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En tournée en Europe de l'Est, Macron tacle la Pologne et la Hongrie

Face à un camp eurosceptique dont les rangs ne cessent de grossir, Emmanuel Macron continue de planter le décor des européennes de mai 2019. En visite en Slovaquie et en République tchèque, le président vient porter son projet, quitte à provoquer.

Après une première tournée fracassante à l'été 2017, Emmanuel Macron est de retour ce 26 octobre en Europe de l'Est, à Bratislava (Slovaquie) et à Prague (République tchèque). Et comme en 2017, le président français n'a pas hésité à tancer les pays comme la Pologne et la Hongrie, auxquels il reproche de ne pas respecter les principes de l'Union européenne (UE).

Dans une interview publiée la veille et accordée à quatre journaux, hongrois, polonais, slovaque et tchèque, Emmanuel Macron a martelé, comme un an auparavant : «L'Europe n'est pas un supermarché». Comprendre : l'UE ne serait pas une sorte de libre-service où tel ou tel Etat membre prendrait ce qui lui convient sans se plier à certaines obligations. «Nous avons une exigence collective de cohérence et de solidarité. On ne peut bénéficier du budget européen sans admettre la solidarité en matière migratoire par exemple», a ainsi déclaré le président français dans cette même interview.

L'argument, déjà brandi à plusieurs reprises, n'a rien de nouveau : Hongrie, Slovaquie, République tchèque et Pologne, réunis au sein du groupe de Visegrad (V4), refusent catégoriquement une répartition obligatoire des migrants parmi les pays de l'UE. En juin 2018, afin de marquer leur désaccord, les quatre pays avaient purement et simplement boycotté un sommet européen sur l'immigration. Au même moment, le Premier ministre tchèque annonçait clairement la couleur, se disant prêt à déployer l'armée aux frontières de son pays.

A sept mois des élections européennes, en mai 2019, Emmanuel Macron doit ainsi faire face à un dilemme de taille : porter le projet européen sans s'aliéner complètement les pays anti-immigration. Alors que l'Italie, dans le sillage de l'Autriche de Sebastian Kurz, a basculé en mars dernier dans le camp eurosceptique, le président français apparaît de plus en plus isolé. D'autant que, dès son élection, Emmanuel Macron comptait sur un couple franco-allemand fort. Las, la chancelière Angela Merkel n'en finit plus de pâtir de la crise qui secoue les partis traditionnels allemands depuis les législatives de septembre 2017. Le 14 octobre dernier, ses alliés conservateurs ont subi un revers historique en Bavière

Macron en campagne pour les européennes

Aussi, de plus en plus seul, le président de la République est-il contraint de produire un discours millimétré, voire ambivalent. En février 2018, Emmanuel Macron menaçait de priver la Hongrie et la Pologne des aides de Bruxelles, les fameux fonds structurels, abondés par tous les Etats membres, mais qui ne profitent qu'à certains. «Il serait de bon sens de suspendre le versement de fonds [...] quand les gens ne respectent pas les valeurs [de l'Union européenne]», avait ainsi lancé le dirigeant français. En décembre 2017, Bruxelles avait décidé de déclencher, pour la première fois de l'histoire, l'article 7 du traité de l'UE contre Varsovie, accusé de mettre en péril l'Etat de droit par ses réformes de son système judiciaire. Toutefois, répondant à une question du quotidien polonais conservateur et pro-Union européenne Rzeczpospolitej ce 25 octobre, Emmanuel Macron s'est montré moins catégorique. «Quant à l'article 7, c'est à la fois une procédure d'avertissement et de dialogue», a-t-il tempéré, ajoutant qu'il espérait que la Pologne saurait prendre les mesures susceptibles de rassurer la Commission européenne.

Quant à la Hongrie, elle aussi sous le coup de l'article 7, le président français a adopté la même approche, alternant la carotte et le bâton. «J’ai une bonne relation avec Viktor Orban, que je respecte personnellement et comme Premier ministre choisi par le peuple hongrois», a assuré Emmanuel Macron, avant d'ajouter dans la foulée : «Mais une Europe qui fait fi de la diversité des idées et des croyances, de l’indépendance de la justice ou de la presse, de l’accueil des réfugiés qui ont fui des persécutions politiques, c’est une trahison de ce que nous sommes.»

Le 28 août, en visite à Milan pour rencontrer le vice-Président du Conseil anti-immigration Matteo Salvini qu'il avait qualifié de «héros», Viktor Orban avait en revanche désigné Emmanuel Macron comme son principal adversaire. «[Il y a] actuellement deux camps en Europe et l'un est dirigé par Macron [...] à la tête des forces politiques soutenant l'immigration [...] De l'autre côté, il y a nous qui voulons arrêter l'immigration illégale», avait alors clamé Viktor Orban. Emmanuel Macron avait répliqué dès le lendemain. «Je ne céderai rien aux nationalistes et à ceux qui prônent ce discours de haine. S'ils ont voulu voir en ma personne leur opposant principal, ils ont raison», avait-il martelé. Ce 26 octobre, en s'invitant jusque dans les terres du groupe de Visegrad, Emmanuel Macron achève de se poser en héraut du combat des européennes qui s'annonce : un référendum européen sur la la crise migratoire, avec des protagonistes qui, bon gré mal gré, se retrouvent contraints de forcer le trait devant les électeurs.

Alexandre Keller

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