La dauphine désignée d'Angela Merkel jette l'éponge, la fin d'une ère politique en Allemagne ?
Annoncée comme successeur d'Angela Merkel, «AKK» vient d'annoncer sa démission de la présidence du CDU. En cause, les divisions de son parti sur un éventuel rapprochement avec l'AfD. Cette nouvelle plonge la droite allemande dans la crise.
Coup de tonnerre politique en Allemagne. Annegret Kramp-Karrenbauer, surnommée «AKK», ne sera pas candidate à la succession d’Angela Merkel à la chancellerie et va abandonner la présidence du parti conservateur d'ici quelques mois, le temps de trouver un successeur qui sera en même temps candidat à la chancellerie.
Lors d'une réunion dans la matinée de la direction du parti démocrate-chrétien CDU de la chancelière, Annegret Kramp-Karrenbauer a justifié sa décision par la tentation d'une partie de son camp de s'allier avec le parti de droite radicale AfD (Alternative pour l'Allemagne). «Une partie de la CDU a une relation non clarifiée avec l'AfD», a-t-elle déclaré. En outre, une frange du CDU est également partisane d'un rapprochement avec le parti de gauche radicale Die Linke, alors que «AKK» rejette clairement toute alliance avec l'une ou l'autre de ces formations.
Si aucun lien entre la CDU et la gauche de Die Linke n'a – pour l'heure – été établi, une partie significative des conservateurs prône en revanche ouvertement un rapprochement avec l’AfD. C’est le cas de la Werte Union, un cercle de conservateurs au sein de la CDU auquel avait fait face Annegret Kramp-Karrenbauer lors du dernier congrès du parti, à Leipzig.
Le déclic de l'élection de la Thuringe
Cet abandon est une conséquence directe de l'élection du président de la région de Thuringe, le 5 février, grâce aux voix coalisées du parti anti-immigration de l'AfD et de l'aile droite du parti d'Angela Merkel. A la surprise générale, le candidat du petit parti libéral FDP, Thomas Kemmerich, avait été désigné à une très courte majorité pour diriger la Thuringe, provoquant la colère de nombreux responsables politiques. La chancelière allemande avait alors fustigé «un acte impardonnable», et le secrétaire général du parti, Paul Ziemiak, avait accusé la CDU régionale d'avoir «enfreint» les règles édictées au plan national en mêlant leurs votes à ceux «de nazis».
C'est dans ce contexte que Thomas Kemmerich a annoncé sa démission... moins de 24h après son élection. «La démission est inévitable [...] nous avons décidé de demander la dissolution du parlement de Thuringe», a-t-il déclaré le 6 février, lors d'une conférence de presse. De nouvelles élections régionales anticipées doivent bientôt être organisées.
Crise politique inédite, clap de fin pour Merkel ?
Sans tête d'affiche à un an des élections législatives 2021, la droite allemande sort de facto affaiblie par ces deux épisodes. L'un des proches de la chancelière, le ministre de l'Economie Peter Altmaier, a parlé d'une «situation extrêmement grave» pour le parti conservateur allemand d'Angela Merkel, l'Union chrétienne-démocrate (CDU). «Il en va de notre avenir», a-t-il affirmé, tandis que la dirigeante des écologistes a parlé d'une «situation dramatique» pour le pays.
Le départ annoncé d'AKK constitue également un revers majeur pour Angela Merkel, qui avait placé en orbite cette femme partageant peu ou prou, malgré quelques différences de fond, le même cap politique de droite «modérée».
«Il est possible que la fin de la chancelière se rapproche», juge le quotidien Süddeutsche Zeitung, alors que le dernier mandat en cours d'Angela Merkel, entamé en 2018, est rythmé par des crises incessantes au sein de sa fragile coalition avec les sociaux-démocrates ou à l'intérieur de son propre parti.
Parmi les potentiels successeurs à «AKK», une personnalité se détache : le conservateur Friedrich Merz, vaincu de peu par l'ex-future présidente du CDU. Celui-ci a récemment acté son départ du conseil d’administration de la branche allemande de BlackRock. Objectif : revenir sur le devant de la scène politique allemande en vue de 2021 avec une ligne plus à droite.