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Haut-Karabagh : quels rôles ont l'OTAN, l'OTSC et le groupe de Minsk dans ce conflit ?

Alors que les combats entre Arméniens et Azerbaïdjanais font rage dans le Haut-Karabagh, quels rôles jouent des organisations comme l'OTSC, l'OTAN et le groupe de Minsk ? RT France a interrogé à ce sujet le directeur adjoint de l'Iris Didier Billion.

Face à la résurgence d'affrontements entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, autour de la République autoproclamée du Haut-Karabagh, quels rôles peuvent avoir les organisations supranationales telles que l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) ou encore le groupe de Minsk, constitué au sein de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ?

Si les récentes déclarations du président turc Recep Tayyip Erdogan, dont le pays est le principal allié de l'Azerbaïdjan, font craindre un durcissement, un enracinement voire une internationalisation des affrontements, des organisations telles que l'OTAN ou l'OTSC pourraient-elles entrer en guerre contre l'un des belligérants ?

«L'OTSC est avant tout une entité politique»

La région du Haut-Karabagh, peuplée majoritairement d'Arméniens, est considérée comme partie intégrante de l'Azerbaïdjan par les Nations unies. L'Arménie reconnaît, elle, l'indépendance de fait du Haut-Karabagh, autoproclamée par les autorités locales au début des années 1990. La région est le théâtre d'affrontements entre Arméniens et Azerbaïdjanais depuis le 27 septembre.

Dans ce contexte, les pays membres de l'Organisation du traité de sécurité collective (comprenant l'Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie et le Tadjikistan) pourraient-ils entrer en guerre contre l'Azerbaïdjan ?

Contacté par RT France, le directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) et spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient, Didier Billion a réfuté cette hypothèse, affirmant que «l'OTSC n'est pas une organisation opérationnelle au sens le plus littéral de ce qu'est une alliance militaire». Même si «des manœuvres militaires conjointes et des déclarations communes» sont réalisées ponctuellement par les Etats membres de l'OTSC, «il n'y a pas véritablement de politique opérationnelle», a-t-il ensuite développé. Et d'ajouter : «L'OTSC est avant tout une entité politique.»

A la suite de l'implosion de l'URSS, «la Russie a tout fait pour tenter de maintenir des liens structurels» avec les nouveaux Etats indépendants, explique-t-il. L'OTSC était alors «un moyen pour sauvegarder une forme d'unité» entre la Russie et les anciennes républiques soviétiques de l'URSS, notamment «pour faire pression et avoir plus de poids sur certains dossiers politiques», poursuit le chercheur.

«Mais de là à considérer que l'OTSC est susceptible de prendre des initiatives communes concrètes, en l'occurrence en cas d'intervention militaire au Haut-Karabagh, je ne pense pas que cela soit le cas», estime le directeur adjoint de l'IRIS. Didier Billion affirme que «beaucoup d'Etats membres de l'OTSC n'ont nulle envie de s'ingérer dans quelque conflit que ce soit», encore moins lorsqu'«ils n'ont strictement aucun intérêt à s'impliquer puissamment dans un conflit qui ne les concerneraient pas directement».

Si la Turquie agissait en tant qu'agresseur, l'OTAN n'interviendrait pas dans le conflit

L'Organisation du traité de l'Atlantique nord, dont la Turquie est membre, pourrait-elle entrer en guerre contre l'un des belligérants du conflit autour du Haut-Karabagh ?

«Si la Turquie entrait en guerre» aux côtés de l'Azerbaïdjan, hypothèse «peu probable», selon Didier Billion, «l'OTAN ne ferait pas valoir l'article 5 de soutien à un de ses membres qui entre en guerre», a affirmé le chercheur, soulignant que, dans cette configuration, «la Turquie agirait en tant qu'agresseur et non en tant que défenseur».

Or, l'article 5 du traité de Washington (traité fondateur de l'Alliance atlantique) sur le principe de défense collective, «stipule que si un pays de l'OTAN est victime d'une attaque armée, chaque membre de l'Alliance considérera cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l'ensemble des membres et prendra les mesures qu'il jugera nécessaires pour venir en aide au pays attaqué», peut-on lire sur le site de l'OTAN. Le spécialiste du Moyen-Orient et de la Turquie réfute ainsi toute possibilité d'ingérence de l'OTAN dans le conflit opposant l'Arménie à l'Azerbaïdjan, surtout si la Turquie venait à y prendre part, en tant qu'agresseur.

Par ailleurs, rappelle le directeur adjoint de l'IRIS, la Turquie entretient des relations houleuses avec l'Alliance atlantique et quelques-uns de ses membres, dont la France, depuis plusieurs années. Rappelons seulement qu'Ankara fait l'objet d'une enquête menée par l'OTAN à la suite d'une manœuvre de frégates turques envers un navire français participant à une mission de l'Alliance atlantique en Méditerranée.

Enfin, même si l'OTAN «encercle de manière méthodique la Russie», Didier Billion estime que «cela ne veut pas dire qu'elle va entrer en guerre sur une région infiniment sensible». Et de rappeler : «Le Caucase est une région que les Russes ne sont pas du tout prêts à lâcher, et où ils ne sont pas prêts à voir des acteurs extérieurs s'implanter de manière durable. C'est un de leurs fondamentaux en termes de politique extérieure de proximité.»

Le groupe de Minsk peut-il avoir un impact sur le conflit ?

«Si on parle souvent à propos du conflit dans le Haut-Karabagh ou de quelques autres conflits dans la région, que ce sont des conflits gelés, j'utiliserais pour ma part la même expression à l'égard du groupe de Minsk», a fait savoir le directeur adjoint de l'IRIS, avant d'ajouter : «On ne peut pas dire que ce groupe ait brillé par le sens de ses initiatives depuis qu'il a été créé.»

Créé en 1992 par la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), devenue en 1995 l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, le groupe de Minsk est coprésidé par Washington, Moscou et Paris et a pour «objectif de trouver une solution pacifique au conflit du Haut-Karabagh» entre Arméniens et Azerbaïdjanais, peut-on lire sur le site de l'OSCE.

La principale solution apportée jusqu'à présent par le groupe de Minsk a pour nom les «principes de Madrid», présentés en novembre 2007 lors du Conseil ministériel de l'OSCE à Madrid : ils se fondent sur le non-recours à la force ou à la menace de la force, au respect de l'intégrité territoriale des Etats et au droit à l'autodétermination des peuples.

Si le plan de résolution du conflit du Haut-Karabagh, compris dans les  «principes de Madrid», «pouvait sembler suffisant et efficace, il n'a jamais été suivi des faits par les décideurs politiques étasuniens, russes et français», analyse Didier Billion. «Ce groupe de Minsk, malgré toutes les limites indiquées, semble tout de même être le cadre par lequel pourraient être prises des initiatives», afin de trouver une solution internationalement acceptée, pondère-t-il. «Un cessez-le-feu est la première exigence à laquelle il faut parvenir. Mais il ne faut pas en rester là. L'enjeu, une fois le cessez-le-feu acquis, est qu'on se donne véritablement les moyens d'aller de l'avant et de trouver les solutions», analyse-t-il.

Et de développer : «Pour ce faire, il ne faut pas laisser seulement la main aux diplomates, les politiques doivent prendre leurs responsabilités, ce qu'ils n'ont jamais fait jusqu'à présent. Il y a plusieurs raisons à cela : les Russes ne tiennent pas à ce que des puissances extérieures s'occupent de la situation, les Français ont un tropisme avéré en faveur des Arméniens et les Etats-Unis sont là pour ennuyer les Russes.»

Alexandre Job