Lors d'une interview accordée à Paris Match, le président syrien Bachar el-Assad est revenu sur le sort réservé aux djihadistes français détenus par les Kurdes en cas d’accord politique entre les deux parties. «Tout terroriste qui se trouve dans les régions contrôlées par les forces syriennes sera soumise à la loi syrienne. Celle-ci est très claire. Ils seront donc traduits en justice devant des tribunaux spécialisés en matière de terrorisme», a-t-il affirmé, ajoutant néanmoins ne pas avoir «de chiffres» sur le nombre exact de ressortissants français incarcérés.
Réagissant aux propos du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui menace régulièrement de renvoyer les djihadistes européens sur le Vieux Continent, Bachar el-Assad a tancé un comportement qu'il juge «immoral». «Erdogan tente de faire chanter l’Europe. Quelqu’un qui se respecte ne parle pas de cette manière […] Renvoyer vers un autre pays les terroristes, ou toute personne qui a été jugée et condamnée, est soumis à des accords bilatéraux entre les États», a-t-il fait valoir.
La dirigeant syrien a également affiché son intention de poursuivre la reconquête du pays jusqu’à la victoire. «Ce n’est pas "ma" guerre, la guerre d’un président cherchant à conserver son poste, selon la version occidentale. C'est une guerre nationale, celle des Syriens contre les terroristes […] Nous vaincrons lorsqu'il n'y aura plus de terrorisme», a-t-il insisté, assurant que «le plus regrettable» est le fait que les terroristes bénéficient «toujours de soutiens de la part de la Turquie et des pays occidentaux, des États-Unis, de la Grande Bretagne, et notamment de la France». Il est encore trop «tôt» d’après lui «pour parler de victoire».
La France pointée du doigt
Bachar el-Assad a également adressé un message à la France : «Lorsque les forces françaises viennent en Syrie sans y être invitées par le gouvernement légitime, c'est une occupation. Il n’y a pas une grande différence entre le soutien au terrorisme et le déploiement de forces militaire dans le but d’occuper un pays […] Vous pensez franchement que nous pouvons envoyer des forces syriennes en France combattre le terrorisme en France sans y être invités par le gouvernement français ? Le droit international régit le comportement des États dans le monde, pas les intentions. Il ne suffit pas de vouloir combattre le terrorisme, il faut observer les règles internationales.» Il a exhorté la France à cesser «de soutenir tout ce qui est susceptible de répandre davantage le sang, de multiplier les tueries et d’accroître la souffrance en Syrie».
«Bush a tué un million et demi d’Irakiens derrière le grand slogan de la démocratie. Sarkozy a contribué au meurtre de centaines de milliers de libyens, en se cachant derrière celui de la liberté pour le peuple libyen. Aujourd’hui la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis violent le droit international sous prétexte de vouloir soutenir les Kurdes, or les Kurdes sont des Syriens et non un peuple à part. En 2011, en Syrie, on entendait ces mêmes slogans sur la dignité, la liberté. Ces mêmes slogans ont été utilisés pour tuer des policiers et des civils, saboter les biens publics. Il ne faut donc pas nous fier aux slogans mais à la réalité des faits sur le terrain», a-t-il encore indiqué à Paris Match, dénonçant une rébellion fomentée depuis le Qatar.
Questionné sur le rôle du pouvoir syrien dans la mort de l'ancien chef du groupe Etat islamique Abou Bakr al-Baghdadi, après les remerciements envoyés à la Syrie de la part de Donald Trump, Bachar el-Assad a semblé perplexe : «Le plus important, c’est de savoir si Abou Bakr al-Baghdadi a vraiment été tué, et si cette belle comédie présentée par les Américains a vraiment eu lieu.» Il a mis en cause «les Américains» qui auraient, d’après lui, «fabriqué Daech».
Enfin, le président syrien a certifié qu’il n’y avait «pas une seule preuve» de l’utilisation d’armes chimiques par l’armée syrienne. «Il fallait absolument trouver un prétexte pour la stopper [l’avancée des troupes régulières], et c’est ce qui s’est passé. Ce récit a été utilisé quand nous avions beaucoup progressé. On s’en servait alors comme une menace pour nous arrêter. Il était aussi utilisé lorsque nous préparions une grande opération. Pour nous en empêcher. Depuis le début de la guerre et jusqu'à cet instant, personne ne peut prouver, en aucun cas, que des centaines voire des milliers de personnes ont été tuées par des armes chimiques», a-t-il conclu.