Au grand dam de l'UE et des Etats-Unis, l'Italie rejoint les Nouvelles routes de la Soie chinoises
Pékin et Rome ont signé un ambitieux protocole d'accord, qui fait grincer des dents tant à Washington qu'à Bruxelles. L'objectif : 29 contrats ou protocoles d'accords ont été signés entre les deux pays.
Les gouvernements italien et chinois ont signé ce 23 mars au matin un protocole d'accord «non contraignant» pour sceller l'entrée de l'Italie dans les «Nouvelles routes de la Soie», malgré l'inquiétude de Bruxelles et de Washington.
Au cours d'une cérémonie en présence du président chinois Xi Jinping et du chef du gouvernement italien Giuseppe Conte, l'Italie est devenue le premier pays membre du G7 à intégrer ce projet pharaonique d'infrastructures maritimes et terrestres lancé par Pékin en 2013.
Au total, 29 contrats ou protocoles d'accords ont été signés, pour les deux-tiers institutionnels, portant, selon les médias italiens, sur un total de 5 à 7 milliards d'euros, voire sur un «potentiel» atteignant près de 20 milliards d'euros.
Ils prévoient ainsi des investissements chinois, pour l'instant limités, dans les ports de Gênes et de Trieste, stratégiques pour l'accès maritime au marché européen depuis la Chine. Les principaux contrats concernent Ansaldo (turbines) et le groupe Danieli, qui participera à hauteur de 1,1 milliard d'euros à la construction d'un site sidérurgique en Azerbaïdjan. Les accords portent aussi sur l'ouverture du marché chinois aux oranges italiennes, des partenariats touristiques, des programmes de jumelage culturel, une coopération entre médias chinois et italiens...
Pékin aurait aussi voulu accueillir en Chine des matches de football de Serie A, mais les règles de la Fifa l'interdisant, la fédération italienne a donc prévu de délocaliser des matches de l'équipe nationale et de coupe d'Italie. Elle formera en outre des arbitres chinois à l'arbitrage vidéo, très décrié en Italie.
En revanche, compte tenu des réticences exprimées à Washington ou à Bruxelles, mais aussi au sein même du gouvernement populiste italien, face à une forme de rapprochement unilatéral entre l'Italie et la Chine, une vingtaine d'autres accords en discussion ces derniers mois ont été suspendus. «Avec ce protocole d'accord, nous sommes bien conscients qu'au-delà de l'opportunité, il y a aussi un risque», a assuré à la radio le secrétaire d'Etat italien à l'Economie, Michele Geraci, fervent défenseur à Rome de la cause chinoise, après avoir enseigné dix ans en Chine.
«Dans les deux sens»
Les exportations italiennes vers l'Empire du milieu n'ont pas dépassé les 13 milliards d'euros l'an dernier, quand elles représentent sept fois plus pour l'Allemagne. Reçu la veille par son homologue italien Sergio Mattarella, Xi Jinping s'est voulu rassurant : «La partie chinoise souhaite des échanges commerciaux dans les deux sens et un flux d'investissements dans les deux sens.»
Si le vice-Premier ministre Luigi Di Maio, chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème) et ministre du Développement économique, a signé l'accord ce matin, son allié Matteo Salvini, patron de la Ligue (extrême droite), n'est venu ni à la signature ni au dîner officiel qui avait lieu la veille au soir.
«Plus il y a d'opportunités pour les entreprises, mieux c'est», a-t-il commenté, tout en répétant ses appels à défendre la sécurité et la souveraineté nationales. Après une rapide collation avec Giuseppe Conte, Xi Jinping et son épouse devaient s'envoler en début d'après-midi pour une visite privée à Palerme, en Sicile, avant de repartir le lendemain matin pour Monaco.
Le président chinois est ensuite attendu en France, où il participera le 26 mars à une rencontre inédite avec le président français Emmanuel Macron, la chancelière allemande Angela Merkel et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.
Le 22 mars, Emmanuel Macron s'était dit sceptique sur l'accord entre la Chine et l'Italie, et Angela Merkel avait plaidé pour une action européenne «uniforme» face à Pékin. Le déplacement du président chinois en Europe intervient dix jours après la publication par l'Union européenne d'un plan en dix points, qui souligne que la Chine est tout autant un «rival» qu'un partenaire commercial.