Affaire Jeffrey Epstein : que faut-il attendre du procès de Ghislaine Maxwell à New York ?
Deux ans après la mort du pédocriminel Jeffrey Epstein, le procès de son ex-acolyte Ghislaine Maxwell débute à New York pour déterminer son rôle exact dans une affaire. Les procureurs ont écarté l'accusation de la plus médiatique des victimes.
Dans une actualité phagocytée par les nouvelles concernant le Covid-19 et la découverte d'un nouveau variant, il en est une qui passerait presque inaperçue : ce 29 novembre s'ouvre le procès de Ghislaine Maxwell, l'ancienne acolyte de Jeffrey Epstein. La justice va chercher à savoir si la fille du magnat de la presse Robert Maxwell recrutait des jeunes filles mineures pour le financier, accusé – et déjà condamné par le passé – de crimes sexuels et qui s'est suicidé dans sa cellule il y a deux ans. Ghislaine Maxwell est en effet soupçonnée d'avoir «appâté et préparé plusieurs filles mineures à se livrer à des actes sexuels avec Jeffrey Epstein par divers moyens et méthodes», entre 1994 et 2004.
La Franco-américano-britannique, aujourd'hui âgée de 59 ans, est détenue aux Etats-Unis depuis l'été 2020 et encourt la réclusion à perpétuité. Elle se dit innocente, plaide non coupable des six chefs d'inculpation et ne devrait pas s'exprimer à l'audience. La défense devrait plaider le fait que les crimes présumés remontent à plus de 20 ans, et surtout que Ghislaine Maxwell est jugée en lieu et place du principal protagoniste, Jeffrey Epstein.
De son côté, l'accusation se fonde sur quatre plaignantes anonymes – dont deux n'avaient que 14 et 15 ans au moment des faits – qui racontent avoir été approchées par des «rabatteuses», dont Ghislaine Maxwell, près de leur école ou à leur travail. D'après les procureurs, l'accusée aurait également participé aux agressions sexuelles avec son compagnon, soit chez elle à Londres, soit chez lui à Manhattan, en Floride et au Nouveau-Mexique. L'ex-personnalité mondaine est aujourd'hui décrite par le FBI et les procureurs comme une «scélérate» cultivant l'art de la «manipulation».
La principale accusatrice ne devrait pas témoigner
Mais avant même d'avoir débuté, ce procès suscite déjà la controverse. En cause, le fait que les procureurs n'aient pas décidé de poursuivre Ghislaine Maxwell par rapport aux accusations portées à son encontre par la plus médiatique des victimes présumées, l'Américaine Virginia Roberts Giuffre. Cette dernière soutient depuis des années que Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell l'ont emmenée en avion à travers le monde quand elle était âgée de 17 à 18 ans pour avoir des relations sexuelles avec des proches du «couple», dont le prince Andrew, fils de la reine Elizabeth II, qui de son côté nie les faits. Par conséquent, comme le rapporte notamment AP, Virginia Roberts Giuffre ne devrait pas être appelée comme témoin durant ce procès.
Le choix des trois principaux procureurs de ne pas requérir ce témoignage pourrait donc ôter un des volets clés de l'affaire, à savoir l'implication présumée de figures publiques. En effet, les quatre plaignantes anonymes sur lesquelles se base l'accusation n'ont pas fait d'allégations concernant des abus commis par des personnalités publiques.
Ces trois procureurs – Alex Rossmiller, Alison Gainfort Moe et Maurene Comey – étaient déjà en charge des poursuites contre Jeffrey Epstein avant sa mort en prison en 2019. Comme le souligne Business Insider dans une récente enquête sur son profil, Maurene Comey est la fille de James Comey, l'ancien directeur du FBI entre 2013 et 2017.
Or dans ce procès où les noms de nombreux puissants de ce monde pourraient être cités, et où de surcroît celui de l'ancien président Bill Clinton pourrait revenir avec insistance, cette information risque de ne pas laisser indifférent.
James Comey avait en effet été épinglé par le ministère de la Justice américain en 2018 pour avoir couvert Hillary Clinton concernant l'utilisation d'un serveur de messagerie privé et non-gouvernemental pour ses communications en tant que secrétaire d'Etat. L'ancien directeur du FBI avait estimé qu'il n'était pas pertinent d'engager des poursuites contre Hillary Clinton, ce qui avait été qualifié de «sérieuse erreur de jugement». Business Insider rappelle par ailleurs que Maurene Comey avait fait don, certes modeste, de 233 dollars à la campagne présidentielle d'Hillary Clinton en 2015, selon le site de transparence du financement de la campagne OpenSecrets.org. Son père James Comey avait déclaré en 2018 à ABC que sa femme et ses filles avaient «participé à la Marche des femmes le lendemain de l'investiture du président Trump» et qu'il était «à peu près sûr» qu'elles «voulaient toutes qu'Hillary Clinton soit la première femme présidente».
Eu égard aux liens entretenus par le couple Clinton avec Jeffrey Epstein et l'héritière de 59 ans, l'attitude de Maurene Comey sera à n'en pas douter scrutée de près.