Procès Nemmouche : deux journalistes otages reconnaissent le djihadiste et décrivent ses tortures
Nicolas Hénin et Didier François, anciens otages français de Daesh en Syrie, se sont montrés formels au procès de Mehdi Nemmouche, accusé d'avoir commis la tuerie du musée juif à Bruxelles : celui-ci était bien leur geôlier djihadiste tortionnaire.
«Je n'ai absolument aucun doute sur le fait que Mehdi Nemmouche ici présent était mon geôlier et tortionnaire en Syrie connu sous le nom d'Abou Omar», a affirmé Nicolas Hénin, 43 ans, ancien reporter de guerre détenu par Daesh en 2013 et 2014, au procès du terroriste présumé à Bruxelles, le 7 février.
Nicolas Hénin affirme sur un ton ferme et définitif : "Je le répète, je n'ai strictement aucun doute sur le fait que Mehdi #Nemmouche était mon geôlier et mon tortionnaire en Syrie. Je l'ai connu sous le nom d'Abou Omar"
— Mel Saint-Surge (@MelJoris) 7 février 2019
Un autre ancien otage, le journaliste Didier François, a également reconnu formellement son geôlier djihadiste. «Je suis venu pour trois choses : dire qu'on le connaît, voilà la dangerosité de cette personne et le risque de récidive», a-t-il martelé au tribunal.
Le long récit des tortures d'un geôlier sadique
En juin 2013, quatre journalistes français avaient été enlevés puis séquestrés par un groupe de djihadistes de Daesh dans un hôpital d'Alep reconverti en prison. Mehdi Nemmouche y avait été renommé Abou Omar.
Le récit des tortures subies par les anciens otages est tout aussi insoutenable qu'incriminant pour l’évaluation de la personnalité de Mehdi Nemmouche. Nicolas Hénin raconte par exemple qu'il a été conduit aux toilettes après un interrogatoire au cours duquel ses tortionnaires lui ont cassé des côtes et le nez. Alors qu'il nettoie son visage couvert de sang, Mehdi Nemmouche le provoque en faisant craquer ses doigts gantés : «Tu vois ces gants? Je les ai achetés pour toi !».
L'ancien reporter évoque les violences quotidiennes des bourreaux de Daesh : «Nos nuits étaient meublées du bruit des tortures qui se déroulaient dans la pièce en face. Le bruit des coups, des hurlements».
Nicolas Henin : "Après les toilettes en détention commencaient les tortures dans la pièce en face de notre cellule. Nos nuits étaient meublées du bruit des tortures, du bruit des hurlements"
— Caroline Vanpée (@CarolineVanpee) 7 février 2019
Ayant été re-capturé après une tentative d'évasion, Nicolas Hénin affirme avoir été encore plus violenté par son geôlier, évoquant une salle de torture avec un crochet, des tuyaux et des chaînes. Il a aussi décrit les séances de torture sur les prisonniers syriens et irakiens, dont le waterboarding.
Mehdi Nemmouche lui aurait confié ses exactions les plus abominables, comme le viol et l'exécution d'une femme, puis la mise à mort de son bébé, même si Nicolas Hénin ne confirme pas que ces faits aient réellement eu lieu.
"...Ensuite j'ai faim, je me sers dans le frigo. Et puis je tombe sur le bébé. Aaaah le bébé... si tu savais le plaisir qu'il y a à couper la tête d'un bébé"#Nemmouche
— Julien Balboni (@julienbalbo) 7 février 2019
L'ancien captif souligne également le caractère narcissique de l'accusé, son désir de poursuivre une carrière de grand criminel.
Henin achève: "Pour moi, c'est un lâche, il n'assume pas ce qu'il a fait. Aujourd'hui, il veut semer la confusion dans les esprits, le doute. J'y vois de la lâcheté et je reconnais bien là l'Abou Omar que j'ai connu en Syrie".
— Julien Balboni (@julienbalbo) 7 février 2019
Suspension d'audience de 15 minutes.#Nemmouche
«Pour moi, c'est un lâche, il n'assume pas ce qu'il a fait. Aujourd'hui, il veut semer la confusion dans les esprits, le doute. J'y vois de la lâcheté et je reconnais bien là l'Abou Omar que j'ai connu en Syrie», a conclu Nicolas Hénin.
Didier François a décrit à son tour les sévices qu'il a subis, «une quarantaine de coups de matraque» de la part de Mehdi Nemmouche même s'il affirme que les violences et «tortures» visaient surtout les prisonniers syriens et irakiens. «Le mode de domination c'était d'être cyclothymique, le même qui va rentrer à un moment pour vous donner un thé va venir le lendemain vous mettre une raclée», a-t-il témoigné.
L'ancien otage a expliqué que, sur le modèle de Mohammed Merah, dont il était admiratif, Mehdi Nemmouche rêvait de tuer une petite fille juive. Ces indications sur son antisémitisme pourraient éclairer ses motivations pour la tuerie de Bruxelles.
Procès Mehdi Nemouche
— Antoine Marette (@antoine_marette) 7 février 2019
Didier François, ancien otage en Syrie à propos de Mehdi Nemmouche : "Son modèle, c’était Merah. Son rêve c’était de prendre une petite fille juive par les couettes et de la fumer"
"J'étais un petit criminel, je me suis recyclé dans le nettoyage ethnique religieux. Je viole les femmes devant leur mari, je tue des gosses, je vide le frigo et je repars avec les meubles", se vantait Abou Omar (la kunya de Mehdi Nemmouche), selon Didier François
— Louis Colart (@LouisColart) 7 février 2019
A travers le témoignage des deux anciens otages s'est dessiné le portrait d'un djihadiste vantard, narcissique, ultra violent, antisémite, qui aimait aussi à l'occasion raconter des blagues aux otages, leur chanter du Charles Trenet, passant de l’ultra violence à un comportement goguenard.
Après l'audience des deux hommes, Mehdi Nemmouche s'est vu demander s'il les connaissait. Il a refusé de répondre, faisant valoir son droit au silence.
La présidente demande à Mehdi Nemmouche s'il reconnaît les deux témoins. "Je n'ai toujours rien à formuler à ce stade du procès, mme la présidente" répond l'accusé.#Nemmouche
— Julien Balboni (@julienbalbo) 7 février 2019
La défense en difficulté, dénonce «une manœuvre»
Face à ces témoignages glaçants, la défense de Mehdi Nemmouche a dénoncé «une manœuvre», «un procès dans le procès», qui devrait selon eux, ne concerner que les faits commis à Bruxelles. Toutefois les témoins de ce jour visaient à compléter l'enquête de personnalité de l'accusé, une démarche habituelle lors des procès d'assises.
Mehdi Nemmouche, accusé d'avoir commis l'attentat du musée juif de Bruxelles le 24 mai 2014, continue à nier. Difficile pour ses avocats de répliquer autrement que sur la forme, tant les preuves apportées par les différents experts sont décisives. Alors que la défense conteste les éléments à charge, différents experts sont venus affirmer la qualité des preuves récoltées comme l'ADN de l'inculpé retrouvé sur la porte du musée ou ses empreintes sur les armes. Les vidéos de l'accusé en garde à vue, provocateur avec les enquêteurs, ont été diffusées le 1er février, renforçant selon l'accusation la thèse de la culpabilité.
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