Une puissante association anti-raciste américaine accusée de racisme et harcèlement en interne
L'équipe du Southern Poverty Law Center, association américaine historique, célèbre pour avoir ruiné le Ku Klux Klan, est visée par des accusations de racisme et de harcèlement sexuel, alors qu'elle milite justement contre ces problèmes.
Le Southern Poverty Law Center (SPLC), l'une des plus puissantes associations d’activistes des Etats-Unis est dans la tourmente, après l'éviction de son co-fondateur Morris Dees, accusé de racisme et de harcèlement envers les personnes issues des minorités dans ses équipes.
Cette association est experte dans l’identification de groupes haineux aux Etats-Unis. Une partie de ses activités consiste à épauler les immigrés en finançant des procès retentissants pour faire valoir leurs droits. Mais elle est surtout connue pour son combat contre les groupes racistes ou encore anti LGBT. Le SPLC entend peser sur les législateurs pour démanteler ces groupes…
Le SPLC a débuté ses actions il y a près de 50 ans en engageant des poursuites contre le Ku Klux Klan (KKK). En 1981, Morris Dees a intenté un procès contre cette organisation suprémaciste au bénéfice de la mère du jeune Michaël Donald, l'un des derniers noirs lynchés par des blancs aux Etats-Unis. Condamné à payer 7 millions de dollars, le KKK avait fait banqueroute.
Mais aujourd'hui, les affaires du SPLC prennent un tour bien plus polémique. Depuis fin février, cette organisation est au bord de l’implosion. Morris Dees, 82 ans, a été écarté le 14 mars de sa propre organisation à la suite d'accusations de sexisme, de harcèlement sexuel et de racisme.
Selon la presse américaine, il aurait maltraité ses salariés non blancs et les femmes qui travaillaient au sein de l’association. Cette rumeur serait peu crédible si ces faits n’avaient pas été confirmés par la presse et d’anciens collaborateurs. Selon l’Alabama Reporter, non seulement ces conduites n’étaient pas le seul fait de Morris Dees, mais elles étaient devenues légion au sein de l’organisation. Et pire, ces abus auraient été couverts par la hiérarchie.
En réaction, son président Richard Cohen a précisé dans un communiqué : «En tant qu’organisation de défense des droits civiques, le SPLC s’engage pour que le comportement de nos équipes reflète la mission de l’organisation et les valeurs que nous espérons instiller dans le monde. Quand l’un des nôtres ne respecte pas ces engagements, quel que soit son rôle dans l’organisation, nous prenons la chose très au sérieux et devons prendre les décisions qui nous incombent.»
Une organisation qui n’a jamais appliqué les valeurs qu’elle avait embrassées
Mais sa contrition n'a pas suffi à éteindre le scandale naissant. Finalement, Richard Cohen a choisi de démissionner le 19 mars, suivi par Rhonda Brownstein, la directrice du département juridique. Dans un mail obtenu par le New York Times, Richard Cohen a fait amende honorable : «Quels que soient les problèmes qui ont pu exister au SPLC, ils sont survenus durant mon exercice, alors j'en prends la responsabilité.»
Les langues se sont déliées. Un ex-employé a déclaré au célèbre magazine The New Yorker que le climat avait été détestable ces dernières années, parlant d'«une organisation qui n’a jamais appliqué les valeurs qu’elle avait embrassées». «A-t-on permis à la discrimination raciale et au harcèlement sexuel de faire des victimes en nous taisant ?», a demandé cet ancien employé à une de ses collègues. «Bien sûr que oui !», s'est-elle écriée. L'ancien salarié a également qualifié l’association d’«arnaque hautement lucrative».
Une association critiquée par les conservateurs
Car le SPLC est devenu l’une des organisations d’activistes les mieux dotées au monde. LeWashington Times a d'ailleurs révélé fin 2017 que le SPLC détenait des comptes bancaires dans des paradis fiscaux.
Cette manne financière aide des victimes dans les combats juridiques menés par l'association. Mais elle sert également à assurer une autre des missions phares de l'association : identifier les groupes de haine aux Etats-Unis... Reste que l'association a récemment commis quelques loupés. Elle a ainsi tiré à boulets rouges sur Maajid Nawaz, un ancien islamiste radicalisé qui a viré sa cuti. Il est devenu défenseur de la paix et d’un islam modéré et a même créé une fondation contre l’extrémisme religieux. Il collabore désormais avec des ministres britanniques. Mais ces activités ne l'ont pas empêché de se faire taxer d’anti-musulman par le SPLC alors même qu’il fédère les musulmans modérés. Au terme d’une bataille judiciaire, Maajid Nawaz a touché plus de 3 millions de dollars de préjudice du SPLC, qui a reconnu son erreur.
D’ailleurs, le SPLC a déclenché ces dernières années des controverses en cataloguant des groupes simplement conservateurs, évangélistes ou favorable à un contrôle de l’immigration comme des groupes haineux. L’organisation s’est ainsi attiré les foudres de nombreux conservateurs qui estiment que les vues du SPLC sont politiquement biaisées. Certains d'entre eux ont même engagé des poursuites.
Mais l’organisation est toujours considérée comme une référence. Elle fournit même des informations au FBI. Ses études sont souvent citées dans des émissions de télévision et certains réseaux sociaux n’hésitent pas à consulter les évaluations du SPLC.