L'ex-candidate à la présidentielle biélorusse appelle l'UE à avoir «plus de courage»
Figure de l'opposition biélorusse, Svetlana Tikhanovskaïa a été reçue à Bruxelles. Malgré ses appels, depuis la tribune du Parlement européen, à prendre des mesures contre Loukachenko, l'UE n'a pas réussi à adopter de sanctions contre Minsk.
Venue lundi 21 septembre à Bruxelles l'opposante biélorusse numéro un, Svetlana Tikhanovskaïa, a été reçue par la commission des affaires étrangères du Parlement européen et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Après une rencontre informelle lors d'un petit-déjeuner avec Tikhanovskaïa, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a écrit sur Twitter que l'UE «n'a aucune intention cachée», faisant apparemment référence à la déclaration du ministère biélorusse des Affaires étrangères, selon laquelle l'invitation de Tikhanovskaïa à Bruxelles était «une ingérence impudente et non dissimulée dans les affaires intérieures» du pays.
We met with Sviatlana #Tsikhanouskaya ahead of #FAC.
— Josep Borrell Fontelles (@JosepBorrellF) September 21, 2020
The EU has no hidden agenda. Belarusian people should be able to freely choose their president, without persecution and repression. Only an inclusive national dialogue can lead to a peaceful and sustainable solution #Belarus
Néanmoins, une partie de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE a été consacrée à la situation en Biélorussie. Ils ont ainsi exprimé une forte solidarité avec les manifestants, et ont appelé à de nouvelles élections présidentielles en rappelant que l'Europe ne reconnaît pas la légitimité d'Alexandre Loukachenko car les élections du 9 août ont été «truquées», a déclaré Josep Borrell cité par l'AFP. «Mais il faut faire avec la réalité: Loukachenko contrôle l'administration et le territoire», a toutefois ajouté le haut-fonctionnaire.
Si l'objectif de Svetlana Tikhanovskaïa était de plaider pour l'adoption de sanctions contre le président Alexandre Loukachenko, ses efforts n'ont pas été couronnés de succès car les Etats membres ne sont pas parvenus à s'entendre sur la nécessité d'agir contre le pouvoir actuel biélorusse. «Il n'a pas été possible de trancher aujourd'hui, car il faut l'unanimité et elle n'a pas été réunie», a expliqué le chef de la diplomatie européenne à l'issue d'une réunion avec les ministres des Affaires étrangères des 27 Josep Borrell. Il revient désormais aux dirigeants européens de trancher la question lors du sommet des 24 et 25 septembre, a-t-il indiqué. «Les chefs d'Etat et de gouvernement vont devoir donner des orientations pour permettre une décision lors de la prochaine réunion des ministres» le 12 octobre, a précisé Borel cité par l'AFP.
L'Union européenne a préparé des sanctions contre une quarantaine de personnes jugées responsables de la répression, mais l'unanimité est nécessaire pour leur adoption. Or Chypre conditionne toujours son accord à l'adoption de mesures pour contraindre la Turquie à cesser ses forages gaziers dans les eaux de sa zone économique. «Notre réaction à tout type de violation de nos valeurs et principes fondamentaux ne peut se faire à la carte. Elle doit être cohérente», a averti le chef de la diplomatie chypriote Nikos Christodoulidis à son arrivée.
Plus tôt la porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe Maria Zakharova a qualifié la rencontre entre les représentants officiels de l'UE et l'opposante biélorusse d'«ingérence dans les affaires intérieures de la république». «Le flirt des ministres des Affaires étrangères de l'UE avec la représentante autoproclamée de l'opposition biélorusse et son invitation à Bruxelles «pour communiquer» est une partie intégrante du scénario d'ingérence dans les affaires intérieures de la Biélorussie», a noté Maria Zakharova cité par l'agence TASS. Elle a qualifié cela de violation des normes fondamentales de la Charte des Nations Unies et des principes de l'Acte final d'Helsinki de la CSCE.
Tikhanovskaïa appelle à la création d'une coalition internationale contre Minsk
Après le petit-déjeuner, Svetlana Tikhanovskaïa a été attendue au Parlement européen. L'ex-candidate à la présidentielle biélorusse semble avoir déployé tous les moyens pour persuader les députés de la nécessité des sanctions contre Minsk. Elle a illustré son discours par des photos prises lors des manifestations pacifiques qui, selon elle, ont été violemment réprimées par les forces de l'ordre. Elle a exhorté les pays de l'UE à envisager la possibilité de poursuites judiciaires contre ceux qui ont participé à la violence, a annoncé le quotidien russe Vedomosti.
En outre, l'opposante biélorusse a demandé à l'UE d'envisager la création d'une coalition internationale qui permettrait les négociations entre le président Loukachenko et l'opposition. Elle a souligné que le chef de l'Etat refuse d'engager un dialogue avec le Conseil de coordination de l'opposition reconnu la semaine dernière par le Parlement européen comme «représentant provisoire» du peuple biélorusse. «Nous avons vraiment besoin de votre aide», s'est adressée l'opposante aux eurodéputés en les remerciant ensuite pour l'adoption d'une résolution critique envers Minsk selon laquelle les députés européens rejettent les résultats de la présidentielle du 9 août dernier.
Svetlana Tikhanovskaïa a également proposé sa propre liste de personnes qui, selon elle, méritent les sanctions européennes, sans les avoir nommé à haute voix pour autant. «J'ai préparé une liste de personnes qui ont participé à la répression brutale [des manifestations après les élections présidentielles en Biélorussie, ndlr]», a déclaré l'ex-candidate citée par l'agence TASS.
Par ailleurs, elle a appelé les députés européens à ne pas fournir d'aide financière aux autorités actuelles de la Biélorussie. «Je vous demande de ne pas financer le régime du dictateur, ainsi que de revoir la coopération avec les organisations gouvernementales proches de [président Alexandre] Loukachenko», a sollicité Svetlana Tikhanovskaïa.
Pas de sanctions mais quelques promesses financières
A la fin de la journée, lors de sa conférence de presse, Svetlana Tikhanovskaïa a appelé l'UE à faire preuve de plus de courage dans ses décisions. Même si l'UE n'est pas encore prête à adopter les sanctions contre Alexandre Loukachenko tant espérées par l'opposition, Tikhanovskaïa a quitté Bruxelles avec une promesse d'un paquet d'aide financière qui serait accordé à la Biélorussie «après les changements démocratiques» dans le pays, a annoncé mardi son service de presse cité par l'agence RIA Novosti.
La semaine dernière, un membre du Conseil de coordination, Pavel Latouchko, a déclaré que l'opposition s'attend à recevoir jusqu'à 4 milliards de dollars (près de 3,5 milliards d'euros) de l'Union européenne si le pouvoir dans cette ancienne république soviétique change et prend la voie de la démocratie.
Bien que la visite de Svetlana Tikhanovskaïa n'ait pas débouché sur l'adoption des sanctions contre Minsk dans l'immédiat, l'opposante biélorusse s'est tout de même félicitée, sur sa page Instagram, de ce déplacement à Bruxelles en rappelant à ses partisans que «tout le monde est prêt à [les] soutenir».