Cédric Michel est le président du Syndicat de défense des policiers municipaux (SDPM). Il a décidé de saisir la justice après la publication par RT France d’une vidéo montrant l’arrestation du général Piquemal, lors d'une manifestation anti-migrants.
RT : Pourquoi avez-vous décidé de porter plainte ?
Cédric Michel : Un service de maintien de l’ordre a été mis en place à l’occasion de la manifestation interdite organisée par Pegida et d’autres participants tel que le général Piquemal. Il nous a été signalé par une vidéo émanant de votre média que des policiers municipaux participaient à ce dispositif.
Or les policiers municipaux ne peuvent pas participer à des dispositifs de maintien de l’ordre de conflits sociaux revendicatifs : c’est interdit par la loi.
Considérant qu’il s’agit d’une immixtion dans une fonction sans titre nous avons décidé de porter plainte. Notre syndicat ne peut pas accepter que des policiers municipaux participent à un dispositif de maintien de l’ordre à leurs risques et périls parce qu’ils ne sont pas couverts par la loi en cas d’incident. Les policiers municipaux sont sous l’autorité d’un élu qui est un politique et déontologiquement nous n’approuvons pas que des policiers municipaux participent au maintien de l’ordre d’un conflit social.
RT : En quoi cela constitue un acte «grave» ?
Cédric Michel : C’est grave pour sa sécurité personnelle car il n’est pas habilité à cela. S’il venait à être blessé ou pire, on pourrait s’interroger sur les responsabilités qui pourraient être engagées. S’il blesse ou appréhende un individu et bien cet événement sera frappé d’inégalité parce qu'il n’a pas à être dans le dispositif du maintien de l’ordre. Lorsqu’on recherche des responsabilités ça peut aller très loin, jusque devant le tribunal. Je veux rappeler par une plainte forte aux autorités que ce soit la mairie de Calais, les autorités préfectorales ou autorités de l’Etat, à ceux qui ont donné l’ordre aux policiers municipaux de participer à ce dispositif, je veux leur rappeler qu’ils ne sont pas habilités à le faire.
RT : A la base les manifestations sont plutôt pacifiques, un agent municipal ne peut-il faire du maintien de l’ordre dans ce cadre là ?
Cédric Michel : La loi différencie la surveillance du bon ordre qui relève de la police municipale, du maintien de l’ordre. La surveillance du bon ordre, c’est la surveillance par exemple des foires, des marchés, d’une fête traditionnelle… et cela rentre dans le cadre des missions traditionnelles des policiers municipaux. Dès lors qu’il y un événement particulier, qui sort de l’ordinaire, qui est une manifestation sociale ou à caractère revendicatif, nous sommes en dehors des missions traditionnelles du policier municipal, nous sommes sur un événement particulier qui est toujours susceptible de causer des troubles à l’ordre public.
On sort du champ de compétence des policiers municipaux.
La réglementation est claire, il n’y a pas de discussion possible ou d’interprétation de la loi. On est en dehors du cadre des missions traditionnelles du métier de policier municipal.
RT : Ce genre de problème arrive-t-il souvent ? Est-ce fréquent que des policiers municipaux se retrouvent à réaliser des missions qui ne sont pas les leurs ?
Cédric Michel : Il y a des services de police municipale qui sont équipés de matériels pour le maintien de l’ordre et c’est tant mieux car en cas de violences urbaines les policiers municipaux vont intervenir pour rétablir l’ordre et la paix civile dans la commune. Et ça va dans l’intérêt public lorsqu’on est face à des délinquants, des voyous qui cassent ou brûlent des voitures, donc là nous sommes dans une situation juridique différente où les policiers municipaux ont besoin de se protéger.
Mais s’agissant du conflit social ou à caractère revendicatif, c’est-à-dire des manifestations, c’est substantiellement différent de voyous qui vont brûler des voitures ou provoquer des émeutes. Sur les conflits sociaux, le législateur a entendu ne pas faire participer les policiers municipaux à ce type de dispositif. Parce que les policiers municipaux ne sont pas formés, mais aussi pour une raison déontologique. Le maire est un politique et le policier municipal est en prise directe avec un politicien.
Donc faire participer le policier municipal dans la lutte contre un événement social alors que les manifestants contestent une politique et ont des revendications, et bien c’est faire participer le policier municipal dans une démarche politique.
On ne peut pas accepter que le policier municipal qui est sous l’autorité d’un politicien participe à une démarche politique. Juridiquement, même s’il y a des casseurs qui peuvent s’infiltrer dans des conflits sociaux, le policier municipal à la base n’a pas à être à proximité d’une manifestation à caractère social. Il y a des forces spécialisées qui sont les forces de l’Etat : les CRS, la gendarmerie nationale. Ils sont là pour faire respecter la paix civile sous l’autorité d’un ministre qui accomplit une politique gouvernementale, c’est leur rôle, pas celui du policier municipal.
RT : Est-ce que ce défaut de procédure peut avoir une influence dans le jugement du Général Piquemal ?
Cédric Michel : Non je ne crois pas, car le ou les policiers municipaux ont participé au dispositif du maintien de l’ordre mais ils n’ont pas pris part directement à l’arrestation du général Piquemal. Les vidéos semblent claires, ce sont les forces de police nationale qui ont interpellé le général. Le juge ne pourra pas retenir cet incident-là. Mais nous, nous avons engagé une procédure et porté plainte auprès du procureur de la République afin d’éclaircir les responsabilités dans cette affaire. Nous lui demandons d’ouvrir une enquête pour savoir pourquoi les policiers municipaux étaient là et qui a donné l’ordre. Nous avons saisi également la commission de déontologie de la sécurité qui est le défenseur des droits et qui est une autorité administrative indépendante pour qu’elle aussi ouvre de façon indépendante une enquête administrative.
Je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas d’une plainte contre les policiers municipaux, je suis là pour les protéger face à un ordre illégal susceptible de les mettre en danger et de nuire à leur carrière.
RT : Que va-t-il se passer après la réception de votre plainte ? Quelles sont les suites possibles ?
Cédric Michel : Le procureur de la République est sous l’autorité du Garde des sceaux, et c’est lui qui décidera des suites après avoir ouvert l’enquête. J’ai déposé une plainte pour immixtion dans une fonction sans titre, qui est l’article 433-12 du code pénal qui prévaut une répression assez forte à ce sujet. Mais je pense que cela va se concrétiser par un rappel de la réglementation auprès des diverses autorités, je ne pense pas qu’il y aura des poursuites judiciaires à l’encontre de la ou les personnes qui ont donné cet ordre.
RT : Les forces de sécurité sont-elles assez nombreuses , est-ce par défaut de moyens que des policiers municipaux ont été appelés en renfort lors de cette manifestation ?
Cédric Michel : Aujourd’hui avec l’état d’urgence il est vrai que les moyens de sécurité publique sont très mobilisés et sont à bout. Il est possible que les policiers municipaux aient été sollicités pour renforcer un dispositif de sécurité publique. Mais cela n’est pas mon problème !
Il y a des lois en France, et l’état d’urgence ne déroge pas du fait que les policiers municipaux ne doivent absolument pas s'immiscer dans des conflits sociaux.
Il y a un conflit social entre une politique gouvernementale et une part de la société qui était représentée lors de cette manifestation par Pegida et un général d’armée. Je rappelle que les derniers sondages montrent que l’accueil des migrants en France est très fortement contesté par la population. Il y a une cristallisation sociale contre cette politique gouvernementale et le policier municipal n’est pas là pour servir telle ou telle politique.
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