International

«La Constitution ne s'écrira pas dans la rue»: Loukachenko s'entretient avec des opposants en prison

Le président biélorusse, dont la réélection est contestée par l'opposition, s'est entretenu avec des figures contestataires incarcérées. Il a évoqué auprès d'eux le projet de réforme constitutionnelle qu'il présente comme solution à la crise.

Le président biélorusse Alexandre Loukachenko est allé à la rencontre de membres de l'opposition incarcérés, ce samedi 10 octobre, dans la prison des services spéciaux (KGB) à Minsk. Parmi eux, selon l'agence BelTA : l'ex-candidat à la présidentielle Viktor Babaryko – dont Maria Kolesnikova, une autre figure de l'opposition, était la directrice de campagne jusqu'à son incarcération en juin sur la base d'accusations de «fraudes» et de «blanchissement d'argent». 

Plusieurs autres personnalités de la contestation, dont une dirigeante du «Conseil de coordination» de l'opposition, formé dans l'objectif d'assurer une transition du pouvoir, étaient également présents selon l'AFP. 

J'essaye de convaincre non seulement vos partisans mais toute la société qu'il faut regarder les choses de façon plus large

«J'essaye de convaincre non seulement vos partisans mais toute la société qu'il faut regarder les choses de façon plus large», a déclaré Alexandre Loukachenko durant cette rencontre, selon un court extrait vidéo diffusé par la chaîne Telegram de la présidence biélorusse. D'après cette dernière, la rencontre a duré quatre heures et demi. «La Constitution ne s'écrira pas dans la rue», a déclaré le chef d'Etat aux prisonniers, en référence au projet de réforme constitutionnelle qu'il présente comme solution à la crise, et dont les contours restent à définir.

Peu d'informations ont filtré concernant cet événement : «Le but du président est d'écouter les opinions de tout le monde. Néanmoins, les participants [à ces échanges] ont décidé ensemble de garder pour eux les détails de leur conversation secrète», rapporte BelTA, citant la chaîne Telegram de la présidence biélorusse. 

«On ne dialogue pas entre les murs d'une prison», pour Tikhanovskaïa

Selon la principale rivale de Loukachenko durant la présidentielle, Svetlana Tikhanovskaïa, le président a «reconnu l'existence de prisonniers politiques qu'il appelait jusqu'alors des criminels». «Mais on ne dialogue pas entre les murs d'une prison», a-t-elle ajouté, sur les réseaux sociaux. L'opposante en exil en Lituanie a par ailleurs annoncé avoir pu discuter au téléphone avec son mari emprisonné, Sergueï Tikhanovski – leur première conversation depuis son arrestation en mai pour «organisation et préparation d'actions violant gravement l'ordre public».

Enfin, Pavel Latouchko, un membre du présidium du Conseil de coordination cité par l'AFP, a jugé que le chef d'Etat avait fait là un aveu de faiblesse, en étant «forcé de s'asseoir pour dialoguer avec ceux qu'il a mis derrière les barreaux.»

Crise politique en Biélorussie

La crise politique en Biélorussie se poursuit depuis deux mois et agite jusque la scène internationale. A l'issue du premier jour du sommet de l'Union européenne dans la nuit du 1er au 2 octobre, le président du Conseil européen, Charles Michel, a annoncé la mise en œuvre des sanctions contre les «responsables de la répression» de l'opposition politique biélorusse, provoquant une mesure similaire de Minsk.

L'annonce de la réélection d'Alexandre Loukachenko avec environ 80% des voix (contre quelque 10% pour sa principale rivale, Svetlana Tikhanovskaïa) a déclenché dès le 9 août dans toutes les grandes villes de Biélorussie, des manifestations de contestation ainsi qu'un mouvement de grève. La police a réagi en procédant à des milliers d'arrestations dans les soirs qui ont suivi le scrutin. Des personnes libérées ont témoigné à l'AFP de privation d'eau ou de nourriture durant leur détention, ou encore de passages à tabac.

Alexandre Loukachenko a rapidement dénoncé les mobilisations antigouvernementales en évoquant, notamment, «des appels à téléguider» les protestataires depuis l'étranger. A plusieurs reprises, il a suggéré que les manifestants contestant sa réélection étaient manipulés par des forces extérieures. En outre, les partisans du chef d'Etat réélu ont eux aussi organisé des mobilisations dans le pays.