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Jacques Nikonoff est professeur associé à l’Institut d’études européennes de l’Université Paris 8. Il est également porte-parole du Parti de l’émancipation du peuple (ex-M’PEP).

Déjouer le piège du nouveau bipartisme

Déjouer le piège du nouveau bipartisme Source: Reuters
Le président français François Hollande
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Après avoir expliqué comment François Hollande et le PS avaient adopte la «stratégie de la tenaille», le professeur associé à l’Institut d’études européennes Jacques Nikonoff propose point par point l’issue de ce piège politique.

Dans la présente chronique je veux démontrer qu’il existe au moins cinq raisons de déjouer le nouveau bipartisme : 

La peur est désormais le seul argument «rentable»

1.- Obliger les grands partis politiques à cesser la politique politicienne et à résoudre les difficultés des Français et de la France. Les grands partis politiques, de droite et de gauche, confirment qu’ils ne s’occupent pas des problèmes des Français, mais uniquement de leurs propres problèmes, conserver le pouvoir ou y accéder. Le gouvernement confirme aussi qu’il ne veut pas changer de politique (il a refusé l’augmentation du SMIC le lendemain du 2èm tour des élections régionales). Il est en permanence dans la posture et les manœuvres. Mais, pour lui, la leçon des régionales au deuxième tour est rassurante, car face à la menace frontiste, des électeurs de mobilisent en nombre suffisant pour assurer la victoire d’un républicain ou d’un socialiste. La peur du FN est désormais le seul argument «rentable» pour le PS («fasciste», «raciste» …). Un pays dont le débat politique s’oriente sur des bases aussi médiocres n’a pas d’avenir.

2.- Empêcher le risque de prophétie auto-réalisatrice. Plus les «élites» ne parlent que du FN, tout en radotant les mêmes âneries sur le chômage pour justifier leur inertie, plus elles créent les conditions de «prophéties auto-réalisatrices». Pourquoi rien ne fonctionne pour endiguer le Front national, se demandent naïvement beaucoup de gens, puisque plus la droite et la gauche luttent contre lui, et plus il se renforce ? Mais précisément, cette forme de «lutte» contre le FN ne vise qu’à le faire exister !

3.- Éviter que le FN soit désigné (par la gauche et la droite) comme la seule alternative crédible au «système». Désigné par les élites comme l’ennemi à abattre, le FN apparaîtra comme la seule alternative. On pousse ainsi dans ses bras une partie de la droite. Volontairement, car c’est bien le but du «jeu». Cette manœuvre peut fonctionner, car les partis de droite (LR, UDI, MoDem) et ceux de gauche (PS, EELV, PCF, PG, Front de gauche) ont tous dirigé ou participé à un gouvernement ces trente dernières années. Aucun citoyen n’est pourtant capable de repérer les différences essentielles entre les politiques successives menées. Aucun de ces partis ne remet en cause l’appartenance de la France à la mondialisation, à l’Union européenne et à l’euro. Ils ne font que répéter que celui qui est «contre l’Europe et contre l’euro», est donc du côté du FN. Des millions d’électeurs en ont tiré la conclusion qu’il fallait voter FN. 

Le projet politique apte à représenter une véritable alternative est celui de la démondialisation

4.- Écarter la fausse alternative qu’est le FN. Si ce nouveau bipartisme fonctionne, le citoyen n’aura le choix qu’entre un bloc de soutien à la mondialisation (la gauche et la droite), et le FN qui fait semblant de contester la mondialisation. Dès lors voter pour un côté ou l’autre reviendrait au même, car dans le premier cas il faudrait voter pour des partis aux affaires depuis quarante ans qui ont donné les résultats catastrophiques que nous connaissons. Dans le second cas, derrière des apparences trompeuses, le FN, comme le bloc des mondialisateurs, refuse pourtant de prendre les deux décisions fondamentales qui changeraient tout : il ne veut pas réellement sortir de l’euro et de l’Union européenne, et il ne veut pas prendre de mesures protectionnistes contre l’Allemagne.

Lorsque le programme du FN affirme qu’il veut une sortie «groupée» de l’euro, il donne l’impression de vouloir sortir de l’euro, mais en réalité il ne le souhaite pas car aucune sortie «groupée» n’est possible. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a aucun Etat candidat ! Cette formule hypocrite permet de faire croire à la partie de l’électorat du FN favorable à la sortie de l’euro que ce parti y est favorable, et à la partie de l’électorat qui est effrayée par cette perspective que finalement le FN n’est pas vraiment déterminé sur ce sujet. D’autant qu’un autre élément du programme du FN vient conforter cette ambiguïté, celui d’un référendum sur la sortie de l’euro. Le programme du FN explique que si Marine Le Pen est élue, elle convoquera un référendum pour demander aux Français s’ils veulent sortir de l’euro. Mais si Marine Le Pen est élue présidente de la République, et que son programme comporte la sortie de l’euro (et de l’Union européenne), il n’y a pas besoin de référendum puisqu’en élisant la dirigeante du FN, les électeurs auront dans le même mouvement validé son programme. Ces tergiversations n’ont qu’un seul but, reconnu d’ailleurs publiquement par plusieurs dirigeants du FN, celui de rassurer l’électorat qui a peur de la sortie de l’euro. Quant à la prise de mesures protectionnistes contre l’Allemagne, les dirigeants du FN s’y opposent farouchement. Pourtant, avec 200 milliards d’euros d’excédents commerciaux chaque année, l’Allemagne porte une responsabilité considérable dans la crise de l’euro et de l’Union européenne. Il ne peut pas y avoir de résolution de cette crise sans diminution drastique de ces excédents commerciaux, afin que tous les autres pays que l’Allemagne a endettés puissent revenir à l’équilibre. Bref, comme les autres partis, le FN fait de la politique politicienne.

5.- Démontrer que l’opposition entre «mondialistes» et «patriotes» que met en avant le FN est fictive, car être patriote n’est pas un projet politique. Tout Français, au-delà de ses convictions politiques, qu’il soit de droite ou de gauche, ou nulle part, a le devoir d’être patriote, c’est-à-dire de défendre sa patrie. La patrie dépasse les régimes politiques, ceux-ci peuvent se succéder, la patrie les surplombe toujours. C’est pourquoi on ne peut pas opposer les «mondialistes» qui partagent un projet politique, et les «patriotes» qui n’ont pas de projet politique cohérent mais des convictions variées et même contradictoires. Les «mondialistes» sont ceux qui mondialisent, ce sont les mondialisateurs, c’est-à-dire les représentants du capitalisme mondialisé et leurs agents comme beaucoup de politiciens de droite et de gauche. Ils veulent éliminer la souveraineté des nations et la transférer aux marchés. Face aux mondialisateurs, le projet politique apte à représenter une véritable alternative n’est pas celui du rassemblement des patriotes, qui ne peut qu’être fondé sur des mythes et du flou, c’est celui de la démondialisation, précis, concret opérationnel.

C’est pourquoi, afin de déjouer le piège du nouveau bipartisme, il est nécessaire qu’apparaisse à la présidentielle un candidat de rassemblement pour la démondialisation !

Article précédent : Du tripartisme vers un nouveau bipartisme

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