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Arménie : le Premier ministre Pachinian remporte les législatives, l'opposition évoque des «fraudes»

Dans un contexte tendu, le parti du Premier ministre arménien Nikol Pachinian a obtenu 53,9% des voix lors des législatives anticipées. L'opposition a dénoncé des fraudes, qui ont été démenties par la Commission électorale centrale.

Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian a largement remporté les législatives anticipées, selon les résultats complets publiés le 21 juin et contestés par son principal rival Robert Kotcharian qui dénonce des «fraudes».

Le parti Contrat civil de Nikol Pachinian a obtenu 53,9% des voix après le dépouillement de 100% des bulletins, ce qui lui permettra de former un nouveau gouvernement et de reconduire le chef du gouvernement actuel. Le bloc Arménie de Robert Kotcharian a reçu 21% des bulletins, selon la même source. 

De nombreux observateurs craignent cependant que des protestations, voire des émeutes n'éclatent à l'issue d'une campagne électorale véhémente qui a polarisé la société arménienne quelques mois après une lourde défaite militaire face à l'Azerbaïdjan.

«Nous savons déjà que nous avons remporté une victoire convaincante lors des élections et nous aurons une majorité convaincante au Parlement», a déclaré Nikol Pachinian plusieurs heures avant l'annonce des résultats officiels, invitant ses partisans à se réunir dans la soirée du 21 juin dans le centre d'Erevan. A l'arrivée dans son QG de campagne, le Premier ministre, a été accueilli par les «Bravo !» et «Victoire !» de ses soutiens, au milieu d'un tonnerre d'applaudissements.

Robert Kotcharian évoque des «falsifications planifiées à l'avance»

Sans attendre les résultats complets, l'alliance électorale de Robert Kotcharian s'est insurgée contre des «falsifications planifiées à l'avance» et a exigé «d'étudier attentivement les fraudes supposées et signalées». «Tant que ces questions n'auront pas eu de réponses complètes, le bloc ne reconnaîtra pas les résultats du scrutin», a déclaré sa formation dans un communiqué.

L'ex-journaliste Nikol Pachinian, 46 ans, porté au pouvoir en 2018 par une révolution pacifique contre les vieilles élites corrompues, a vu sa popularité record mise à mal par la déroute d'Erevan durant la guerre contre l'Azerbaïdjan, voisin et ennemi juré, à l'automne 2020. Après six semaines de combats ayant fait plus de 6 500 morts, l'Arménie a dû céder d'importants territoires qu'elle contrôlait depuis une première guerre avec Bakou dans les années 1990.

Les deux pays se disputent le Haut-Karabagh, une région séparatiste azerbaïdjanaise majoritairement peuplée d'Arméniens. Perçue comme une humiliation nationale, cette défaite a déclenché une crise en Arménie, forçant Nikol Pachinian à convoquer des législatives dans l'espoir de renforcer sa légitimité. Nombre de ses anciens partisans l'accusent d'être un «traître» pour avoir accepté un cessez-le-feu, se tournant désormais vers ses adversaires. 

Après avoir obtenu plus de 70% de suffrages aux législatives de 2018, Nikol Pachinian visait un score de 60% le 20 juin. Mais sa formation n'était créditée que de 25% des intentions de vote par le seul sondage disponible contre 29% pour le bloc de Robert Kotcharian. 

La Commission électorale centrale assure que les élections se sont «déroulées conformément à la loi»

«Nous avons réalisé une deuxième révolution en trois ans», celle «d'acier», a lancé Nikol Pachinian dans son QG. «Le peuple nous a donné un mandat pour la dictature du droit et de la loi, et nous devons l'utiliser immédiatement», a-t-il ajouté. 

Son adversaire Robert Kotcharian ne cessait de dénoncer l'incompétence du gouvernement sortant, se posant en dirigeant expérimenté. Président de 1998 à 2008 de cette ex-république soviétique pauvre et montagneuse, il a cependant été accusé par le passé de fraudes électorales et il est visé par une enquête sur des accusations de corruption. 

«Pachinian pourrait obtenir davantage de sièges» grâce au soutien des régions rurales et des indécis qui voteraient pour lui «non pour le soutenir mais à cause de leur peur et leur haine de Kotcharian», a estimé auprès de l'AFP l'analyste arméno-américain Richard Giragosyan.

Malgré les accusations de l'opposition, la Commission électorale centrale a assuré que «globalement, les élections s'étaient déroulées conformément à la loi». La participation a atteint 49,4%, contre 48,6% en 2018.

Le dépouillement des bulletins a été «hautement transparent» et la campagne électorale «démocratique», a pour sa part ajouté l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), regrettant cependant des «propos incendiaires des principaux candidats» qui ont contribué à la «polarisation» de la société. «Les libertés fondamentales, essentielles pour des élections démocratiques, ont été respectées d'une manière générale», a fait savoir l'organisation. 

Environ 2,6 millions d'électeurs arméniens étaient appelés aux urnes pour élire au moins 101 députés pour cinq ans.