La France annonce avoir tué un chef militaire important d'Al-Qaïda au Mali
- Avec AFP
La France a annoncé la «neutralisation» au Mali par sa force Barkhane d'un cadre opérationnel djihadiste de tout premier plan lié à Al-Qaïda, dont le nom était associé ces dernières années à de nombreuses attaques dans la région.
Dans un communiqué publié le 13 novembre, la ministre des Armées Florence Parly a salué une opération menée le 10 novembre au Mali engageant «d'importants moyens de renseignement ainsi qu'un dispositif d'interception composé d'hélicoptères et de troupes au sol». Celle-ci a conduit à une frappe contre Ba Ag Moussa, décrit comme le «chef militaire» du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) et un «cadre historique de la mouvance djihadiste au Sahel»
Les forces armées françaises ont neutralisé un haut cadre d'Al-Qaïda, ce 10 novembre au Mali. Je félicite nos militaires pour ce succès qui prive Iyad Ag Ghali d'un de ses principaux adjoints. Leur engagement, leur courage et leur abnégation nous rendent forts et fiers. pic.twitter.com/dx6JRgw3HJ
— Florence Parly (@florence_parly) November 13, 2020
Ba Ag Moussa «est considéré comme responsable de plusieurs attaques contre les forces maliennes et internationales. Il était considéré comme l'un des principaux chefs militaires djihadistes au Mali, notamment chargé de la formation des nouvelles recrues», ajoute le communiqué.
En juin 2020, l'armée française avait tué dans une opération au Mali le chef historique d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Ams), Abdelmalek Droukdal. Une victoire au prestige indiscutable : l'Algérien était au cœur du djihad sahélien depuis plus de 20 ans. Il restait cependant prudemment éloigné du terrain et sa mort n'a pas changé la donne sécuritaire.
Celle d'Ag Moussa, alias «Bamoussa», ancien officier de l'armée malienne mais aussi membre fondateur du groupe djihadiste Ansar Dine, semble être plus significative. Ce Touareg, considéré comme un terroriste par les Nations unies et Washington, a en effet été un acteur majeur des différentes rebellions touarègues des années 1990 et 2000. Réintégré dans l'armée en 1996 puis en 2006, il avait fait défection à chaque fois pour reprendre les armes : vers la rébellion la première fois, puis vers le djihadisme à l'aube de son expansion dans la région en 2012.
Selon le think-tank Counter-extremism project (CEP), «Bamoussa» était devenu en 2017 «le dirigeant opérationnel» du GSIM dirigé par le chef touareg malien Iyad Ag Ghaly. Le groupe est devenu depuis l'une des principales forces djihadistes au Sahel avec son ennemi intime, l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS). Tous deux, par ailleurs en lutte armée l'un contre l'autre, sont depuis des mois les cibles prioritaires de l’opération Barkhane – à laquelle participent plus de 5 000 soldats français – et de ses alliés régionaux.
Pour la France, «on ne peut pas dialoguer» avec des djihadistes
Ag Moussa était considéré comme le responsable d'attaques majeures contre les forces maliennes, dont une en juillet 2016 et l'autre en mars 2019, qui avaient fait plus de 20 morts chacune. Et son nom revenait avec insistance dans plusieurs attaques en 2020.
Il jouissait également d'une grande popularité auprès des Touaregs qui dépassait largement ses appartenances au GSIM. Pour Ferdaous Bouhlel, chercheuse associée à l'université de Tours (France), experte en médiation dont les propos ont été recueillis par l’AFP : elle estime qu'aux yeux des communautés touarègues, «Ba Ag Moussa est moins vu comme djihadiste que comme un leader historique de la contestation touarègue».
Début 2020, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta avait admis vouloir discuter avec les groupes djihadistes et avoir envoyé des émissaires en direction de deux de leurs principaux chefs, Iyad Ag Ghaly et le prédicateur peul Amadou Koufa. Boubacar Keïta a depuis lors été renversé en par une junte militaire, en août. Lors de la visite à Bamako fin octobre du chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, le Premier ministre malien de transition, Moctar Ouane, avait défendu «la nécessité d'une offre de dialogue avec les groupes armés» djihadistes au sein du «dialogue national inclusif», vaste concertation nationale tenue fin 2019.
Mais la position de Paris s’est avérée inflexible : «On ne peut pas dialoguer avec les groupes djihadistes qui n'ont pas renoncé au combat terroriste», a ainsi récemment déclaré Florence Parly à l'AFP.
Cette dernière frappe confirme bien que l'option militaire demeure privilégiée par la France, qui avait annoncé ces derniers jours des opérations distinctes contre le GSIM et l'EIGS, en revendiquant la neutralisation de près d'une centaine de djihadistes.
«Il est clair que ce coup contre le (GSIM) est une façon de marquer l'opposition de la France à ces éventuelles négociations», estime un analyste malien bon connaisseur du dossier, qui s’est confié l’AFP, et qui requiert l'anonymat. «Cela retardera d'éventuels pourparlers, parce que leurs responsables ne se mettront plus facilement à découvert».
L'opération Barkhane a lieu Mauritanie, au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad depuis l'été 2014. Le 2 novembre 2020, une cinquantaine de djihadistes affiliés à Al-Qaïda avaient été tués au cours d'une opération menée au Mali par l'armée française dans la zone dite des «trois frontières», près du Burkina Faso.