Le 19 mai, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et son homologue américain Antony Blinken se sont rencontrés en Islande durant près de deux heures en marge du Conseil de l'Arctique. Il s'agissait de la première entrevue entre les deux homme depuis l'élection de Joe Biden, qui a été suivie par la mise en œuvre de sanctions et d'accusations très dures à l'encontre de la Russie. Les deux pays ont salué des discussions «constructives» sur de nombreux sujets, et Sergueï Lavrov a déclaré que les deux pays comprenaient «la nécessité de mettre fin au climat malsain qui s'est formé dans [leurs] relations ces dernières années».
Nous sommes prêts à examiner et à résoudre toutes les questions de l'ordre du jour
A l'issue de la rencontre, Sergueï Lavrov s'est exprimé en ces termes : «La conversation m’a semblé constructive, il y a une compréhension de la nécessité de surmonter la situation malsaine de nos relations, [situation] qui s’est développée dans les relations entre Moscou et Washington au cours des années précédentes. Il y a beaucoup de "décombres", et il n’est pas facile de les dégager. Mais j’ai senti qu’Antony Blinken et son équipe avaient l’intention de le faire. Quant à nous, nous y sommes toujours prêts. Comme le président Poutine l’a souligné à plusieurs reprises : sur la base de l’égalité, du respect mutuel, de la recherche d’un équilibre des intérêts, nous sommes prêts à examiner et à résoudre toutes les questions de l'ordre du jour bilatéral et tout ce qui concerne les problèmes régionaux et mondiaux, les conflits, les crises.»
Pendant la rencontre, le chef de la diplomatie russe avait déjà affirmé que la Russie était prête à «discuter de toutes les questions, sans exception», à condition que la discussion soit «honnête, avec les faits "sur la table" et sur la base d'un respect mutuel». Sergueï Lavrov et Antony Blinken ont cité plusieurs terrains d'entente possibles comme la lutte contre la pandémie de Covid-19, le climat, les dossiers nucléaires nord-coréen et iranien ou encore la situation en Afghanistan.
La Russie a également confirmé sa proposition «d'entamer un dialogue sur tous les aspects [...] de la stabilité stratégique», en particulier sur la situation des missions diplomatiques, aujourd'hui en situation de «service minimum» suite aux expulsions de diplomates. Une «réaction en chaîne» qui, selon Sergueï Lavrov, «n'arrange personne».
Une volonté d'«utiliser au maximum les possibilités diplomatiques», selon Lavrov
Les Etats-Unis ont eux aussi évoqué une discussion «productive», «constructive», «respectueuse» et «honnête».
Lors de la rencontre, Antony Blinken a résumé la situation ainsi : «Ce n’est pas un secret aussi que nous avons nos divergences. Et s’agissant de ces divergences – c’est ce que le président Biden a partagé également avec le président Poutine – si la Russie adopte un comportement agressif, nos partenaires, nos alliés vont répondre à cela. Et le président Biden a montré, en paroles comme en actes, que nous ne visions pas une escalade, que nous n'avions pas pour but de chercher un conflit mais que nous voulions défendre nos intérêts. Nous sommes d’avis que si les leaders de la Russie et des Etats-Unis peuvent travailler ensemble, en collaboration, nos peuples... le monde entier peut être un endroit plus sûr et sécurisé. C’est ce que nous cherchons.» «Nous cherchons une relation stable et prévisible avec la Russie, nous pensons que c'est bien pour notre peuple, c'est bien pour le peuple russe et vraiment c'est bien pour le monde», a-t-il renchéri.
«Nos approches sont très différentes en ce qui concerne l'analyse de la situation sur la scène internationale [mais] le plus important est que l'on essaye d'utiliser au maximum les possibilités diplomatiques et j'apprécie beaucoup que vous fassiez preuve d'une telle volonté», lui a répondu Sergueï Lavrov.
«Il n'y a pas eu de percée ce soir, mais nous avons préparé le terrain de manière efficace», a déclaré aux journaliste un haut responsable américain. L'un des objectifs de la rencontre était en effet de confirmer la tenue d'un prochain sommet Biden-Poutine, envisagé dans un pays européen peut-être en juin prochain, dans la foulée, côté occidental, des réunions des dirigeants du G7 et de l'OTAN qui affichent plutôt un front commun anti-Moscou.
Selon le département d'Etat américain, Antony Blinken aurait lors de l'entretien exprimé les «profondes inquiétudes américaines», notamment sur le déploiement de troupes russes près de l'Ukraine et près de la frontière, ou encore sur la santé de l'opposant Alexeï Navalny.
Par ailleurs, les Etats-Unis ont également annoncé le 19 mai renoncer à sanctionner la principale société impliquée dans le projet Nord Stream 2, Nord Stream AG, et son directeur général. Le président américain veut ainsi éviter détériorer ses relations avec l'Allemagne, où arrive le gazoduc. Cette décision favorable à Moscou a été dénoncée à l'unisson par les opposants républicains à l'administration Biden mais aussi plusieurs ténors du camp démocrate. Le Kremlin a quant à lui salué un choix «positif».