International

Italie : rejetées aux dernières législatives, les forces pro-UE s'invitent au gouvernement

Afin de passer outre la demande de Matteo Salvini d'organiser des élections anticipées, le président du Conseil des ministres a formé un nouveau gouvernement à rebours du résultat des dernières législatives, mais à la satisfaction de Bruxelles.

Les sociaux démocrates font finalement leur retour au sein du gouvernement italien, près d'un an et demi après les dernières élections législatives, à l'issue desquelles ils avaient largement été désavoués par les électeurs. De fait, après une période estivale de turbulences entre Matteo Salvini et le mouvement 5 étoiles (M5S) mené par Luigi di Maio, le président du Conseil italien Giuseppe Conte a prêté serment, le 5 septembre, pour l'investiture d'un exécutif s'appuyant sur une majorité pro-européenne.

Permettant aux actuels adversaires de Matteo Salvini d'éviter la mise en place d'élections anticipées qu'il avait demandées le 8 août, la manœuvre offre ainsi au Parti démocrate italien (PD) neuf postes ministériels, alors que le Mouvement 5 Etoiles (M5S) en conserve dix. De son côté, le chef de la Ligue a estimé qu'il s'agissait «du premier gouvernement italien [né] à Bruxelles».

Retour vers le système ?

Plébiscité par un récent vote des adhérents du parti de Luigi di Maio au sujet d'une future coalition avec le centre-gauche, le remaniement du gouvernement n'en reste pas moins cocasse pour le M5S, fondé en 2009 par l'humoriste Beppe Grillo. En effet, en amont des législatives de mars 2018, la formation politique alors qualifiée de «populiste» s'était positionnée en tant qu'«anti-système», en dénonçant d'une part la corruption en Italie, mais aussi et surtout, en développant des positions ouvertement critiques envers le cahier des charges que l'Union européenne avait confié au social démocrate Matteo Renzi (PD), alors président du Conseil des ministres italien.

En outre, alors que son incessante critique des politiques imposées à l'Italie par l'UE – notamment sur les volets migratoire et budgétaire – a permis à Matteo Salvini de rapidement s'imposer comme l'homme fort du gouvernement de coalition «Conte 1», l'exécutif «Conte 2» s'apprête à opérer un virage européiste majeur avec, entre autres, la nomination de Roberto Gualtieri au ministère des Finances.

Avant d'accepter sa nouvelle mission, ce dernier était en effet président de la commission des Affaires économiques du Parlement européen depuis 2014.

S'il s'inscrit à rebours du «rejet du système» initialement exprimé dans les urnes par les Italiens lors des dernières législatives, le tournant européiste du nouveau gouvernement italien n'a pas tardé à rassurer les institutions européennes, comme en témoigne la lettre que Jean-Claude Juncker a adressée le 5 septembre à Giuseppe Conte. «La formation du gouvernement que vous présidez constitue un tournant important pour notre Union», a écrit le président de la Commission européenne, avant de se dire «réconforté» par les ambitions du nouvel exécutif italien.

Un tournant européiste dont Paris se réjouit

La Commission européenne n'est pas la seule à s'être félicitée d'un tel remaniement. Après avoir, à plusieurs reprises, ouvertement critiqué les orientations politiques du gouvernement italien «Conte 1», Paris se montre aujourd'hui optimiste quant au développement des relations franco-italiennes. «Ce gouvernement apparaît aujourd'hui plus ouvert dans sa dimension européenne, plus déterminé à avoir avec la France des relations positives, plus ouvert aussi à la mise en œuvre de dispositifs migratoires partagés, nous sommes prêts à en parler», a en effet déclaré, le 8 septembre, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian, à l'antenne d'Europe 1, dans l'émission politique Le Grand rendez-vous. Il faut dire que les relations bilatérales entre les deux pays s'étaient fortement dégradées au fil de passes d'armes successives entre les deux diplomaties...

Initié pour contrer la volonté de Matteo Salvini de provoquer des élections anticipées, le remaniement du gouvernement italien permet au M5S de conserver une majorité des cabinets ministériels. Toutefois, en faisant appel aux sociaux démocrates qu'il critiquait jadis, le mouvement politique aujourd'hui mené par Luigi di Maio perd pour l'heure son étiquette d'«anti-système».

Fabien Rives

Lire aussi : Référendum de 2005 : 13 ans après le «non» français, l'UE toujours en délicatesse avec la démocratie