La course n’est pas perdue pour Bernie Sanders malgré sa défaite contre Hillary Clinton aux primaires dans douze Etats, estime l’écrivain politique Diana Johnstone.
RT France : Les résultats du Super Tuesday étaient-ils prévisibles?
Diana Johnstone : Bernie Sanders était désavantagé par le fait que six des onze primaires démocrates de ce mardi ont eu lieu dans les Etats du Sud, acquis à Hillary, y compris le gigantesque Etat du Texas. Hillary Clinton était donc certaine de gagner la majorité des délégués. Mais dans l’élection présidentielle de novembre, ces états du sud vont voter républicain. Dans les cinq autres, qui vont probablement voter démocrate en novembre, Bernie a gagné sauf au Massachusetts, où les deux candidats étaient presqu’à égalité.
Sanders représente un défi majeur au statu quo du parti démocrate, devenu néolibéral depuis un quart de siècle
RT France : La course est-elle perdue pour Bernie Sanders ?
D.J. : En terme de vote populaire, pas du tout. Mais des 2 383 délégués nécessaires pour gagner la nomination, un tiers sont les 794 délégués non-élus, appelés «super délégués». Ce sont les notables du parti dans chaque Etat, quasiment tous proches des Clinton. Cela donne à Hillary Clinton un immense avantage au départ contre Sanders, qui représente un défi majeur au statu quo du parti démocrate, devenu néolibéral depuis un quart de siècle.
Le «nouveau» parti démocrate a masqué son abandon de la classe ouvrière en adoptant «la politique identitaire»
RT France : Trump apparaît «unstoppable» dans le processus d’investiture du parti républicain. Mais selon les sondages, dans le cas d’un duel «Trump-Clinton» la victoire de cette dernière ne serait acquise que d’une courte tête alors que dans une confrontation «Trump-Sanders» Bernie serait devant de 6 points. Pourquoi le parti démocrate continue-t-il de miser sur Hillary ?
D.J. : Depuis la Présidence de Bill Clinton entre 1993 et 2001, le parti démocrate a subi une transformation comparable à celle infligée au Parti travailliste par Tony Blair, grand ami et complice des Clinton. Bref, du parti progressiste soucieux de l’égalité sociale, le parti est devenu le champion de Wall Street, de la haute finance, de la «globalisation» dans tous ses aspects, y compris des guerres dites «humanitaires» visant les «changement de régime». Bernie Sanders peut être comparé à Jeremy Corbyn en Angleterre, qui a gagné la direction du Parti travailliste grâce à l’enthousiasme populaire, mais qui reste boudé par les élus de son parti.
Aux Etats-Unis, le «nouveau» parti démocrate a masqué son abandon de la classe ouvrière en adoptant «la politique identitaire», qui identifie le progrès avec la lutte de groupes identitaires, les femmes, les noirs, les LGBT, etc… pour l’égalité des droits ou pour une sorte d’acceptation, de reconnaissance. Mais aujourd’hui, curieusement, Hillary n’est plus soutenue par la majorité des femmes, à l’exception significative des «grand-mères» noires dans le Sud, celles qui votent. C’est la plus grande survivance de la politique identitaire face au défi social-démocrate de Bernie Sanders.
Il faut prendre une certaine distance pour soutenir Bernie
RT France : Le département d’Etat a divulgué des mails de Hillary Clinton à la veille du Super Tuesday. Est-ce un hasard ? Serait-ce un signe de lutte interne au sein du parti démocrate ?
D.J. : Le département d’Etat a été obligé de les divulguer, suite à une enquête du Congrès, promue par l’opposition républicaine. De ce point de vue, le parti démocrate reste fidèle à Hillary Clinton. Les dénonciations les plus fortes de l’action d'Hillary Clinton vis-à-vis de la Libye viennent de militaires comme l’ancien chef de l’intelligence militaire le Général Michael Flynn, ou bien la seule femme militaire au Congrès, Tulsi Gabbard, de Hawaï, qui vient de démissionner de son poste de vice-présidente du Comité national du parti démocrate pour pouvoir déclarer son soutien à Sanders. C’est une illustration du fait que le parti reste si clintonien qu’il faut prendre une certaine distance pour soutenir Bernie.
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