francs : les représentants des deux parties ont dit des choses terribles. Oui, certains des partisans de la sortie du pays de l'Union européenne étaient impliqués dans des attaques racistes contre les Polonais du pays. Mais parmi les partisans de l'Union européenne il y avait des personnes qui utilisaient les réseaux sociaux pour insulter et menacer les partisans éminents du Brexit. Vous me demandez si je me sens responsable du fait que les gens font des déclarations extrémistes ? Pas du tout. Au contraire, j’ai personnellement détruit le Parti nationaliste britannique. Il y avait dans notre pays un parti d'extrême-droite avec un état d’esprit ouvertement antisémite, raciste, opposé à la population noire, et ainsi de suite. Et puis je suis rentré sur la scène politique, et me suis adressé à leur électorat : «Si vous ne voyez pas d’autre solution que celle de voter, en bouchant le nez, pour ce parti en signe de protestation – arrêtez-vous. Venez aux urnes et votez pour moi.
Je ne me présente pas «contre» quelqu'un. Je veux simplement que les intérêt des Britanniques occupent la première place dans notre pays.» Et donc, presque tout seul, j’ai détruit le mouvement d'extrême droite de la politique britannique. Un succès majeur, n’est-ce pas ?
RT : Pensez-vous que vous pourriez diriger le parti travailliste ?
N. F. : Tout d'abord, Jeremy Corbin ne peut certainement pas continuer à diriger le parti. D'autre part, son adversaire [au sein du Parti travailliste], Owen Smith, a dit que s'il gagnait l'élection, il tiendrait un autre référendum. Ainsi, il semble dire à des millions d'électeurs travaillistes : «Vous êtes des idiots, sans instruction, insensés, des gens inutiles.» Je crains que cela mène à ce que la Parti travailliste, dans l’état dans lequel il a été créé il y a une centaine d'années, cesse tout simplement d'exister. Le parti travailliste a cessé de défendre les intérêts des ouvrier.
RT : Le parti de l'indépendance pourrait donc s’emparer de la place du parti travailliste et devenir en 2020 le parti numéro deux au parlement ?
N. F.: Je pense que le parti de l'indépendance pourrait être un catalyseur, même pour des changements plus importants dans la vie politique britannique.
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