A l'approche de la présidentielle en Equateur qui se tient le 7 février, les attaques contre le candidat Andrés Arauz, soutenu par l'ancien président Rafael Correa, se sont multipliées dans les médias et sur les réseaux sociaux. «Il y a une formidable campagne contre Arauz qui a été encouragée lorsque les sondages sont devenus plus favorables», explique sur Twitter Julian Macias Tovar, spécialiste des réseaux sociaux qui se présente comme activiste contre la désinformation numérique.
Favori des sondages, Arauz est crédité de près de 40% des voix avec 10 points d'avance sur le deuxième candidat, l'ex-banquier Guillermo Lasso, issu du mouvement libéral-conservateur CREO. S'il parvenait à atteindre ce score, le candidat corréiste serait élu dès le premier tour, comme le veut la constitution équatorienne. De quoi faire quelques jaloux.
C'est ainsi que fleurissent depuis quelques semaines une série de fausses informations visant à le décrédibiliser. La première – et la plus grave aux yeux de la population équatorienne – serait qu'Andrés Arauz s'oppose à une économie dollarisée, un scénario qui ne bénéficie pas d'un soutien social majoritaire dans le pays. La dollarisation intervenue en 2000 est en effet synonyme pour les Equatoriens de la fin d'une ère de grave crise économique. La mesure, qui consistait à adopter le dollar américain comme seule monnaie officielle, est populaire dans le pays. Or, il suffit d'aller sur le site d'Andrés Arauz pour se rendre compte que non seulement il ne souhaite pas mettre fin à la dollarisation, mais au contraire la promeut et souhaite la fortifier.
Comme l'explique Guillaume Long, ancien ministre des Affaires étrangères de l'Equateur sous Correa dans un article du Monde Diplomatique, «si les corréistes ont toujours critiqué une décision qui a privé le pays d’un important outil de politique économique [une monnaie nationale], ils répètent à l’envi qu’il ne serait pas viable de revenir en arrière».
Vacciné en Argentine et financé par l'ELN
Une autre information publiée par le quotidien argentin Clarín et colportée par d'autres médias régionaux affirme qu'Andrés Arauz, grillant la politesse aux personnes prioritaires, se serait fait vacciner contre le coronavirus dans la ville de Buenos Aires. Une information formellement démentie par les proches du candidat. Le voyage d'Arauz en Argentine, où il a rencontré le président Alberto Fernández et la vice-présidente Cristina Fernandez-Kirchner, a eu lieu début décembre alors que les premières doses du vaccin russe Spoutnik V sont arrivées dans ce pays le 24 de ce même mois. Comble de l'ironie, Andrés Arauz annonçait le 19 décembre être atteint du Covid-19 et se mettre en isolement en pleine campagne présidentielle.
Autre information malveillante, le magazine hebdomadaire colombien Semana a affirmé dans son numéro du 31 janvier 2021 qu'Arauz avait reçu un soutien politique et même financier à hauteur de 80 000 dollars de la guérilla de l'Armée de libération nationale (ELN). Le groupe insurgé a démenti cette information.
Ses opposants tentent enfin d'assimiler Andrés Arauz aux figures de Fidel Castro et de Hugo Chavez, et par là même de faire croire que le candidat fera de l'Equateur le nouveau Venezuela en crise économique, ou la nouvelle Cuba sous embargo américain. «L’arrivée d’une importante vague de migrants vénézuéliens en Equateur au cours des dernières années renforce sans doute l’efficacité de cet angle d’attaque», note Guillaume Long dans son article. Si Andrés Arauz ne se cache pas d'être le dauphin de Rafael Correa, historiquement allié des leaders vénézuélien et cubain, la campagne de cet économiste de 36 ans, au profil technique, a été axée sur la résolution de situations concrètes plutôt que sur la thématique anti-impérialiste chère aux deux figures charismatiques, bêtes noires de Washington.
«La stratégie numérique est basée sur l'utilisation d'une légion de faux comptes sur Twitter pour propager de fausses nouvelles et des nouvelles haineuses à son égard. Sur Facebook, ils font de même, mais en payant pour de la publicité avec des messages similaires, disant qu'Arauz veut augmenter la TVA ou est en faveur de la dédollarisation du pays», explique Julian Macias Tovar. Selon lui, la stratégie numérique des opposants à Arauz est la même que celle employée à la veille du coup d'Etat contre Evo Morales en Bolivie, en novembre 2019, qu'il avait également décryptée. «Le schéma se répète, c'est presque une copie conforme du coup d'Etat en Bolivie», assure-t-il.
En matière d'efficacité, cette campagne de dénigrement ne semble pour l'heure pas faire pencher les sondages en défaveur du candidat corréiste.
Meriem Laribi