Les États-Unis et Israël sont-ils liés pour toujours ? Que signifie la visite de Netanyahou à Washington

Les États-Unis et Israël sont-ils liés pour toujours ? Que signifie la visite de Netanyahou à Washington© Julia Nikhinson Source: AP
La vice-présidente américaine Kamala Harris et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche, le 25 juillet 2024 à Washington (photo d’illustration).
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Impopulaire chez lui, le Premier ministre israélien n’a épargné aucun effort pour convaincre ses alliés américains qu’il est indispensable.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a effectué son premier voyage à l’étranger depuis les événements du 7 octobre 2023, avec une visite importante à Washington. Son avion, connu sous le nom d’Aile de Sion, a atterri dans la capitale américaine le 22 juillet.

Le ciel était clair ce jour-là, mais l’atmosphère politique à Washington ne l’était pas. Les États-Unis traversent une période difficile marquée par de profondes divisions sociales et une apparente rupture avec les valeurs fondamentales établies par les pères fondateurs.

Pendant sa visite, Netanyahou a eu des relations tendues avec le Parti démocrate. De nombreux démocrates ont critiqué sa position intransigeante sur la question palestinienne et ses accusations de corruption. Les tensions se sont encore intensifiées en raison des tentatives répétées de Netanyahou de s’aligner sur les républicains, donnant l’impression qu’il cherchait à influencer la politique intérieure des États-Unis. En outre, l’ex-président Donald Trump a exprimé sa déception de voir Netanyahou féliciter publiquement Joe Biden pour sa victoire aux élections de 2020, considérant cela comme un acte de déloyauté. Cette visite a mis en évidence non seulement les efforts déployés par Netanyahou pour renforcer les liens américano-israéliens, mais aussi les profondes divisions politiques qui existent actuellement dans la société américaine.

La visite de Netanyahou aux États-Unis était prévue, dans le cadre des efforts diplomatiques en cours. Un mois auparavant, le 22 juin, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant s’était rendu à Washington. Il avait tenu des réunions avec de hauts responsables américains, notamment le secrétaire à la Défense Lloyd Austin et le secrétaire d’État Antony Blinken. Les discussions avaient porté sur les problèmes de sécurité le long de la frontière libanaise, le conflit en cours à Gaza et sa «troisième phase», qui devrait suivre la fin des hostilités actives dans l’enclave. Les réunions avaient également porté sur la coopération en matière de défense entre Israël et les États-Unis, un élément essentiel de la sécurité de l’État israélien.

La situation à Gaza reste complexe, provoquant des tensions considérables dans les relations américano-israéliennes. L’armée israélienne poursuit ses opérations de neutralisation de la menace posée par le Hamas, suscitant souvent des critiques de la part de la communauté internationale et de certains segments de la population américaine. L’administration Biden s’efforce de contrebalancer l’appui à Israël et la nécessité de fournir une aide humanitaire à la population civile palestinienne, ce qui conduit parfois à des différends entre les deux pays. Cependant, les États-Unis et Israël continuent de coopérer activement dans les domaines de la défense et du renseignement, un aspect essentiel de leur partenariat stratégique. Toutefois, les questions relatives au règlement pacifique et à la protection de la population civile palestinienne demeurent des sujets controversés qui compliquent les relations diplomatiques.

Qu'attend Netanyahou de Washington ?

Les objectifs de la visite de Netanyahou allaient bien au-delà des objectifs de son ministre de la Défense. Netanyahou avait l’intention d’utiliser sa rencontre avec Biden et son discours devant le Congrès pour restaurer son image d’ardent défenseur d’Israël et renforcer ses liens avec l’élite politique américaine. Sa dernière visite à Washington, en septembre 2020, a été marquée par la signature d’un accord de paix avec les Émirats arabes unis, une avancée diplomatique importante facilitée par le président de l’époque, Donald Trump.

Cependant, la réunion prévue avec Biden a été reportée en raison de l’infection au Covid-19 du président américain, et aucune nouvelle date n’a été fixée. Le programme de Netanyahou comprenait également des réunions avec la vice-présidente Kamala Harris, qui se prépare probablement pour la course à la présidence, le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan et le secrétaire d’État Antony Blinken. Netanyahou a également prévu une rencontre avec Donald Trump à Mar-a-Lago.

L’objectif principal de la visite, selon des responsables israéliens, était de demander aux législateurs américains un soutien bipartite à Israël dans son conflit avec le Hamas palestinien et d’autres adversaires, y compris l’Iran et «l’axe de la résistance». Dans le contexte de l’instabilité politique à Washington, Netanyahou a cherché à obtenir le soutien des États-Unis en tant qu’allié clé dans la confrontation avec les forces anti-israéliennes.

Dans son discours au Congrès, Netanyahou a cherché à éviter la confrontation avec l’administration Biden et a souligné l’importance de soutenir Israël. Bien que certains démocrates aient exprimé leur intention de boycotter le discours en raison des actions israéliennes à Gaza, ainsi que des manifestations qui se déroulaient à l’extérieur du Capitole, organisées tant par des militants américains que par des partisans de la démocratie israélienne, Netanyahou a été chaleureusement accueilli par des ovations lorsqu’il est entré dans la salle de réunion.

Il a commencé son discours en remerciant tous les participants et en qualifiant l’endroit de «citadelle de la démocratie». Il a ensuite déclaré que «l’axe iranien du terrorisme» s’opposait aux États-Unis, à Israël et à leurs amis arabes, présentant le conflit non pas comme un choc des civilisations, mais comme une bataille de «barbares contre la civilisation», et a affirmé que les États-Unis et Israël devaient «rester ensemble».

Son discours était bien préparé, soulignant la «brutalité» des groupes paramilitaires palestiniens. Netanyahou a amené avec lui des soldats de l’armée israélienne combattants de la guerre à Gaza, notamment des membres des communautés éthiopienne et bédouine, pour démontrer que «des musulmans, des chrétiens et des juifs» se battaient ensemble pour défendre Israël. Il a abordé la question des victimes civiles, insistant sur le fait que pour Israël, «la mort de civils est une tragédie, alors que pour le Hamas, c’est une stratégie». Netanyahou a appelé à fournir aux forces de défense israéliennes «les outils nécessaires» pour remporter la victoire, impliquant une demande d’aide militaire américaine.

Comme prévu, Netanyahou a loué Biden et les démocrates pour leur amitié et leur soutien à la démocratie israëlienne, et a également remercié Trump et les républicains pour leur soutien, notamment la reconnaissance du plateau du Golan comme territoire israélien et celle de Jérusalem comme capitale d’Israël.

Ainsi, l’objectif de la visite de Netanyahou était d’assurer un soutien, de résoudre les différends actuels entre Washington et Jérusalem-Ouest et d’obtenir l’appui des futures administrations américaines. En outre, cette visite a renforcé la position de Netanyahou en Israël, envoyant au public israélien le message qu’il entretenait de solides «relations d’alliés» avec les États-Unis, malgré les récentes pressions.

Les temps ont changé

La visite a eu lieu dans un environnement politique nettement différent de celui de la visite précédente. Son gouvernement, le plus conservateur de l’histoire d’Israël, a été confronté à des défis importants, y compris les événements tragiques du 7 octobre, la plus grande attaque contre les Juifs depuis la Shoah. Selon des sondages récents, 72% des Israéliens veulent qu’il démissionne soit immédiatement soit après la fin de la guerre à Gaza. Malgré les critiques et le mécontentement, Netanyahou a conservé son pouvoir avec une majorité à la Knesset et a évité la menace d’élections anticipées. 

La visite de Netanyahou à Washington s’est déroulée dans un contexte de changements globaux et régionaux qui pourraient être historiques. Les tensions aux frontières nord d’Israël se sont intensifiées, et le conflit ouvert avec le Hezbollah est devenu une réalité quotidienne, alors que les deux parties échangent des frappes. L’«axe de la résistance» poursuit également ses attaques contre des cibles militaires occidentales dans la région et contre Israël, tandis qu’une nouvelle vague d’escalade est observée entre les forces armées israéliennes et le mouvement houthi du Yémen, Ansar Allah. 

Les Houthis ont lancé une attaque sur Tel-Aviv à l’aide d’un nouveau drone appelé Jaffa dans la nuit du 19 juillet, incitant Israël à frapper diverses cibles dans la ville portuaire d’Al-Hodeïda au Yémen, selon le service de presse de l’armée israélienne. Les menaces extérieures croissantes rendent le maintien de la sécurité de plus en plus difficile pour Israël, Netanyahou ayant déclaré, avant son départ à Washington, que Jérusalem participait actuellement à des actions militaires sur «sept fronts».

Cependant, Israël a lui-même contribué à intensifier la situation. Le 18 juillet, la Knesset a adopté une résolution rejetant la création d’un État palestinien et le qualifiant de menace pour l’existence d’Israël et de ses citoyens. D’après cette résolution, la création d’un tel État en Cisjordanie perpétuerait le conflit israélo-palestinien et déstabiliserait la région. Les auteurs de la résolution ont également affirmé que cela récompenserait le terrorisme et renforcerait le Hamas ainsi que d’autres forces radicales. 

La résolution a été soutenue par les partis de la coalition de Netanyahou, les partis d’opposition de droite, et par le Parti centriste de l’unité nationale dirigé par Benny Gantz. Le parti de centre gauche Yesh Atid, dirigé par Yaïr Lapid, s’est opposé à la résolution, prônant une solution à deux États, et a quitté la session. Tout cela s’est déroulé alors que Netanyahou se préparait pour sa visite aux États-Unis, pleinement conscient qu’une telle décision de la part de la Knesset pourrait affecter les relations israélo-américaines, étant donné le soutien du Parti démocrate à une solution à deux États. 

De plus, certains signes de progrès ont été observés dans la résolution des différends entre les diverses factions palestiniennes. Le 23 juillet, 14 factions palestiniennes ont conclu des pourparlers de trois jours en Chine, signant la Déclaration de Pékin sur la réconciliation. Le document appelle à la création d’un gouvernement temporaire d’unité nationale sous la direction de l’Organisation de libération de la Palestine après la fin de la guerre. Parmi les signataires figuraient le Hamas, le Jihad islamique et le Fatah. L’objectif principal était d’unir les institutions palestiniennes, de tenir des élections générales et de reconstruire Gaza avec le soutien de la Russie, de la Chine et de l’Algérie. 

En tant que médiateur, la Chine a proposé un plan en trois étapes pour résoudre la question palestinienne, comprenant un cessez-le-feu, la reconstruction de Gaza et la pleine adhésion de la Palestine à l’ONU. La partie chinoise, représentée par le ministre des Affaires étrangères Wang Yi, a souligné que Pékin n’avait aucun intérêt égoïste et soutenait le rétablissement des droits du peuple palestinien. Pourtant, l’optimisme quant à l’application des accords conclus dans le cadre de la Déclaration de Pékin devrait être tempéré, car des efforts similaires déployés en 2022 en Algérie sont restés sur le papier. 

Ainsi, la visite de Netanyahou aux États-Unis était cruciale pour le gouvernement israélien et l’avenir d’Israël. Les temps ont vraiment changé. La Russie et la Chine étendent activement leur influence au Moyen-Orient, tandis que le principal allié d’Israël, les États-Unis, semble perdre son emprise. L’Iran et les diverses forces anti-israéliennes deviennent de plus en plus fortes, élargissant leurs capacités militaires, et les Palestiniens semblent prendre conscience de l’importance d’unir leurs efforts pour un avenir commun. Même à l’intérieur des États-Unis, la situation n’est pas facile : Biden s’est retiré de la course à la présidence, Trump a été attaqué et les démocrates ne sont pas unis pour soutenir Kamala Harris en tant que candidate aux prochaines élections.

Le chaos règne dans la région depuis dix mois et la fin du conflit en cours n’est pas en vue. Les tensions entre Israël et le Hezbollah ainsi que le mouvement houthi s’intensifient et les manifestations antigouvernementales se poursuivent dans le pays. Malheureusement, ces événements montrent que la terre promise est peut-être au seuil de sa période la plus difficile depuis 1948. Cette opinion a été reprise par Netanyahou, ainsi que par Gallant lors de sa propre visite à Washington.

Les États-Unis ont été et resteront toujours l’allié le plus important d’Israël, peu importe qui occupe le Bureau ovale, car la protection des «amis d’Israël» est primordiale. Les récents vols de transport militaire des États-Unis à travers la Turquie vers la Syrie et l’Irak indiquent que Washington se prépare à une détérioration de la situation. Cependant, la force du soutien dépendra en grande partie du déroulement de la campagne électorale et de l’issue de l’élection présidentielle. Cependant, Netanyahou cherche à assurer les démocrates et les républicains qu’«Israël et les États-Unis sont des alliés pour toujours». Les citoyens israéliens doivent également comprendre l’importance de Netanyahou, car lui seul peut les protéger, et personne d’autre n’a des liens aussi solides avec Washington, ce qui aidera également Israël.

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