Qui est Sergueï Saveliev, Biélorusse recherché par la Russie et demandant l'asile en France ?
Ex-détenu condamné pour trafic de drogue, Sergueï Saveliev est à l'origine de révélations qui ont défrayé la chronique sur des abus présumés dans une prison de Russie. Actuellement en France, il y demande l'asile. Retour sur son parcours.
Sept ans et demi en prison pour trafic de drogues
C'est en 2013 que Sergueï Saveliev, un Biélorusse présenté comme «lanceur d'alerte» dans la presse depuis l'affaire de la vidéo de viol présumé dans un centre carcéral de Russie, part vivre dans ce pays. Deux ans plus tard, en avril 2015, il est reconnu coupable pour son implication dans un trafic de drogue de grande envergure, ce qui lui vaudra de rester sept ans et demi derrière les barreaux.
Avant d'être incarcéré, il utilisait un faux permis de conduire au nom de «Nikita Altynnikov» et louait un appartement et un garage dans la ville de Krymsk, dans la région de Krasnodar, où il stockait de la drogue. Selon les enquêteurs, Sergueï Saveliev négociait l’achat de celle-ci avec un vendeur à Moscou via internet.
Révélation de vidéos d'abus présumés
Durant sa détention dans la prison-hôpital de Saratov (dans le centre de la Russie), Sergueï Saveliev dit avoir téléchargé, sous couvert d'opération de maintenance informatique, une grande quantité de vidéos montrant des mauvais traitements et viols organisés qui auraient eu lieu dans des établissements pénitenciers à travers la Russie. L'accès à toutes ces données aurait été permis par le fait que les prisons du pays sont reliées entre elles par un intranet.
L'homme aujourd'hui âgé de 31 ans raconte à l'AFP avoir réussi, peu avant sa libération en février 2021, à dissimuler à l'orée de sa sortie de prison les supports sur lesquels il enregistrait les données. Le jour de sa sortie, après avoir été minutieusement fouillé, il les récupère, discrètement, dans la confusion d'un départ groupé, toujours selon les dires de l'intéressé à l'agence de presse.
Une des vidéos en question a été rendue publique début octobre par l'ONG Gulagu.net, qui dit l'avoir reçue de Sergueï Saveliev. On y voit un homme attaché à un lit, le visage couvert et les jambes levées tandis qu'un groupe d'hommes lui font subir des sévices sexuels. Selon Gulagu.net, la scène a été filmée le 18 février 2020 dans la prison-hôpital de Saratov où Sergueï Saveliev était incarcéré. L'ONG affirme également avoir reçu de l'ex-détenu biélorusse plus de 1 000 vidéos montrant des tortures dans diverses prisons russes.
Peu après le tollé soulevé par ces révélations, quatre agents du centre pénitentiaire de Saratov ont été licenciés et une enquête a été confiée au Comité d'enquête russe afin, notamment, d'établir l'authenticité des images.
En outre, le 6 octobre, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a déclaré : «Si l'authenticité de ces matériaux est confirmée, alors, bien sûr, cela donnera lieu à une enquête sérieuse.»
Saveliev poursuivi en Russie – mais non pour «divulgation de secrets d'Etat»
Par la suite, Sergueï Saveliev a quitté le pays, passant par Istanbul et Tunis jusqu'à arriver en France, à l'aéroport de Roissy, dans la nuit du 15 ou 16 octobre. A l'AFP, son avocate Aude Rimailho a confié le 18 octobre qu'«il a[vait] été autorisé à entrer sur le territoire français pour déposer sa demande d'asile dans les huit jours». En effet, le ressortissant biélorusse dit craindre des représailles de l'administration pénitentiaire russe (FSIN) et les services de sécurité (FSB) pour avoir subtilisé et diffusé les vidéos de la prison de Saratov. Il a, en outre, estimé être poursuivi en Russie «pour divulgation de secrets d'Etat».
Qu'en est-il réellement ? Dans une dépêche du 23 octobre, l'agence RIA Novosti fait savoir que le ressortissant biélorusse avait été placé sur la liste fédérale russe des personnes recherchées. Et ce, «en vertu d’un article du Code pénal» selon les données publiques du ministère des Affaires internes, qui ne donne pas plus de précisions à ce stade.
Selon des sources de la version russophone de RT au sein des forces de l’ordre, si des poursuites ont été engagées en Russie à l'encontre de Sergueï Saveliev, «il ne s’agit pas d’espionnage ni de haute trahison». Les fichiers que l'ex-prisonnier a exploités «étaient classifiés et n’étaient pas destinés au grand public», expliquent ces sources. «De plus, Saveliev a violé les conditions de sa libération conditionnelle», indiquent-elles, et c'est en raison de cette dernière violation que Sergueï Saveliev aurait été placé sur la liste des personnes recherchées par les autorités russes.
Dernier détail fourni par ces membres des forces de l’ordre : l'ex-détenu n’aurait pas transmis gratuitement les vidéos qui ont fait scandale aux avocats de l'ONG Gulagu.net, mais les aurait vendues moyennant 2 000 dollars.
Reste donc à savoir si les autorités françaises jugeront la demande d'asile de Sergueï Saveliev légitime – et quelle peine celui-ci encourrait s'il devait rentrer en Russie.