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Après six mois d'arrêt, les négociations autour du nucléaire iranien ont repris à Vienne

Les pourparlers visant à relancer l'accord sur le nucléaire iranien ont repris à Vienne le 29 novembre. L'occasion de remettre sur le tapis des discussions au point mort depuis plusieurs mois mais également un accord moribond depuis 2018.

Après six mois d'interruption, les pourparlers afin de relancer l'accord sur le nucléaire iranien ont repris à Vienne (Autriche) le 30 novembre. L'occasion pour les membres de l'accord – Iran, Etats-Unis, Russie, Chine, France, Allemagne, Royaume-Uni, Union européenne – de réenclencher une dynamique positive après le retrait unilatéral des Etats-Unis en 2018, sous la présidence de Donald Trump, et le nouveau durcissement des sanctions à l'encontre de la République islamique.

La teneur des premières discussions a, semble-t-il, été accueillie positivement par Téhéran. «Un accord est à portée de main si l'Occident montre de la bonne volonté. Nous recherchons un dialogue rationnel, sobre et orienté sur le résultat», a fait valoir le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, dans un tweet mis en ligne dans la nuit du 1er au 2 décembre.

«Les discussions à Vienne se déroulent avec sérieux et la priorité reste la levée des sanctions», a-t-il encore ajouté, précisant que «les experts poursuivaient leurs travaux». Pilotant les négociations depuis Téhéran, Hossein Amir Abdollahian a assuré être «en contact quotidien avec le chef des négociateurs [iraniens] Ali Bagheri», qui se trouve lui dans la capitale autrichienne.

De leur côté, les Européens avaient expliqué le 30 novembre vouloir évaluer le «sérieux» des Iraniens lors de ces discussions.

Un accord à l'arrêt depuis 2018

Pour la première fois depuis le retrait unilatéral des Américains de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien ratifié en 2015 (JCPoA), tous les acteurs semblent bien décider à trouver une solution diplomatique à l'aggravation régulière des tensions entre la République islamique et certains des membres de l'accord.

Car depuis la décision de Donald Trump d'en retirer les Etats-Unis, les frictions se font de plus en plus nombreuses. En effet, l'ancien président américain avait pris le parti d'un durcissement des sanctions à l'encontre de Téhéran, ce qui avait entraîné un abandon progressif de ses engagements par l'Iran concernant son programme nucléaire. L'Iran jugeant que si les Etats-Unis ne s'astreignaient plus à respecter l'accord, il pouvait en faire de même.

Ainsi, à partir de mai 2019, soit un an après le retrait américain, l'Iran avait annoncé s'affranchir de ses principaux engagements, jusqu'à annoncer, en janvier 2021, vouloir enrichir de l'uranium à hauteur de 20% – soit bien plus que les 3,67% prévus dans l'accord. Le Guide de la Révolution, Ali Khamenei, avait même assuré, en février, que l'Iran se tenait prêt à enrichir, en cas de besoin, de l'uranium jusqu'à 60%. Il avait néanmoins laissé la porte ouverte aux négociations, précisant que les mesures prises par l'Iran étaient «réversibles» si jamais les autres pays parties de l'accord revenaient «à leurs responsabilités».

Entre temps, le peuple iranien a porté au pouvoir, lors de la présidentielle de juin, le conservateur Ebrahim Raïssi, qui, dans la lignée de son prédécesseur, le réformiste Hassan Rohani, a laissé la porte ouverte à une reprise des négociations en vue d'une levée définitives des sanctions qui étouffent le pays contre un encadrement de son programme nucléaire civil. Lors de son entrée en fonction, début août, il avait exhorté «les Etats-Unis à revenir à leur engagement envers l'accord» et à lever «toutes les sanctions illégales» qui pèsent sur l'Iran.

L'inconnue américaine

Et depuis la fin de l'été, les signes d'accalmie se multiplient, malgré quelques épisodes de tension. En effet, en septembre, l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) avait annoncé avoir trouvé un accord avec l'Iran au sujet du matériel de surveillance du programme nucléaire. «Les inspecteurs de l'AIEA ont l'autorisation d'intervenir pour entretenir l'équipement et remplacer les disques durs», s'était réjouie l'instance de l'ONU.

Par ailleurs, le nouveau président américain Joe Biden n'a pas caché, depuis sa prise de fonction, son souhait de pouvoir relancer les discussions concernant l'accord sur le programme nucléaire iranien et, pourquoi pas, de réintégrer l'accord. Ces nouveaux pourparlers marquent donc une étape importante même si les Américains ne participent aux discussions que de manière indirecte.

De plus, les Etats-Unis devront composer avec un de leurs alliés majeurs au Proche-Orient, qui ne voit pas d'un bon œil ce rapprochement : Israël. L'Etat hébreu, en guerre ouverte avec Téhéran, s'est d'ailleurs ému, le 2 novembre, de la participation des Américains aux négociations.

«L'Iran fait du "chantage nucléaire" une tactique de négociation et la réponse à cela doit être la fin immédiate des négociations et des mesures concrètes des grandes puissances», a expliqué le Premier ministre israélien, Naftali Bennett lors d'un entretien téléphonique avec le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. Il a évoqué des «violations à des fins de provocation de l'Iran dans le secteur du nucléaire qui interviennent en même temps que les négociations», sans toutefois préciser la teneur de ces «violations», d'après une source israélienne citée par l'AFP.

Reste donc à savoir comment se positionneront les Etats-Unis vis-à-vis de leur allié historique. Toujours est-il que la reprise des négociations marque un tournant majeur et augure possiblement d'une détente diplomatique entre l'Iran et les Etats-Unis mais aussi entre la République islamique et l'Union européenne.

Après une première réunion formelle de présentation le 29 novembre, des groupes d'experts ont débuté leur travail le 30 novembre concernant la fin des sanctions américaine avant de se concentrer le 1er décembre sur les engagements nucléaires iraniens.

Alexis Le Meur