Musée juif de Berlin : le directeur démissionne pour un tweet sur la campagne de boycott BDS
C'est un simple tweet, mais il a provoqué la démission du directeur du musée juif de Berlin. Le message recommandait la lecture d'un article critique envers la décision prise par le parlement de considérer comme antisémite le mouvement BDS.
Le directeur du Musée juif de Berlin, Peter Schäfer, a démissionné le 14 juin, alors que son établissement est pris dans une polémique après un tweet controversé sur la campagne de boycott pro-palestinienne BDS. Il a remis sa démission à la ministre de la Culture Monika Grütters «pour éviter de nouveaux préjudices au Musée juif de Berlin», a fait savoir ce dernier sur son site.
Si aucune raison précise pour ce départ n'a été donnée, le responsable était sous pression depuis plusieurs jours, après que son service de presse a recommandé dans un tweet la lecture d'un article critique de la décision prise en mai par le parlement allemand de considérer comme «antisémites» les méthodes du mouvement BDS.
Le BDS (Boycott Désinvestissement Sanctions), fondé en 2005, est une campagne mondiale de boycott économique, culturel ou scientifique d'Israël destinée à obtenir la fin de l'occupation et de la colonisation des Territoires palestiniens. Nombre de responsables israéliens mais aussi allemands la jugent antisémite, ce dont cette campagne se défend avec véhémence.
La porte-parole du musée qui avait rédigé le tweet a par ailleurs été remerciée avec effet immédiat pour avoir enfreint la règle de neutralité d'un établissement financé par des fonds publics, a indiqué le même jour le quotidien Süddeutsche Zeitung.
Les questions liées à l'antisémitisme et à Israël restent extrêmement sensibles en Allemagne, dont l'identité est fondée notamment sur la repentance pour l'Holocauste et le nazisme. La résurgence de l'antisémitisme ces dernières années, après l'arrivée de centaines de milliers de réfugiés du monde arabe, fait régulièrement les gros titres.
Pas un porte-parole d'Israël
Peter Schäfer avait d'abord expliqué que les intentions de son service de presse étaient bonnes. «Le tweet était pensé comme une contribution à la discussion : "Lisez ceci, c'est intéressant"», a-t-il expliqué à l'hebdomadaire Der Spiegel le 12 juin, précisant que le musée devait être un lieu d'invitation à la discussion et au dialogue.
Il a toutefois reconnu que la formulation utilisée était malheureuse et qu'il en aurait demandé une autre si on lui avait montré le texte avant publication.
Après le tweet, le Conseil central des Juifs d'Allemagne avait tiré le 11 novembre à boulets rouges sur le Musée juif, une véritable institution inaugurée en 2001 et très populaire auprès des touristes et des Berlinois.
«La coupe est pleine. Le Musée juif de Berlin a semble-t-il perdu tout contrôle. Dans ces circonstances, il faut se demander si le qualificatif de "juif" est encore approprié», avait écrit sur Twitter le Conseil, auprès duquel Peter Schäfer affirme s'être excusé.
Mais le directeur du musée avait aussi insisté auprès du Spiegel que l'institution avait vocation à raconter «l'histoire, la culture et la religion du judaïsme en Allemagne» mais qu'elle n'était pas «porte-parole» de la communauté juive, «et encore moins de l'Etat d'Israël».
Une stupidité de ma part
La presse allemande relève que le musée a essuyé des critiques répétées d'Israël en raison de son positionnement jugé anti-israélien. En mars, Peter Schäfer avait déclenché un tollé en accueillant dans son musée l'attaché à la Culture iranien, Seyed Ali Moujani, pour discuter d'une possible exposition de photos d'archives de juifs iraniens, relève la Süddeutsche Zeitung.
L'ambassade iranienne a ensuite indiqué sur son site que Peter Schäfer avait convenu avec son invité que l'assimilation de l'antisionisme à l'antisémitisme «devait être examinée de près». Citation supprimée à la demande du Musée juif. «C'était une stupidité de ma part que de l'accueillir», a concédé Peter Schäfer au Spiegel.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, a aussi vivement critiqué le Musée juif récemment en raison de son exposition Welcome to Jerusalem (bienvenue à Jérusalem, en français), qu'il jugeait hostile à Israël et pro-palestienne. Le gouvernement allemand a ignoré la demande israélienne de retirer son soutien au musée.