Ukraine : le Kremlin dément tout accord avec Paris, qui n'est pas l'interlocuteur approprié
Emmanuel Macron, qui a lié sa candidature à une baisse des tensions en Ukraine, a affirmé avoir obtenu un engagement de Moscou dans ce dossier. Le Kremlin a démenti tout accord, soulignant que Paris n'était pas l'interlocuteur approprié.
Quel bilan faut-il tirer de la rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ? Vu de Paris ou de Moscou, la réponse à cette question diffère sensiblement. «J'ai obtenu qu'il n'y ait pas de dégradation et d'escalade», s'est félicité le chef d'Etat français le 8 février, au lendemain de sa discussion avec son homologue russe.
«Il s'agissait pour moi de bloquer le jeu pour empêcher une escalade et ouvrir des perspectives nouvelles. [...] Cet objectif pour moi est rempli», a encore assuré Emmanuel Macron, dont les propos sont rapportés par l'AFP. Selon BFMTV et Le Parisien, au cours de ce même «moment "confidence" avec les journalistes», le chef de l'Etat aurait ajouté que la France avait ainsi «consolidé sa crédibilité».
Des propos qui sous-entendent donc que le chef d'Etat français aurait obtenu un engagement de la Russie et de son président dans le dossier ukrainien.
Or l'analyse de la discussion entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine n'est pas la même du côté de Moscou. Interrogé en conférence de presse sur une information attribuée au Financial Times, selon laquelle Moscou attendrait l’approbation des Etats-Unis au sujet de l’accord présumé, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a immédiatement tempéré, niant qu'un quelconque accord ait été passé : «Sur le fond, с’est incorrect, car dans la situation actuelle, Moscou et Paris n’auraient pu conclure aucun accord, c’est tout simplement impossible.»
La raison en est simple selon le Kremlin, Paris n'est pas l'interlocuteur adéquat dans le dossier. «La France est à la fois membre de l’UE et le pays qui assure la présidence de l’UE, la France est également membre de l’OTAN, dont le leadership ne lui appartient pas. Dans ce bloc, le leadership appartient à un pays absolument différent», a ainsi souligné Dmitri Peskov. «De quel type d’accords pourrions-nous parler ici ? Par conséquent, le journal a tout simplement écrit [cela] de manière incorrecte», a-t-il conclu.
Avant d'être candidat, Macron voudrait voir se terminer la crise ukrainienne
Le 7 février, le président russe Vladimir Poutine avait toutefois estimé que certaines des idées de son homologue français pour désamorcer la crise russo-occidentale sur l'Ukraine pouvaient permettre d'avancer : «Certaines de ses idées, de ses propositions [...] sont possibles pour jeter les bases d'avancées communes.» Mais le chef d'Etat n'avait pas le moins du monde laissé entendre qu'il existait un engagement entre les deux pays, jugeant par ailleurs prématuré d'exposer ces idées publiquement.
Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il donc laissé entendre avoir obtenu un engagement de Moscou dans le dossier ukrainien si ce n'est pas le cas ? A y regarder de plus près, cette sortie avait peut-être davantage une visée nationale – voire personnelle – qu'internationale. Dans une interview accordée à La Voix du Nordle 4 février dernier, Emmanuel Macron avait en effet expliqué vouloir repousser l'annonce de sa candidature à la présidentielle pour attendre la baisse de l'épidémie de Covid, mais surtout des tensions diplomatiques autour de l’Ukraine.
«J’ai d’abord l’obsession que la phase aiguë de l’épidémie et le pic de la crise géopolitique actuelle soient derrière nous [...] Je ne peux pas raisonnablement expliquer aux Français que je vais m’adonner à ce temps démocratique important, alors que je leur ai dit que je serai président jusqu’au bout et que nous avons une crise à la frontière ukrainienne qui menace notre sécurité collective», avait-il déclaré. Ceci explique cela ?