«Allons tout de suite au Parlement pour prendre acte qu'il n'y a plus de majorité [...] et restituons rapidement la parole aux électeurs» : par cette simple phrase, Matteo Salvini a déclenché, le 8 août, une nouvelle crise politique en Italie. Avant de lancer sa campagne électorale dans la foulée en affirmant, dans la soirée, à Pescara : «Je suis candidat au poste de Premier ministre.»
Amer, le Premier ministre italien Giuseppe Conte a sèchement répliqué au chef de la Ligue : «Il n’appartient pas au ministre de l’Intérieur de décider du calendrier d’une crise politique.» La réalité l'aura contredit.
Les raisons du déclenchement de cette crise en plein mois d'août ? Le vote du projet de ligne à grande vitesse Lyon-Turin, connu en Italie sous le nom de «TAV» - qui déchire la coalition au pouvoir. D'un côté, la Ligue, fervent défenseur du projet, de l'autre le Mouvement 5 étoiles (M5S), opposé depuis toujours à ce TGV franco-italien.
Lors de la discussion du texte au Sénat, le 7 août, le parti de Luigi Di Maio dépose une motion pour tenter de bloquer la construction de la ligne, jugeant le projet «inutile, coûteux et vieux». Le chef des sénateurs de la Ligue, Massimiliano Romeo, prévient alors : «Il est clair qu’avoir deux partis de la majorité gouvernementale qui votent de manière diverse pose une question politique évidente que l’on ne peut pas nier, et ceux qui votent contre le projet devront assumer la responsabilité politique des conséquences.» La motion du M5S est rejetée par 181 voix contre et 110 pour.
Le M5S de Luigi Di Maio désavoué, la Ligue de Salvini publie le lendemain les quelques lignes actant le début de la crise : «Il faut prendre conscience et acter que des visions différentes séparent la Ligue et le Mouvement 5 étoiles. Le vote d'hier [le 7 août] en est seulement la confirmation ultime, évidente, irrémédiable.»
Pourquoi maintenant ?
A en juger par les médias italiens, le bras de fer autour du TAV ne serait qu'un prétexte tombé au moment opportun. Si Matteo Salvini n'avait pas précipité la fin du gouvernement de coalition maintenant, l'opportunité ne se serait pas représentée avant plusieurs mois, selon des journaux italiens. Le quotidien Il Sole-24 Ore estime en effet qu'«en septembre, il serait trop tard» pour initier un tel chamboulement.
Parmi les raisons évoquées : l'examen de la réforme constitutionnelle, prévu pour l'heure le 9 septembre, dont le but est de réduire de manière conséquente le nombre de parlementaires italiens (de 630 à 400 députés et de 315 à 200 sénateurs). L'adoption d'une telle loi - du fait de son caractère constitutionnel - pourrait avoir une série de conséquences qui retarderaient de potentielles élections anticipées (possibilité d'un référendum confirmatif notamment). La version italienne du Huffpost avance même une date : si la réforme devait passer en septembre, d'éventuelles élections anticipées ne pourraient pas être organisées avant juin 2020.
Matteo Salvini l'a parfaitement compris. A la question d'un journaliste, qui lui demandait le 8 août dans la soirée s'il envisageait d'approuver avant les élections anticipées la réforme en question comme le demande Di Maio, il Capitano répond : «Si on le fait, on ne votera plus.» Le chef du M5S a vu clair dans le jeu de son ancien allié. En guise de réaction à l'exigence de la tenue de nouvelles élections, Luigi Di Maio a simplement rétorqué : «Nous sommes prêts». Avant de déclarer : «Mais d'abord la réduction du nombre de parlementaires», devenu son leitmotiv depuis le début de la crise.
Le coup de sang du chef de la Ligue a donc une explication des plus rationnelles. Après la nette victoire aux européennes de son parti, qui a raflé 34% des suffrages, et des sondages encore aujourd'hui très avantageux, nul doute que repousser les élections de plusieurs mois représenterait un risque de voir sa popularité baisser.
Reste une inconnue de taille : la réaction du président de la République Sergio Mattarella, qui seul a le pouvoir de dissoudre le Parlement après consultation des présidents des deux chambres et des principaux responsables politiques avant de convoquer un scrutin. Le chef de l'Etat prendra-t-il le risque d'organiser des élections à l'automne, période où le gouvernement italien doit préparer son budget avant de le remettre à Bruxelles ?