De passage en France ce 27 novembre dans le cadre de la poursuite du dialogue de Trianon, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, doit rencontrer son homologue français, Jean-Yves Le Drian.
Des relations bilatérales qui évoluent...
Entre autres éléments ayant favorisé le développement des relations bilatérales entre la France et la Russie ces derniers temps, le dialogue de Trianon, qui a été engagé par Emmanuel Macron et Vladimir Poutine lors de la venue en France de ce dernier le 29 mai 2017.
Les chefs d'Etat français et russe s'étaient alors rencontrés à Versailles, lors d'un entretien à l'issue duquel, selon Sergueï Lavrov, «l’intérêt de normaliser et de développer les relations [franco-russes avait] été confirmé».
De fait, l'initiative vise à renforcer le dialogue franco-russe, notamment en multipliant les rencontres et en préparant des projets communs. Forums économiques, expositions artistiques et autres rendez-vous culturels ont ainsi été organisés conjointement par les deux pays, comme en témoigne la liste des événements disponible sur le site officiel du Dialogue du Trianon.
... en dents de scie
Cependant, outre les sanctions occidentales antirusses auxquelles participe la diplomatie française depuis 2014, notamment dans le cadre du dossier ukrainien, l'évolution des relations franco-russes a également été rythmée par une série de rebondissements d'ordre géopolitique.
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En effet, si elles connaissent une relative embellie après avoir atteint un niveau médiocre sous le quinquennat de François Hollande, plusieurs épisodes de tension ont marqué ces relations bilatérales depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée.
L'affaire Skripal a par exemple provoqué une escalade de tensions entre les deux pays. En effet, trois semaines après l’empoisonnement de l'ex-agent double Sergueï Skripal au Royaume-Uni, le ministère français de l'Europe et des Affaires étrangères annonçait l'expulsion de quatre diplomates russes.
En mesure de rétorsion symétrique, la Russie n'avait pas tardé à expulser de son territoire quatre diplomates français.
Le dossier syrien constitue un autre exemple d'une relation bilatérale occasionnellement mouvementée. Comme en témoigne une déclaration d'Emmanuel Macron le 15 avril 2018, alors qu'il s'exprimait publiquement au lendemain d'une série de frappes aériennes en Syrie, menées conjointement par la France, les Etats-Unis et le Royaume-Uni, qui accusaient Damas d'être responsable d'une attaque chimique. En effet, après avoir rendu hommage à l'armée française pour la réalisation des frappes, le chef d'Etat français avait accusé la Russie d'être «complice» de Bachar el-Assad en ayant «construit méthodiquement l'incapacité de la communauté internationale par la voie diplomatique à empêcher l'utilisation des armes chimiques».
Le lendemain, alors que Moscou soulignait l'absence de preuves côté occidental pour accuser le gouvernement syrien, le chef de la diplomatie russe n'avait pas hésité à qualifier les frappes occidentales en Syrie de «folle campagne» qui ne lui inspirait rien de positif. «Au fond, nous perdons les derniers restes de la confiance que nous avions en nos amis occidentaux», avait-il commenté, entre autres.
Autre sujet à l'origine de déclarations d'inimitié : la prétendue ingérence de la Russie dans les processus électoraux occidentaux. Si celle-ci a suscité de vives réactions politiques sur la scène internationale, notamment en 2016 à l'occasion du référendum sur le Brexit et de l'élection présidentielle américaine, le président français a, le 22 avril 2018, explicitement accusé son homologue russe de s’être ingéré dans les affaires de plusieurs pays occidentaux. «[Vladimir Poutine] intervient partout, je veux dire en Europe et aux Etats-Unis, pour fragiliser nos démocraties» avait notamment affirmé Emmanuel Macron sur Fox News.
Pas de relation pérenne sans optimisme
Malgré les divergences dans le cadre d'autres dossiers brûlants, les perspectives de normalisation des relations bilatérales entre la France et la Russie ne sont pas mortes. A l'image de l'évolution du dossier ukrainien, pour lequel Sergueï Lavrov s'est, le 12 octobre 2018, félicité d'«une coopération assez étroite» avec ses partenaires français dans le cadre du format Normandie (configuration diplomatique adoptée le 6 juin 2014 pendant la guerre du Donbass, et rassemblant autour de la table l'Allemagne, la Russie, l'Ukraine et la France). De fait, si les sanctions occidentales à l'encontre de la Russie n'ont pour l'heure pas été levées, le chef de la diplomatie russe a préféré se focaliser sur d'autres aspects positifs. «Nous avons des relations très étroites avec la France dans le cadre du règlement de la crise ukrainienne», a-t-il ainsi souligné.
Plus récemment, c'est le projet d'«armée européenne» porté par le chef d'Etat français qui a été salué par son homologue russe. «D'une manière générale, l’Europe est une formation économique puissante, une alliance économique puissante, et il est tout à fait naturel que ces pays souhaitent être indépendants et souverains dans le domaine de la sécurité et de la défense [...] C’est un processus positif du point de vue du renforcement du caractère multipolaire du monde», avait notamment déclaré Vladimir Poutine à RT France lors de son déplacement à Paris le 11 novembre.
Lors de sa première visite officielle en Russie au mois d'avril 2018, le chef d'Etat français avait lui aussi affiché sa volonté d'entretenir «un multilatéralisme fort». Affirmant considérer la Russie comme un partenaire fiable, Emmanuel Macron avait ainsi expliqué : «Je veux que nous avancions dans les prochaines années pour essayer de rebâtir cette confiance indispensable autour de ce triptyque : souveraineté, coopération et multilatéralisme fort.»
Fabien Rives
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