PDG d’Associated Press : le meurtre de journalistes doit devenir un crime de guerre

Le PDG d’Associated Press a rejoint un tollé concernant les meurtres et les enlèvements de journalistes, en proposant d'en faire un crime de guerre après que l’Ukraine a publié la liste de cinq destinations les plus meurtrières pour les journalistes.
Le PDG d’Associated Press Gary Pruitt a souligné le renversement des perceptions dans la couverture des conflits où les journalistes ne sont plus considérés comme des civils neutres qui rapportent ce qui se passe mais comme des participants à part entière pris pour cible à cause de leur travail.
«Auparavant, quand les médias avaient une inscription PRESSE sur leurs gilets, ou une inscription PRESSE ou MEDIA sur leurs véhicules, ils avaient un degré de protection… Mais vous savez quoi : maintenant cette inscription en fait plutôt une cible», a-t-il déclaré dans son discours au Club des correspondants étrangers à Hong-Kong.
Les statistiques mondiales montée en flèche avec 61 journalistes tués en 2014. Le nombre de journalistes tués depuis 1992 a atteint 1 000 personnes, selon le Comité pour la protection des journalistes. Associated Press, en particulier, a perdu quatre journalistes d'investigation l’année dernière.
Pendant ce temps, le conflit en Ukraine, qui s’est traduit par le bombardement indiscriminés de zones habitées par les forces de Kiev, a pris également une dimension politique lorsque des journalistes se sont également retrouvés en ligne de mire.
L’année dernière, l’agence d’information Rossiya Segodnya a perdu son photojournaliste Andreï Sténine. Son travail excellent a donné la possibilité aux personnes de comprendre les événements de Maïdan. Il a été tué le 6 août près de Donetsk lorsque son convoi s’est retrouvé sous le feu des forces gouvernementales.
Huit journalistes ont été tués en Ukraine en 2015 seulement. Les journalistes russes sont devenus des cibles fréquentes à cause de leur travail, comme l’atteste la vidéo de la ville de Slaviansk qu’on peut voir plus bas.
La mort est partout. L’Ukraine a perdu un photographe de guerre célèbre Sergey Nikolaev qui travaillait pour le quotidien Segodnia. Il a été tué pendant un feu d'obus près du village Peski. Le photographe de 37 ans était accompagné d’un volontaire ukrainien de Secteur droit, tous les deux ne portaient pas de gilets pare-balles. Sergey Nikolaev a été le huitième journaliste à tomber dans le conflit, selon les données du Comité pour la protection des journalistes. Pourtant, tous les journalistes décédés n’ont pas été ciblés délibérément.
Gary Pruitt a proposé de créer un nouveau protocole à la convention de Genève qui ferait de l’assassinat des journalistes un crime de guerre spécifique. Il a aussi suggéré d’adapter certains articles du Statut de la Cour pénale internationale.
Le raisonnement du PDG d’Associated Press ne tourne pas seulement autour de la nature changeante de la guerre, mais s’attaque aussi aux réseaux sociaux. Les groupes extrémistes n’ont plus besoin de journalistes pour raconter leur histoire, ils ont maintenant Twitter, Facebook etc.

«Ils n’ont pas besoin de nous, ils ne nous veulent pas. Ils veulent raconter leur histoire de leur propre manière du début à la fin sans rien avoir entre les deux, un journaliste est un filtre critique potentiel qu’ils ne veulent pas avoir».
«Cependant, le monde entier a besoin de nous. Il a besoin de nous pour avoir connaissance des faits réels ou d’une histoire entière et pas sous une seule version», a poursuivi Gary Pruitt.
Les évolutions futures des conflits armés, selon le PDG, seront marquées par des prises d'otages. Pour les groupes combattants, cela deviendrait une source inestimable de revenus, et cela inclurait l’enlèvement de journalistes.
Compte tenu des évolutions dans les réseaux sociaux, cela signifie aussi que les journalistes ne sont pas indispensables et sont souvent utilisés à leurs dépens par les groupes terroristes pour attirer l’attention du public. Cela peut se terminer par des décapitations publiques, diffusées dans le monde entier, ou par des humiliations publiques alors que le journaliste est laissé en vie pour rapporter les succès des terroristes, comme l’a montré la crise au Moyen-Orient.
Selon Pruitt, «la décapitation devient un communiqué de presse sanglant».
Le discours de Pruitt intervient peu après que quatre journalistes ont porté plainte contre la police du comté de Saint Louis aux Etats-Unis suite à leur arrestation pendant les affrontements à Ferguson en août 2014. Ils dénoncent une détention illégale et des mauvais traitements, phénomène qui a également pris de l’ampleur ces dernières années.
Selon la Fondation de la liberté de la presse, 24 journalistes ont été arrêtés à Ferguson entre août et novembre 2014, y compris la journaliste de RT Denise Reese.