Libye : Haftar compte poursuivre son offensive mais salue l'appel au cessez-le-feu
- Avec AFP
Tout en saluant l'appel au cessez-le-feu de la Russie et de la Turquie, le maréchal Haftar, qui contrôle l'est libyen, a annoncé son intention de poursuivre son offensive. Le risque d'internationalisation du conflit libyen inquiète.
Le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l'est libyen, a annoncé le 9 janvier la poursuite de son offensive, saluant toutefois l'appel au cessez-le-feu lancé la veille par Ankara et Moscou, au milieu d'un chassé-croisé diplomatique face au risque d'une internationalisation du conflit en Libye.
Depuis avril, les forces pro-Haftar mènent une offensive pour prendre Tripoli, siège du Gouvernement d'union national (GNA), reconnu par l'ONU. Le ballet diplomatique s'est accéléré après l'annonce par la Turquie de l'envoi de troupes en soutien aux forces loyales au GNA, suscitant des craintes d'une «nouvelle Syrie». Le 8 janvier, Ankara et Moscou, acteurs clé du conflit syrien, ont appelé à un cessez-le-feu en Libye le 12 janvier à minuit. Comme en Syrie, ils ont des intérêts divergents dans cette crise.
Dans un communiqué, le maréchal Haftar a «salué [...] l'initiative du président Vladimir Poutine», tout en annonçant la poursuite des «efforts de [ses] forces armées dans leur guerre contre les groupes terroristes» qui se sont emparés, selon lui, de la capitale libyenne. Un conseiller du maréchal Haftar a précisé à l'AFP qu'il ne s'agit pas d'un rejet de l'initiative mais plutôt de «conditions qui doivent être remplies» avant tout cessez-le-feu.
Le maréchal Haftar a estimé que la stabilité et la relance du processus politique ne pouvaient être réalisées avant l'«éradication des groupes terroristes» et la dissolution et le désarmement des milices. «Ces groupes se sont emparés de la capitale et reçoivent le soutien de certains pays et gouvernements qui leur livrent des équipements militaires, des munitions [...] et des drones», selon Khalifa Haftar. «Ces pays envoient aussi de nombreux terroristes de partout dans le monde pour [nous] combattre», a-t-il ajouté, en allusion à la Turquie qu'il accuse d'envoyer des combattants syriens pro-turcs en Libye.
Alger s'active
Ankara affirme de son côté que 2 500 mercenaires russes combattent aux côtés de Haftar, ce que dément Moscou. Khalifa Haftar est également soutenu par les Emirats arabes unis, l'Arabie saoudite et l'Egypte, rivaux régionaux de la Turquie. Le 8 janvier au soir, le chef du GNA, Fayez al-Sarraj, avait salué l'appel au cessez-le-feu, sans toutefois dire s'il allait s'y conformer. L'émissaire de l'ONU en Libye, Ghassan Salamé, a lui aussi salué l'initiative russo-turque et a exhorté toutes les parties «à cesser immédiatement toutes les opérations militaires».
Ghassan Salamé travaille sur l'organisation en janvier d'une conférence internationale sur la Libye à Berlin pour mettre fin aux interférences étrangères dans la crise, tandis que plusieurs pays s'activent sur le plan diplomatique. Après avoir accueilli le 6 janvier le chef du GNA et le ministre turc des Affaires étrangères, l'Algérie, qui partage près de 1 000 km de frontières avec la Libye, a reçu le 9 janvier les chefs de la diplomatie de l'Italie et de l'Egypte, autre pays frontalier de la Libye. «Tout le monde est d'accord pour un cessez-le-feu», a déclaré l'Italien Luigi Di Maio, cité par l'agence officielle algérienne APS. Soucieuse de rester à «équidistance» des deux camps en guerre, Alger dit rejeter «toute ingérence étrangère».
Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s'est lui rendu en Tunisie, voisine de la Libye, où il a souligné que «le risque d'escalade [...] menace de déstabiliser l'ensemble de la région». Tunis a aussi accueilli le 9 janvier le ministre des Affaires étrangères saoudiennes Fayçal ben Farhane sur l'affaire libyenne.
Accords «nuls et non avenus»
Le dossier libyen était aussi au centre d'une rencontre le 8 janvier au Caire entre Jean-Yves Le Drian et ses homologues italien, égyptien, chypriote et grec, mais cette réunion a illustré les divisions de la communauté internationale. Dans un communiqué que Luigi Di Maio n'a pas signé, Paris, Le Caire, Nicosie et Athènes ont jugé «nuls et non avenus» les deux accords signés en novembre entre Ankara et le GNA, le second permettant à la Turquie de faire valoir des droits sur de vastes zones en Méditerranée orientale. Le premier accord porte sur la coopération militaire qui permet à la Turquie d'envoyer des troupes en Libye, pays avec lequel l'Italie entretient des liens historiquement étroits. Selon des analystes, Rome voit d'un mauvais œil le rôle grandissant en Libye d'autres pays comme la Turquie ou la Russie.
Le Premier ministre italien Giuseppe Conte a reçu le 8 janvier le maréchal Haftar à Rome et l'a appelé à cesser son offensive. A Bruxelles, l'Union européenne a promis à Sarraj d'«intensifier ses efforts» pour une solution pacifique. Sur le terrain, les combats font toujours rage au sud de Tripoli où les pro-Haftar tentent de rentrer dans la ville, auréolés par leur conquête-éclair le 6 janvier de Syrte, verrou stratégique entre l'est et l'ouest de la Libye.
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