Le roman entre l’UE et la Pologne: la rupture est proche ?

Le roman entre l’UE et la Pologne: la rupture est proche ?© Kacper Pempel Source: Reuters
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Les dirigeants de l'Union européenne passent sous silence les réformes anti-démocratiques de ses pays membres qui font taire l'opposition communiste et autres «indésirables», dénonce l'écrivain écossais Niel Clark.

S’il y avait un prix pour le pays favori de la «Nouvelle Europe» de l’élite de l’UE des dernières décennies, la Pologne serait certainement candidate à la médaille d’or.

Cette république d’Europe de l’Est était un pays qui, au moins, ne représentait pas de danger aux yeux des élites occidentales. On faisait l’éloge de ses réformes économiques du «marché libre». On applaudissait son attitude intransigeante envers la Russie et la Biélorussie. La Pologne, c’était l’histoire d’un grand succès que les autres devraient reproduire.

Est-ce que l’histoire d’amour entre Bruxelles et Varsovie touche à sa fin ? La Commission Européenne a pris cette semaine une position officielle estimant qu’il existait un «risque systémique à l’Etat de droit en Pologne» - ce qui pourrait même mener à l’imposition des sanctions [imposées à la Russie].

Zbigniew Ziobro, ministre de la Justice et procureur général, s’est dit «surpris et attristé» par la position de la Commission Européenne, la qualifiant de «partiale».

On s’inquiète que le parti populiste, nationaliste et conservateur, élu en octobre dernier, tente de prendre le contrôle sur d'importantes institutions étatiques

Le refroidissement des relations peut aussi être vu différemment. Il y a eu toute une série d'articles dans des publications occidentales chantant les louanges de la Pologne, publications qui nous disent maintenant que nous devrions tous être terriblement inquiets de la direction dans laquelle le pays s’avance.

Ostensiblement, ce dont on s’inquiète c’est que le parti populiste, nationaliste et conservateur Loi et Justice (PiS), élu en octobre dernier, tente de prendre le contrôle sur d'importantes institutions étatiques.

Le gouvernement polonais est également accusé d'avoir tenté de neutraliser la plus haute instance juridique du pays – le Tribunal constitutionnel.

En outre, une nouvelle loi sur les «médias nationaux» - qui permet au gouvernement de retirer de leur poste des hauts responsables des médias – a été adoptée en décembre.

Une autre loi a annulé l'exigence de soumettre les emplois supérieurs de la fonction publique à un concours, ce qui signifie que le parti peut désormais nommer ses partisans aux postes les plus haut.

Les attaques de l'UE contre le gouvernement polonais paraissent hypocrites [quand on voit son] manque d'intérêt pour les dérives antidémocratiques dans d'autres pays de l’Europe

Cependant, alors qu'il y a des motifs légitimes pour critiquer le gouvernement polonais pour ses tendances antilibérales et ses récentes réformes, cette querelle est bien plus complexe. Chaque histoire a deux versions, mais c’est seulement le point de vue de l'UE que nous entendons.

La crise du Tribunal constitutionnel a été provoquée par l’européiste gouvernement sortant de la Plate-forme civique, qui a nommé cinq nouveaux juges à la cour juste avant une élection qu’ils avaient très peu de chances de remporter. Les nominations, avancées en décembre, auraient signifié que 14 des 15 juges du tribunal auraient été nommés par la Plate-forme civique.

Le PiS a considéré cela comme une tentative antidémocratique de «bloquer» la future législation du nouveau gouvernement polonais.

La position du PiS est que, pour être en mesure de remplir leur mandat démocratique (en octobre ils ont obtenu 37,8% des voix en devenant le premier parti à remporter une majorité absolue lors d'une élection en Pologne depuis les bouleversements politiques de 1989), ils devaient faire face au fait que leurs adversaires détenaient toujours les principaux leviers du pouvoir après leur défaite électorale.

Les réformes du PiS peuvent être considérées comme un essai de «prendre le pouvoir», mais les tentatives faites par les partisans de la Plate-forme civique de ne pas laisser le parti mener à bien son programme – pour lequel il possède résolument un mandat – peuvent tout autant être considérées comme non démocratiques.

Les gros bonnets de l'UE veulent qu’on croit qu'ils sont préoccupés par les «libertés démocratiques»

Dans tous les cas, les attaques de l'UE contre le gouvernement polonais paraissent hypocrites si on garde à l’esprit le manque d'intérêt qu'elle a affiché pour les dérives antidémocratiques dans d'autres pays de l’Europe au cours des dernières années.

L’UE est restée silencieuse lorsque l'organisation de jeunesse du Parti communiste de Bohême et de Moravie de la République tchèque (pays-membre de l’UE) a été interdite en 2006. Cette décision est entrée en vigueur pour un motif fallacieux, prétendant que son programme avait violé la constitution tchèque, le Parti demandant que les moyens de production soient propriété publique.

«Pourriez-vous me montrer un pays civilisé où les gens avec une opinion différente, les gens dont les mains ne sont pas tachées par une seule goutte de sang, non violents - rien de semblable -, sont bannis tout simplement à cause de leurs opinions», a demandé le Dr Josef Skala, conseiller en politique étrangère du Parti communiste tchèque.

Mais les gros bonnets de l'UE, qui veulent qu’on croit qu'ils sont préoccupés par les «libertés démocratiques», n'écoutaient pas. Il n'y a pas eu d’appels à imposer des sanctions à la République tchèque. Une commission de l'UE «Opinion» ne s’est pas exprimée sur la question non plus.

L'UE n’a fait preuve d’aucune préoccupation pour la «primauté du droit» en soutenant le renversement anticonstitutionnel du gouvernement ukrainien 

De même, il n'y a pas eu beaucoup d'indignation de la part de l'UE sur la façon dont les policiers ont réprimé les manifestants anti-gouvernementaux en Hongrie durant l’automne 2006.

Les manifestations avaient eu lieu après la divulgation d’un enregistrement dans lequel le Premier ministre hongrois pro-européen Ferenc Gyurcsany avouait que, de concert avec son gouvernement, il avait menti au peuple hongrois «le matin, le midi et le soir».

Et l'UE n’a fait preuve d’aucune préoccupation pour la «primauté du droit» en soutenant le renversement anticonstitutionnel du gouvernement ukrainien démocratiquement élu, en février 2014. Au moment du renversement d’un gouvernement qui avait refusé de signer un accord d’association avec l’UE, onéreux et désavantageux, leur engagement pédant pour le constitutionnalisme ne semblait pas être si fort que ça.

Dans le cas de la Pologne c’est tout aussi révélateur de voir ce qui NE rend pas l’UE folle de colère.

Alors que la crise de la cour constitutionnelle a fait toutes les unes, il y a eu peu - voire pas du tout - de préoccupations quant à la nouvelle loi draconienne de «dé-communisation» du gouvernement polonais, qui donne aux gouvernements locaux un an pour supprimer tous les symboles communistes dans les lieux publics - ou faire face à des conséquences conséquences.

Pour l'élite de l'UE, les réformes anti-démocratiques qui aident à faire taire l'opposition sont très bien tant qu'elles visent les «indésirables»

Le projet de loi criminalise également toute «propagande» pro-communiste. En 2011, le Tribunal constitutionnel de Pologne a tranché qu’une interdiction de symboles communistes était une violation de la liberté d'expression, ce qui, bien sûr, en est une.

A ma connaissance, l’UE n'a pas critiqué ce nouveau projet de loi ; pas plus que les nombreux critiques «libéraux» du gouvernement polonais qui faisaient part d’opinions pleines d’inquiétude au cours des derniers mois. L’UE ne mentionne pas le projet de loi dans le cadre de ses «préoccupations actuelles» sur ce qu’elle appelle la «situation» en Pologne.

Cela pourrait être lié au fait que les co-auteurs de la loi étaient des membres de la Plate-forme civique – pro-européenne et résolument «démocratique» – dont le co-fondateur, l'ancien Premier ministre polonais de la Plate-forme civique Donald Tusk, est actuellement le président du Conseil européen.

Loin de provoquer de vifs débats au parlement polonais, comme Dorita Niemitz le souligne ici, le projet de loi anti-communiste a été adopté à l'unanimité moins une unique abstention.

Nous avons des commissaires de l'UE non élus qui nous font des leçons sur la démocratie et la «primauté du droit»

Il semble donc que, pour l'élite de l'UE et leurs sténographes des médias, les réformes anti-démocratiques qui aident à faire taire l'opposition sont très bien tant qu'elles visent les communistes et les autres «indésirables». Seulement si sont visés les libéraux, pro-européens, pro-mondialistes, favorables aux élites – là, c’est un problème.

Voulons-nous vraiment recevoir des cours de «démocratie» de la part d’un organisme qui est intrinsèquement antidémocratique ?

Si nous avons des commissaires de l'UE non élus, qui nous font des leçons sur la démocratie et la «primauté du droit», alors, sûrement, c’est que nous en sommes arrivés à un monde où Franz Kafka rencontre George Orwell.

La démocratie est menacée partout en Europe – pas seulement en Pologne. Et l'UE elle-même, avec son engagement très sélectif pour le constitutionnalisme et la «primauté du droit», est partie intégrante du problème.

LIRE AUSSI : Les Polonais manifestent contre le gouvernement, les réformes et la militarisation de l’OTAN

Les opinions, assertions et points de vue exprimés dans cette section sont le fait de leur auteur et ne peuvent en aucun cas être imputés à RT.

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