Nous n’aurons pas de répit ! - par Stéphanie Gibaud

Nous n’aurons pas de répit ! - par Stéphanie Gibaud© AP Photo/Alastair Grant
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Alors que les soutiens de Julian Assange s'apprêtent à entourer symboliquement le Parlement de Westminster avec une chaîne humaine, la lanceuse d'alerte Stéphanie Gibaud salue la mobilisation sans répit des défenseurs du journaliste emprisonné.

L’avocate Stella Moris, récemment mariée à Julian Assange au sein de la prison de Belmarsh où le journaliste est incarcéré depuis 2019, n’a pas de répit. Chaque homme de la planète doit envier qu’une femme soit autant dévouée au sort et au bien-être de son mari lorsque ce dernier voit depuis plus d’une décennie ses droits humains bafoués et est exposé à des «formes graves de traitements cruels, humiliants ou dégradants» [1]. Madame Assange est infatigable, persévérante, engagée : le nombre de ses prises de parole en public et de ses messages postés quotidiennement sur les réseaux sociaux, la quantité de ses interviews données aux médias internationaux, ses déplacements de par le monde font preuve d’une énergie impressionnante pour qu’émerge une conscience collective, que chacun comprenne l’importance qu’Assange ne soit pas extradé vers les Etats-Unis. Stella Assange s’est érigée en véritable lanceuse d’alerte sur les conditions de détention et la privation de liberté de son mari. L’extradition du fondateur australien de WikiLeaks pourrait lui coûter 150 années de prison, créerait un précédent pour tous les journalistes étrangers qui pourraient alors subir le même sort.

On pourrait aussi tous envier d’avoir un père et un frère aussi actifs et dévoués que John et Gabriel Shipton. Tout comme Stella, ces deux hommes ont décidé de ne pas avoir de répit tant qu’Assange reste enfermé. Dans le cadre de la projection du film Ithaka, ils participaient en septembre à des débats en Amérique du Sud où ils ont reçu un accueil chaleureux avant de rejoindre Bruxelles, attendus au Parlement européen puis à Genève avant de continuer leurs voyages.

On veut nous faire croire que personne ne s’intéresse au dossier du journaliste australien, que sa famille est isolée. Il n’en est rien. Ainsi certaines voix politiques ont eu le courage de se lever, tel monsieur López Obrador, président du Mexique, qui avait déclaré lors de sa conférence de presse du 6 juillet dernier vouloir offrir l’asile au fondateur de WikiLeaks.

Les membres du Comité #FreeAssangeBelgium avouent également qu’ils n’auront pas de répit aussi longtemps qu’Assange reste emprisonné. A Bruxelles, leur rituel reste identique depuis avril 2019 : plus de 180 rassemblements ont eu lieu tous les lundis. Outre-Rhin, les Allemands organisent des actions citoyennes pour la libération du journaliste et l’un d’eux, Kolja, a décidé en août dernier d’entreprendre une marche jusqu'à Londres.

Venant d’arriver au Royaume-Uni, il reçoit un accueil véritablement chaleureux. Les Italiens n’ont pas de répit eux non plus : la ville de Lucera a conféré la citoyenneté d’honneur à Assange, le site #FreeAssangeItalia présentant le travail du journaliste et ses soutiens artistiques à l’international a vu le jour, des rassemblements et des prises de parole se multiplient sans compter le travail de talentueux artistes, du sculpteur Davide Dormino et ses statues itinérantes #anythingtosay à l’artiste Jorit Agosh et sa fresque murale du visage d’Assange sur la façade d’un immeuble de la banlieue de Moscou. Le Mouvement 5 étoiles italien a récemment proposé la candidature pour le prix Sakharov du journaliste Julian Assange, qui, selon l’eurodéputée Sabrina Pignedoli est «le symbole du droit des citoyens à connaître la vérité». «Cette candidature est destinée à combattre le pouvoir qui cherche à "punir" ceux qui ne se conforment pas aux vérités toutes faites», avait-elle argumenté.

Comme le souligne très justement Nils Melzer dans l'introduction de L'affaire Assange. Histoire d'une persécution politique : «Mon message le plus important est, en fin de compte, que le procès d'Assange ne concerne pas vraiment ce dernier. Ce n'est rien de moins que l'avenir de la démocratie qui est en jeu. Il concerne l'intégrité de nos institutions constitutionnelles et, partant, l'essence de la "république" au sens premier du terme. Je n'ai pas l'intention de laisser à nos enfants un monde où les gouvernements peuvent ignorer en toute impunité l'Etat de droit et où dire la vérité est devenu un crime.»

Les Français de la patrie proclamée des droits de l’Homme ont semblé plus timorés mais militent vivement de leur côté pour la libération d’Assange, la parole libre, la vérité, l’éthique des médias et le respect de la charte de déontologie des journalistes (qui leur intime de publier des faits sourcés, vérifiés). Contrairement aux Allemands, les Français penseraient-ils que la guerre n’est pas un sujet de préoccupation ? Contrairement aux Italiens, nos artistes ne s’intéresseraient-ils pas à la liberté d’expression ? Contrairement aux Anglo-saxons, la mobilisation sur les réseaux sociaux ne serait-elle pas dans notre ADN ? N’ayons pas la mémoire courte ni sélective. En 2015, Assange a inspiré le personnage Doublepolemix du Papyrus de César dans Les Aventures d’Astérix. Hésitant à appeler leur personnage «Wikilix», les auteurs Jean-Yves Ferry et Didier Conrad, succédant à Uderzo et Goscinny, ont véritablement donné de la visibilité au fondateur de WikiLeaks.

Malgré les apparences silencieuses et l’absence totale d’intérêt des médias mainstream, le compte Twitter Unity4JFrançais (Toute la France avec Assange sur Facebook) publie et traduit inlassablement des articles de presse et relaie les interviews données de par le monde. Depuis novembre 2021, le film Hacking Justice fait salle comble lorsqu’il est projeté dans les salles de l’Hexagone. Une adolescente de 17 ans vient d’écrire un texte en l’honneur du travail d’Assange, l’association de lutte contre la corruption, Anticor, a décerné son prix Ethique à l’Australien en janvier dernier. Certains députés avaient donné de la voix pour la libération d’Assange lors de la dernière législature. Une cinquantaine de personnalités et lanceurs d’alerte français avaient tenu à soutenir le livre Assange Parle lors de sa publication fin 2021. Enfin – et peut-être est-ce le point plus important à retenir aujourd’hui – la France est le premier pays d’Europe à avoir appliqué la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte et elle est la seule à ce jour à s’être pourvue d’un organisme officiel indépendant pour prévoir un statut de lanceur d’alerte. Première à avoir obtenu ce statut depuis que la loi est entrée en vigueur, j’ai immédiatement communiqué sur l’espoir suscité par cette décision pour les futurs alerteurs. Je me suis ainsi souvenue d’une phrase que répétait Assange : «Celebrate whistleblowers.» Oui, célébrons tous les lanceurs d’alerte et n’ayons pas de répit jusqu’à ce que Assange soit libre.

Alors qu’Assange est privé de liberté, chacun peut lui donner la visibilité qu’il mérite, être sa voix alors qu’il ne peut plus communiquer : munis de banderoles, de pancartes, revêtant une casquette ou un t-shirt, ou encore assis derrière un clavier, nous sommes tous visibles et donc armés. Les nombreux livres publiés depuis trois années aident chacun à comprendre comment nous avons pu collectivement accepter que cette honteuse incarcération ait lieu. Chacun sait aujourd’hui qu’Assange est le seul prisonnier politique en Europe, qui plus est au pays de l’Habeas Corpus, alors que personne n’ignore qu’il est innocent.

Roger Waters, le célèbre fondateur de Pink Floyd n’a pas eu de répit non plus, faisant preuve de courage dès sa tournée internationale de 2017, dénonçant à chaque concert l’injustice enfermement d’Assange. L’actrice canadienne Pamela Anderson, l’artiste chinois Ai Weiwei ont eux aussi pris la défense du célèbre journaliste depuis longtemps. Plus récemment, le chanteur Boy Gorge leur a emboîté le pas. Notre élite intellectuelle, nos people français sont toutefois toujours encore muets en France sur ce scandale, à l’exception d’Eric Cantona. Il est pourtant clair que les célébrités permettent à la fois de mobiliser lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ou autres followers en prenant des prises de position sur des sujets d’intérêt général. Les déclarations de Vincent Lindon sur les enjeux de la Coupe du Monde au Qatar a fait le buzz, celles de Cantona – encore lui ! – également. Les éclats de rire de l’entraîneur Christophe Galtier et du joueur de football Kylian Mbappé sur l’éventuel transport en TGV de l’équipe professionnelle du Paris Saint Germain pour aider à la lutte commune dans le cadre du réchauffement climatique a suscité débats passionnés, indignations et millions de publications alors que la canicule vécue en France cet été nous a prouvé ses conséquences dramatiques (multiplication des incendies, restriction de l’eau etc.).

«Nous sommes la dernière génération libre» avait déclaré Julian Assange. Pour changer de société, arrêtons donc de nous faire endormir par les médias mainstream sur les bienfaits de la guerre et le monde vantant les mérites du «tout numérique». Pour une humanité retrouvée, pour reprendre le contrôle de nos vies et de l’information, la vérité est et restera le seul argument pour restructurer nos pays, nos économies. Les lanceurs d’alerte, diseurs de vérité, tant appréciés et respectés par Assange, ont et auront un rôle déterminant pour guider et aider à lever ce voile médiatique mensonger.

De Londres à Melbourne en passant par Paris : nombreux rassemblements prévus le 8 octobre

La chaîne humaine autour de Westminster (#SurroundingParliament) ce samedi 8 octobre 2022 promet d’être un événement solidaire, festif et émouvant. De Londres à Melbourne, chacun pourra rejoindre les regroupements et manifestations. A Paris, un rassemblement est prévu à 14h à proximité de la statue de la liberté, sur l’île aux cygnes. Deux symboles pour empêcher l’extradition d’Assange vers les Etats-Unis et redonner au journaliste la grandeur de cygne qu’il mérite face à tous ceux qui le font passer pour un vilain petit canard.

Partout dans le monde, les citoyens n’auront pas de répit pour défier tous les responsables complices qui, jusqu’à présent, ont décidé depuis plus de dix longues années du cruel enfermement d’un excellent et innocent journaliste en Europe. Nous serons alors tous les témoins privilégiés du chant du cygne de nos «élites» en faisant des chaînes humaines géantes autour des statues de la liberté de Paris, Tokyo et New York retransmises par les médias de par le monde ? Chiche !

Stéphanie Gibaud

[1] Mots employés par Nils Melzner, à l’époque où il était Rapporteur sur la torture aux Nations unies.

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