Allemagne : vers l'internement obligatoire de citoyens qui enfreignent la quarantaine ?
Face à la recrudescence du nombre de cas de Covid-19 outre-Rhin, certains Länder envisagent de réquisitionner diverses infrastructures, pour les utiliser comme centres de détention réservés à des cas extrêmes de violation de quarantaine.
Selon une enquête menée par le célèbre quotidien allemand Die Welt et publiée le 17 janvier, plusieurs Länder (Etats fédérés) souhaitent instaurer des lieux de détention obligatoire pour les individus qui enfreignent à plusieurs reprises les mesures de quarantaine visant à lutter contre le Covid-19, dont la propagation s'accélère depuis début novembre outre-Rhin. Si certains Länder refusent d'avoir recours aux admissions forcées, d'autres prévoient de réquisitionner à cet effet diverses infrastructures telles qu'un centre de détention pour mineurs, ou des cliniques qui seraient surveillées en permanence par un «service de sécurité».
D'après les autorités des différents Länder souhaitant recourir aux admissions forcées, interrogées par Die Welt, la pratique serait réservée aux cas «extrêmes», à savoir des violations répétées de la quarantaine par des individus se sachant contaminés. Le journal allemand cite comme exemple du type de problèmes rencontrés par les autorités, celui d'un homme de 27 ans mis en examen dans la ville de Göttingen (Baxe-Saxe) pour s'être entraîné deux fois dans une salle de sport en mai 2020, alors qu'il se savait être infecté par le Covid-19.
Hôpitaux et centre de détention réquisitionnés
Parmi les Länder qui devraient prochainement avoir recours aux admissions forcées, figure selon le tour d'horizon de Die Welt le Bade-Wurtemberg, un Land du sud du pays frontalier de la France. Deux hôpitaux devraient bientôt y être mis à disposition afin de servir de centres de détention pour les «briseurs de quarantaine». Un porte-parole du ministère local des Affaires sociales précise que ces lieux seront surveillés «en permanence par un service de sécurité».
Tout au nord du pays, le Schleswig-Holstein prévoit d'accueillir dès les prochains jours qui viennent les récidivistes dans le centre de détention pour mineurs de Moltsfelde, à Neumünster.
Le Brandebourg, Land qui entoure Berlin, veut également mettre en place un bâtiment visant à centraliser les «briseurs de quarantaine», qui pourrait être un hôpital ou d'autres «installations appropriées» où seraient internés les contrevenants, selon les termes utilisés par les autorités interrogées par Die Welt.
En Saxe, dans l'est du pays, la loi prévoit que les citoyens qui enfreignent la quarantaine soient détenus dans un «hôpital fermé à clé ou dans un autre logement approprié». Jugeant «plutôt improbable» de devoir recourir à ce scénario extrême, le ministère local des Affaires sociales précise néanmoins rechercher un lieu «adapté aux soins médicaux [et pouvant] être gardé par la police», afin de ne pas empiéter sur les besoins de lits d'hôpital.
Des mesures protégées par la Constitution
Selon Christoph Degenhart, professeur de droit constitutionnel interrogé par le quotidien allemand, de telles mesures d'internement seraient conformes à la constitution allemande – pourtant très protectrice des libertés individuelles – à condition que la quarantaine forcée soit prononcée par un juge. En outre, il souligne que ces mesures, pour rester constitutionnelles, doivent être «proportionnées» à des «violations massives et répétées de l'obligation de quarantaine».
Certains Länder comme la Bavière ou Berlin, ne prévoient en revanche aucune mesure d'internement obligatoire prochainement.
Alors qu'elle était parfois citée en exemple lors de la première vague de Covid-19 du printemps 2020, l'Allemagne voit le nombre de nouveaux cas et de décès dus au coronavirus augmenter nettement depuis début novembre. Le 20 janvier, 1 013 décès dus au Covid étaient comptabilisés en Allemagne, pour un total de 50 000 morts depuis le début de la pandémie.
Outre-Rhin, toute personne dépistée positive au Covid-19 est soumise à une quarantaine de deux semaines. Les personnes qui reviennent d'une zone à risque doivent également être mises en quarantaine pendant dix jours, c’est-à-dire une période qui peut être réduite à cinq jours après un test négatif. Les personnes cas-contacts ou attendant le résultat d'un test sont appelées à pratiquer une auto-quarantaine. En cas de non-respect de cette législation, les amendes, qui sont du ressort des différents Länder, peuvent s'élever jusqu'à 25 000 euros, selon Die Welt.