Frustré de ne pas avoir atteint le second tour de la présidentielle en Equateur, le militant indigène écologiste Yaku Perez multiplie les appels à la remise en cause du résultat du premier tour à l'issue duquel il s'était retrouvé au coude-à-coude avec le candidat de droite libérale Guillermo Lasso.
Relayant la position d'un membre de la commission anticorruption qui appelle «l'armée du pays à intervenir dans les urnes pour clarifier les élections et ainsi éviter le retour du correisme», Yaku Perez a invité, dans un post Facebook le 10 mars, la «force publique à protéger [le] droit de choisir et d'être élus sans tricherie». Pour ce faire, Yaku Perez ne demande rien de moins que l'annulation du premier tour du scrutin et le remplacement de tous les membres du Conseil national électoral (CNE). Il suggère en outre que cette intervention inclue «un avis juridique sur le financement criminel présumé» du candidat corréiste Andrés Arauz, arrivé largement en tête du premier tour.
Cette dernière réclamation fait référence à une accusation lancée fin janvier par le magazine hebdomadaire colombien Semana qui a affirmé qu'Arauz avait reçu un soutien politique et même financier à hauteur de 80 000 dollars du groupe de guérilla colombien Armée de libération nationale (ELN). L'affaire a récemment pris de nouvelles proportions quand le procureur général de Colombie s'est déplacé en Equateur pour fournir des documents liés à cette accusation. Le groupe insurgé a pourtant lui-même démenti l'information et Andrés Arauz s'en est largement indigné.
Appel à un «coup d'Etat» ?
Pour Guillaume Long, ancien ministre des Affaires étrangères de Rafael Correa, Yaku Perez appelle «sans équivoque à un coup d'Etat». «Les progressistes libéraux qui ont été trompés par sa rhétorique comprendront-ils enfin ce qui se cache derrière ?», interroge l'ancien diplomate.
De son côté, dans un message ultérieur posté sur Twitter, Yaku Perez a assuré : «Je précise qu'à aucun moment je ne demande une intervention militaire [..] Ma demande est que la force publique garantisse que les urnes restent intactes.»
Le Conseil national électoral (CNE) de l'Equateur a partiellement accepté fin février la demande de Yaku Perez de recompter des votes du premier tour de l'élection du 7 février après son élimination du scrutin avec un écart minime le plaçant juste derrière Guillermo Lasso. Cependant le CNE n'a approuvé ce recomptage que dans 31 bureaux de vote seulement sur plus de 39 000 tandis que le candidat indigène réclamait la réouverture de 27 000 listes.
Alors que ce recomptage, très partiel, ne devrait pas fondamentalement remettre en cause l'élimination de Yaku Perez, ce dernier se tourne donc désormais vers des méthodes plus radicales pour tenter d'accéder au second tour. Un recours à l'armée et à la police n'est pas sans rappeler le scénario bolivien de 2019 où l'opposition avait commencé à crier à la fraude avant la tenue de l'élection présidentielle, conduisant à un coup d'Etat électoral contre le président élu Evo Morales. A l'issue d'une année de transition sous la présidence fort contestée de la conservatrice Jeanine Anez, les observateurs et des études avaient fini par révéler que la thèse de la fraude n'était pas étayée.
Ce coup d'Etat en Bolivie avait d'ailleurs été soutenu par Yaku Perez qui avait qualifié le dirigeant indigène Evo Morales de «petit dictateur» au lendemain de son renversement en novembre 2019.
Meriem Laribi