Même si Transparency International n’est pas contre une directive européenne sur le secret des affaires, la loi doit davantage protéger les journalistes et les lanceurs d’alertes, estime le président de l’ONG, Daniel Lebègue.
RT France : Le 14 avril, le Parlement européen a adopté une directive sur le secret des affaires. Vous êtes un des signataires de la pétition contre cette directive. Pourquoi ?
Daniel Lebègue (D.L.) : Nous ne sommes pas du tout opposés à ce que l’on renforce le secret des affaires, le secret industriel et notamment [en ce qui concerne] la recherche, les nouvelles technologies, les produits que les entreprises développent dans leurs centres de recherche, dans leurs laboratoires. Il nous paraît tout à fait normal que l’on protège bien - et même mieux - nos entreprises mais il faut des limites qui tiennent à la liberté de la presse, des médias et à la possibilité des journalistes de mener des investigations, des enquêtes et de les rendre publiques. Ce qui est un principe fondamental de tout Etat démocratique. Deuxièmement, il y a la question des lanceurs d’alertes, des salariés de l’entreprise, de ses partenaires, des clients, des fournisseurs qui signalent des infractions, des délits, des crimes ou des risques graves pour la santé publique ou encore pour l’environnement de manière tout à fait bénévole au nom de l’intérêt général. Nous estimons que ces salariés doivent être protégés et que le secret des affaires ne doit pas conduire à leur interdire de faire leur devoir citoyen et de le faire sans risquer de subir de représailles dans leur vie professionnelle. Il faut trouver le bon équilibre et le texte tel qu’il est pour l’instant ne garantit pas, de notre point de vue, cet équilibre. C’est un texte qu’on ne refuse pas par principe, mais il doit être encore travaillé et amélioré. Voilà le point sur lequel j’ai pris position publiquement et nous sommes intervenus auprès des parlementaires européens et des gouvernements et on va continuer à le faire.
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RT France : Pensez-vous que cette directive va être adoptée par tous les pays de l’UE ?
D.L. : On verra bien. Mais ce qu’on peut dire, c’est que les événements récents et en particulier les révélations des Panama Papers, et avant eux, la dénonciation des pratiques d’évasion ou d’optimisation fiscale en Suisse, au Luxembourg et dans d’autres pays européens, montrent la nécessité de protéger le journalisme d’investigation, les journalistes qui font un bon travail pour révéler des faits dissimulés parce qu’ils témoignent d’infractions, parfois même de crimes. Les journalistes et les médias jouent donc un rôle indispensable pour éclairer, informer les citoyens. Ces affaires récentes montrent aussi qu’on a besoin des lanceurs d’alertes, de citoyens qui prennent leurs responsabilités pour faire connaître des manquements à la loi, des manquements à la probité ou des risques graves pour la société. Plus que jamais, il faut avoir cet objectif de mieux protéger et les journalistes et les lanceurs d’alerte.
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