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Sommet de Genève : qu'en pense Vladimir Poutine et de quoi ont-ils discuté avec Joe Biden ?

Le 16 juin à Genève, les chefs d'Etat russe et américain se sont rencontrés pour la première fois. Un sommet à l'issue duquel Vladimir Poutine a répondu aux questions des journalistes présents sur place.

A l'issue de sa première rencontre avec le président des Etats-Unis Joseph Biden, Vladimir Poutine a tenu une conférence de presse lors de laquelle il a fait part du vaste spectre de sujets qu'il venait d'aborder avec son homologue américain.

Une rencontre «pragmatique» et «fructueuse»

Tout en se gardant de faire des pronostics sur une possible amélioration des relations bilatérales entre Moscou et Washington, le président russe a décrit Joseph Biden comme un partenaire constructif et expérimenté, assurant que les deux dirigeants avaient parlé «le même langage» et qualifiant le sommet de la journée de «pragmatique et fructueux».

Les deux chefs d'Etat se sont par exemple entendus pour le retour de leurs ambassadeurs respectifs, rappelés plus tôt cette année pour des consultations. «Ils retournent sur leur lieu d'affectation. Quand exactement, c'est une question purement technique», a ainsi déclaré Vladimir Poutine.

Interrogé sur une possible amélioration des relations entre la Russie et les Etats-Unis, Vladimir Poutine a fait référence à Léon Tolstoï, expliquant qu'il n'y avait pas de bonheur éternel dans la vie mais que ses éclairs étaient très précieux. «On ne peut pas parler de confiance mais des éclairs se sont manifestés, c'est une bonne chose», a-t-il ainsi déclaré à l'issue de son entretien avec Joseph Biden.

Poutine, les droits de l'Homme et l'affaire Navalny

Expliquant aujourd'hui être satisfait des explications de Joseph Biden – qui l'avait qualifié au mois de mars de «tueur» –, le président russe a fait savoir qu'il avait discuté avec son homologue américain des droits de l'Homme. Lors de sa conférence de presse, interrogé par une journaliste américaine sur l'emprisonnement et la mort d'opposants russes, Vladimir Poutine a estimé que de telles problématiques pouvaient se poser «dans tous les pays».

Nous ne voulons pas que ce qui est arrivé au Capitole puisse se produire en Russie

Il est par exemple revenu sur l'intrusion, le 6 janvier, de manifestants américains au Capitole. «400 personnes sont aujourd'hui menacées de prison car elles sont déclarées terroristes de l'intérieur. Certaines sont actuellement en prison et on ne comprend pas bien pourquoi», a-t-il ajouté, rappelant par ailleurs que l'épisode avait engendré la mort de plusieurs personnes. «Nous ne voulons pas que ce qui est arrivé au Capitole puisse se produire en Russie», a encore ajouté Vladimir Poutine.

En tout état de cause, le chef d'Etat russe a souligné que les accusations visant la Russie sur le volet des droits de l'Homme étaient purement «politiques», expliquant que lui aussi pourrait, s'il le voulait, dénoncer l'existence de meurtres politiques sur le sol américain ou encore la torture à Guantanamo et dans d'autres prisons de la CIA : «Est-ce ça, les droits de l'Homme ?», a-t-il interrogé.

Revenant en outre sur les manifestations liées au mouvement Black Lives Matter, le président russe a déclaré : «Ce que nous avons vu, c'est du désordre, des perturbations, des violations de la loi, etc. Nous éprouvons de la sympathie pour les Etats-Unis d'Amérique, mais nous ne voulons pas que cela se produise sur notre territoire et nous ferons tout notre possible pour que cela ne se produise pas...»

Amené à s'exprimer précisément sur l'affaire Navalny, qui purge actuellement une peine de deux ans et demi de prison ferme en Russie, Vladimir Poutine a déclaré en conférence de presse que l'opposant Alexeï Navalny savait qu'il enfreignait la loi russe, et qu'il serait détenu à son retour en Russie en janvier mais qu'il avait décidé de venir quand même. Pour rappel, la justice russe a révoqué en février dernier le sursis d'une condamnation remontant à 2014 pour détournements dans la filiale russe du groupe français Yves Rocher. L'opposant a été reconnu coupable de multiples violations des conditions du contrôle judiciaire exigé par cette peine avec sursis. 

L'inévitable question des cyberattaques

Vladimir Poutine a assuré qu'il s'était entendu avec son homologue américain sur des «consultations en matière de cybersécurité», les deux pays s'accusant mutuellement d'une multitude de cyberattaques. Estimant que le plus grand nombre de cyberattaques dans le monde provenait de l'espace américain, le président russe a en outre critiqué l'absence de coopération jusqu'alors, en la matière, de la part de Washington.

Pour rappel, le thème des cyberattaques revient comme un leitmotiv conflictuel entre les deux pays. Au mois de mai, Washington a soupçonné des hackeurs russes dans des cyberattaques ayant visé aux Etats-Unis le géant mondial de la viande JBS et l'opérateur d'un immense oléoduc américain. Lors d'une intervention au Forum de Saint Pétersbourg le 4 juin, Vladimir Poutine avait déjà assuré que Moscou n'était pas derrière ces actes malveillants, évoquant des accusations «absurdes» : «Les services américains compétents doivent trouver l'extorqueur. Ce n'est certainement pas la Russie», avait-il alors enjoint auprès de la chaîne Pervy Kanal.

Le dossier ukrainien

«Les accords de Minsk devraient être au cœur du règlement en Ukraine, Biden est d’accord avec cela», a fait savoir le président russe, avant d'ajouter : «En ce qui concerne les obligations vis-à-vis de l'Ukraine, nous n'avons qu'une obligation : promouvoir la mise en œuvre des accords de Minsk. Si la partie ukrainienne est prête à cela, nous suivrons cette voie, sans aucun doute.»
Vladimir Poutine a cependant dénoncé la stratégie ukrainienne comme étant «en décalage avec les engagements de Minsk».

Il a en effet accusé Kiev de violer un accord visant à mettre fin au conflit entre les forces gouvernementales ukrainiennes et les séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine. Quant au sujet de l'éventuelle adhésion de l'Ukraine à l'OTAN, il a affirmé que la question avait été abordée «vite fait» lors de la rencontre avec Joseph Biden, précisant : «Il n'y a rien à discuter».

L'effet des sanctions américaines

«Il y a des opposants et des partisans au développement des relations avec la Russie, quelles forces prévaudront ?», a interrogé Vladimir Poutine sur la question du prolongement des sanctions américaines contre la Russie. Le président russe a ajouté que les pertes des Etats-Unis dues aux sanctions n'étaient pas moindres par rapport à celles de la Russie, soulignant que Moscou n'avait pas imposé des mesures en premier.

Vladimir Poutine a en outre déclaré que des sanctions occidentales avaient déjà incité certaines entreprises américaines à quitter la Russie et à céder leurs activités à des rivaux.

Vers une consolidation de certains traités ?

«Vous avez réussi à tout mélanger», a lancé, en souriant, Vladimir Poutine à un journaliste de la BBC qui venait de lui demander s'il comptait mettre un terme à «l'imprévisibilité» de la Russie sur la scène internationale. «Je vous renvoie la balle», a poursuivi le président russe en évoquant des exemples de retraits américains de plusieurs traités, dont celui sur les forces nucléaires à portée intermédiaire. «Vous croyez que nous sommes imprévisibles ? Je ne le pense pas, nous réagissons aux menaces qui se présentent», a-t-il encore ajouté.

«Dieu merci, Joseph Biden a décidé de prolonger le traité New Start [traité de réduction des armes stratégiques qui limite le nombre d'ogives nucléaires, de missiles et de bombardiers que la Russie et les Etats-Unis peuvent déployer], c'est très raisonnable pour les cinq ans à venir», a encore déclaré le président russe, affirmant que Moscou et Washington avaient convenu de lancer des négociations sur le contrôle des armes nucléaires afin d'appuyer le traité en question, pierre angulaire du contrôle des armes au niveau mondial.

Comme le rapporte l'agence Reuters, les deux parties ont en effet adopté une déclaration commune, réaffirmant leur engagement concernant «le principe qu'il ne peut y avoir de gagnants dans une guerre nucléaire et qu'elle ne doit jamais être menée».

L'Arctique : un pôle source de tensions

«La Russie et les Etats-Unis font partie des huit pays membres du Conseil de l'Arctique, nous devons unir nos efforts en ce qui concerne l'utilisation de la route commerciale du Grand nord. Nous, la Russie, avons l'intention de nous en tenir pleinement aux normes du droit maritime international», a notamment déclaré Vladimir Poutine sur le sujet. Il a ajouté que les inquiétudes américaines concernant la militarisation de l'Arctique par la Russie n'étaient pas fondées.

En tout état de cause, les routes commerciales intercontinentales présentent des enjeux géopolitiques de taille, notamment pour la Russie qui a massivement investi dans le développement de la route maritime du Nord. Son principal atout : permettre aux navires de réduire drastiquement leur temps de trajet entre l'Europe et l'Asie par rapport à d'autres voies comme le canal de Suez.

Néanmoins, le président russe s'est voulu optimiste et a déclaré lors de sa conférence de presse qu'il n'y avait «pas un seul problème» que la Fédération de Russie et les Etats-Unis ne puissent pas résoudre ensemble.