NBA-Chine : une histoire d'amour à préserver à tout prix ?
Après un simple tweet de soutien aux Hongkongais, la NBA s'est engouffrée dans une polémique accentuant les tensions entre les Etats-Unis et la Chine. Les retombées financières et en termes d'image pour la NBA pourraient être désastreuses.
Une nouvelle preuve, s'il en fallait, qu'un simple tweet peut créer d'importantes tensions diplomatiques. Depuis début octobre, une crise a éclaté entre la Chine et la ligue nord-américaine de basket (NBA) à la suite d'un tweet sur Hong Kong, rédigé par un dirigeant de la franchise des Houston Rockets. Ce qui pourrait faire perdre des millions de dollars au basket américain, alors que la saison 2019-2020 vient tout juste de commencer.
Une polémique aux conséquences financières importantes ?
Tout est donc parti d'une phrase sur les réseaux sociaux. «Lutter pour la liberté. Soutien à Hong Kong», a publié sur son compte Twitter Daryl Morey, directeur général des Houston Rockets, le 4 octobre, dans un tweet désormais supprimé. La réponse de la Chine a été immédiate. «Le manager du club de NBA des Houston Rockets a fait des remarques inappropriées sur Hong Kong. La Chine s'y oppose fermement et a décidé de suspendre toute coopération et échanges concernant la diffusion des rencontres du club en NBA», a ainsi déclaré un présentateur de la chaîne de télévision officielle chinoise CCTV, le 7 octobre.
Si l'affaire a vite pris de telles proportions, c'est avant tout parce que les Houston Rockets ne sont pas une franchise comme les autres en Chine. C'est dans cette équipe que Yao Ming, meilleur joueur de l'histoire du pays, a fait toute sa carrière en NBA. C'est sous l'impulsion de ce joueur, introduit au Hall of Fame (le Panthéon de la NBA) en 2016, que le basket américain et la franchise ont accédé à une immense popularité en Chine, inscrivant progressivement la ligue américaine dans le paysage culturel chinois.
Face à la vague d'indignation chinoise, Daryl Morey a supprimé son tweet et s'est excusé.
2/ I have always appreciated the significant support our Chinese fans and sponsors have provided and I would hope that those who are upset will know that offending or misunderstanding them was not my intention. My tweets are my own and in no way represent the Rockets or the NBA.
— Daryl Morey (@dmorey) October 7, 2019
La franchise et les joueurs de Houston, dont James Harden et Russel Westbrook (les deux superstars des Rockets) ont également présenté leurs excuses. Le joueur des Los Angeles Lakers, Lebron James, s'en est également mêlé et a estimé devant la presse, le 14 octobre, que le directeur général des Houston Rockets «n’en savait pas assez» et «était mal informé» lorsqu’il a publié ce message de soutien aux manifestants hongkongais.
Néanmoins, «les conséquences financières sont assez dramatiques et pourraient continuer de l’être», a révélé le patron de la NBA, Adam Silver, lors d’un congrès sur la Santé organisé le 17 octobre à New York par le magazine Time, sans donner plus de précision. Effectivement, plusieurs entreprises chinoises ont interrompu leur sponsoring et les négociations des droits de diffusion avec la NBA suite au tweet de Daryl Morey.
La NBA : un marché à protéger et à élargir ?
De nombreux fans et plusieurs observateurs dénoncent le fait que l'argent versé par la Chine semble être plus important que la lutte pour la démocratie enclenchée à Hong Kong depuis plusieurs mois. «Nous sommes meilleurs que cela. Les droits de l'Homme ne devraient pas être à vendre, et la NBA ne devrait pas aider la censure de la Chine communiste», a ainsi déclaré sur Twitter, le 7 octobre, Ted Cruz, le sénateur du Texas, l'Etat qui abrite les Houston Rockets. «La seule chose pour laquelle la NBA devrait s'excuser est leur flagrante priorité des profits sur les droits humains. Quelle honte», a de son côté tweeté le même jour Beto O'Rourke, candidat démocrate à la présidentielle de 2020.
Face à ces accusations, Adam Silver a finalement fait marche arrière le 8 octobre, affirmant que «l’égalité, le respect et la liberté d’expression définissent depuis longtemps la NBA et continueront de le faire». Si cela peine à convaincre, il reste désormais à savoir si la situation avec la Chine ne se détériorera pas plus au cours des prochains mois. Une obligation financière quand on sait que, la saison passée, 490 millions de Chinois ont regardé la NBA à la télévision. Un chiffre d'autant plus impressionnant que la seule population américaine s'élève à 327 millions de personnes. Par ailleurs, la NBA a récemment reconduit pour 5 ans, soit jusqu'en 2025, un accord de diffusion en streaming avec le géant chinois Tencent, qui porterait sur 1,5 milliard de dollars au total, selon le Wall Street Journal.
Mais l'horizon de la NBA ne se limite pas au marché chinois. Avec le lancement de NBA Cares, en 2005, dont les axes d’engagements recouvrent un large spectre : environnement, santé, sport, culture, éducation, etc., la NBA s'est dotée d'un instrument de communication et d'action efficace pour embellir l'image de la ligue aux Etats-Unis, mais également à l'international. Avec en ligne de mire, l'objectif de nouer de nouveaux partenariats avec des pays étrangers, afin d'y développer des structures liées au basket, d'y former des entraîneurs, et donc d'y implanter le basket. Des pays synonymes de nouveaux marchés tels que l'Inde ou certains pays africains, aux potentiels impressionnants.
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