L’armée syrienne a repris le 8 février la ville clé de Saraqeb, située à la jonction de deux autoroutes stratégiques dans l’est de la province d’Idleb. Les troupes poursuivent ainsi la reconquête, lancée mi-décembre, de cette enclave djihadiste du nord-ouest syrien qui échappe encore au contrôle du président Bachar el-Assad, malgré les nombreuses mises en garde de la Turquie qui a, de nouveau, menacé de représailles en cas d’attaque de ses avant-postes militaires dans la région, le même jour.
«Des unités de l’armée (syrienne) contrôlent désormais la totalité de la ville de Saraqeb», a rapporté la télévision publique syrienne le 8 février, diffusant en direct des images de quartiers de la ville désormais déserts. Par ailleurs, l’agence de presse publique syrienne Sana a fait état de la «fin» des opérations de «ratissage» dans la ville située à 20 kilomètres au sud-est d’Idleb.
Saraqeb se trouve à la jonction de deux autoroutes clés, M5 et M4, que le gouvernement syrien cherche à reconquérir en vue de relancer une économie ravagée par près de neuf années de guerre. La voie M5 relie Alep, deuxième plus grande ville du pays et ancien poumon économique de Syrie, à la capitale, Damas, tandis que la M4 relie Alep à la ville côtière de Lattaquié, fief de Bachar el-Assad.
Fin janvier, les forces du gouvernement syrien, appuyées par leur allié russe, avaient déjà reconquis la ville clé de Maaret al-Noomane, la deuxième plus grande de la province d'Idleb, également traversée par la M5, l'axe routier le plus long du pays. Un peu plus de la moitié de la province d'Idleb et des secteurs attenants des provinces voisines d'Alep, Hama et Lattaquié, sont toujours dominés par les djihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS, dont l'une des principales composantes est l'ancienne branche syrienne d'al-Qaïda, le Front Fatah al-Cham), et d'autres groupes de rebelles islamistes.
Ultimatum et menaces
Cette série de reconquêtes interviennent alors que la Turquie, qui soutient certains groupes islamistes dans la région, a envoyé le 7 février 350 véhicules chargés de commandos et de munitions pour renforcer ses positions à Idleb, selon l'agence de presse publique Anadolu, suite à la mort de quatre de ses soldats tués par l'armée syrienne. Commentant cet incident, Moscou avait accusé Ankara de ne pas avoir prévenu de son opération dans cette région. Les forces turques se seraient alors retrouvées sous le feu de l'armée syrienne, en pleine opération antiterroriste dans la région.
La Turquie a en outre menacé le 8 février de représailles si ses avant-postes militaires, dont trois ont été encerclés par les forces loyales au président Bachar el-Assad, étaient attaqués dans cette province de trois millions d'habitants.
Sur Twitter, le ministère turc de la Défense s’est dans un premier temps voulu rassurant : «Nos postes d'observation à Idleb sont toujours en service et sont capables de se protéger avec les armes et l'équipement dont ils disposent.» Avant de menacer : «En cas de nouvelle attaque, une réponse appropriée sera mise en œuvre de la manière la plus forte, basée sur le droit à l'autodéfense.»
De son côté, le président turc Recep Tayyip Erdogan a posé un ultimatum, selon les termes de l'AFP, au gouvernement syrien, lui demandant d'éloigner ses troupes des postes d'observation militaires turcs d'ici fin février.
Farhettin Altun, le porte-parole du président Erdogan, a quant à lui déclaré que l'évolution de la situation à Idleb était devenue intolérable pour Ankara, rejetant la responsabilité de la crise sur le dirigeant syrien. Dans des propos rapportés par l'AFP, il a tempêté : «Nous ne pouvons pas tolérer ce qui se déroule à Idleb. Nous demanderons des comptes pour nos martyrs [...] La place de Bachar el-Assad à l'avenir [...] n'est pas dans son palais présidentiel, mais à la Cour internationale de justice à La Haye.»
Autre acteur du conflit, la Russie, qui épaule Damas dans la lutte contre les groupes terroristes, avait annoncé ce 6 février la mort en Syrie de plusieurs experts militaires russes et turcs au cours du mois de janvier. Selon le ministère russe des Affaires étrangères, ces experts étaient chargés de faire respecter le cessez-le-feu dans la zone de désescalade d'Idleb conformément à l’accord russo-turc de septembre 2018.
Mais malgré cet accord, «les terroristes n'ont pas réduit leurs activités, intensifiant au contraire leurs attaques» dans la région, d'après le communiqué du ministère, qui précise : «Le nombre de morts et de blessés parmi les troupes syriennes et les civils en dehors de la zone de désescalade se compte en centaines.»
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a pour sa part affirmé que les attaques terroristes perpétrées contre l’armée syrienne et les infrastructures russes étaient fomentées depuis une zone contrôlée par la Turquie.