Mutinerie au Mali : Bamako appelle au dialogue, Paris condamne les agissements de militaires
Alors que des militaires ont pris le contrôle d'une garnison en banlieue de Bamako, Paris et Washington ont réagi, faisant part de leur inquiétude. Le gouvernement malien appelle au dialogue, alors que le chef de l'Etat est contesté dans la rue.
Le gouvernement malien demande aux militaires qui ont pris ce 18 août le contrôle d'une garnison dans la banlieue de Bamako de «faire taire les armes», se disant prêt à engager avec eux un «dialogue fraternel afin de lever tous les malentendus», a indiqué dans un communiqué le Premier ministre malien Boubou Cissé.
«Les mouvements d'humeur constatés traduisent une certaine frustration qui peut avoir des causes légitimes», a estimé le chef du gouvernement dans ce communiqué, première réaction des autorités malienne aux troubles qui secouent la capitale depuis le début de la matinée. La France, elle, «condamne avec la plus grande fermeté» la «mutinerie» engagée par des militaires maliens et «réaffirme avec force son plein attachement à la souveraineté et à la démocratie maliennes», selon une déclaration du ministre des Affaires étrangères publiée ce 18 août.
Kati, ville d'où était parti le coup d'Etat de 2012
Paris «partage pleinement la position exprimée par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) [...] qui appelle au maintien de l'ordre constitutionnel et exhorte les militaires à regagner sans délai leurs casernes», est-il indiqué dans le communiqué de Jean-Yves Le Drian. Dans la matinée du 18 août, des soldats ont en effet tiré des coups de feu près de Bamako, au Mali, dans le camp militaire de la ville-garnison de Kati, d’où était parti le coup d'Etat de 2012.
Les Etats-Unis ont réagi aux événements qui secouent le pays en s'opposant à tout changement de gouvernement en dehors du cadre légal, y compris à l'initiative de l'armée, a fait savoir l'émissaire américain pour le Sahel, Peter Pham. «Nous suivons avec inquiétude l'évolution de la situation aujourd'hui au Mali. Les USA s'opposent à tout changement extraconstitutionnel de gouvernement, que ce soit par ceux qui sont dans la rue ou par les forces de défense et de sécurité», a-t-il déclaré sur Twitter.
La Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) «rappelle sa ferme opposition à tout changement politique anticonstitutionnel et invite les militaires à demeurer dans une posture républicaine», a-t-elle indiqué dans un communiqué. «En tout état de cause, elle condamne vigoureusement la tentative en cours et prendra toutes les mesures et actions nécessaires à la restauration de l'ordre constitutionnel», a-t-elle ajouté.
Situation floue en banlieue de Bamako
«Ca tire, ça tire en l'air à Kati. Ce sont des militaires» du camp Soundiata Keïta, avait confirmé à l'AFP une source sécuritaire malienne sur place. «Nous suivons attentivement la situation. La hiérarchie militaire est entrée en contact avec les troupes, on fera une déclaration officielle dans la journée», déclarait également à l'AFP une source au ministère de la Défense, qui s'est refusée à parler de «mutinerie». Une source diplomatique de l’AFP à Bamako, quant à elle, parle de «tentative de mutinerie».
Sur Twitter, des médias maliens et africains ont rapporté la séquestration de hauts dirigeants. LSI Africa a ainsi écrit sur son site : «Une source au sein de l'armée nous annonce l'arrestation du Premier ministre Boubou Cissé et de Karim Keïta, fils du président malien» et «nous pouvons vous confirmer l'arrestation du président de l'assemblée nationale malienne, Moussa Timbiné dit Bessé». Selon un correspondant d'Al Arabiya sur place, «des militaires mutins auraient encerclé le ministère de la Défense et seraient en train de détenir plusieurs hauts gradés de l'armée et des ministres». Des informations partiellement démenties par les autorités maliennes.
D’après le correspondant du Monde Afrique à Bamako, les locaux de l’Office de radio-télévision du Mali (ORTM), organe officiel de presse, ont été évacués pour sécuriser le personnel. LSI Africa rapporte de son côté une «panique générale à Bamako». «Les services publics ferment. Un impressionnant détachement militaire serait en route vers la télévision publique ORTM.», relate le média. Des personnes ont également commencé à se rassembler sur la place de l’indépendance, cœur symbolique des manifestations contre le pouvoir depuis le 5 juin.
Le Mali est confronté à une crise socio-politique qui préoccupe la communauté internationale, dont les médiations n'ont jusqu'ici pas abouti. Depuis juin, une coalition hétéroclite – la plus importante depuis le coup d’Etat de 2012 – d’opposants politiques, de guides religieux et de membres de la société civile multiplie les manifestations pour réclamer le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta, accusé de mauvaise gestion. Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques du Mali (M5-RFP), qui mène la contestation, a refusé le 13 août une rencontre avec le président Keïta, fixant notamment comme préalable la fin de la «répression» contre ses militants.
Le week-end du 10 juillet, une manifestation à l’appel du Mouvement du 5 juin a dégénéré en trois jours de troubles meurtriers. L’opposition évoque un bilan de 23 morts et plus de 150 blessés. Le premier ministre, Boubou Cissé, a lui fait part de 11 morts et l’ONU de 14 manifestants tués.