C'est historique. Le 1er juillet 2018, le Mexique a élu un président de gauche pour la première fois depuis 1940. Andrés Manuel Lopez Obrador, surnommé «Amlo» et âgé de 64 ans, a en effet remporté une victoire sans précédent à la présidentielle mexicaine avec 53,5% des voix, selon les estimations officielles. L'ancien maire de Mexico a dépassé de plus de 30 points le conservateur Ricardo Anaya, candidat d'une coalition de droite et de gauche, et Jose Antonio Meade, du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI; droite), le parti au pouvoir, très loin derrière, en troisième position avec 15,1%.
A la tribune, devant plusieurs milliers de sympathisants réunis sur la place du Zocalo, dans le centre de Mexico, en costume noir, chemise blanche et cravate grenat, Amlo a prononcé un discours, marquant par son ton la solennité de ses promesses : «Je suis très conscient de ma responsabilité historique [...] Je veux rester dans l'histoire comme un bon président».
Le nouveau président prendra ses fonctions en décembre prochain. Par ailleurs, son parti, le Mouvement de régénération nationale (Morena), a obtenu un important succès régional avec au moins six postes de gouverneurs sur les neuf en jeu. Notable, ce sera une femme, Claudia Sheinbaum, qui dirigera pour la première fois la capitale Mexico.
Défis d'envergure
Andrés Manuel Lopez Obrador devra affronter des défis de grande ampleur et notamment la lutte contre la corruption qui fait rage dans ce grand pays d'Amérique centrale et dont Amlo a fait une de ses principales promesses de campagne. «La corruption n'est pas un phénomène culturel mais le résultat d'un régime politique en décadence», a-t-il notamment déclaré durant son discours. «Eradiquer la corruption et l'impunité sera la mission principale de notre gouvernement [...] Personne ne jouira de l'impunité, ni les compagnons de lutte, ni les fonctionnaires, ni les amis, ni la famille», a-t-il promis.
Le nouveau président a appelé les Mexicains à la réconciliation autour du «nouveau projet de la nation [qui] cherchera à établir une démocratie authentique». Amlo a, de fait, insisté sur le légalisme absolu de la politique qu'il veut mettre en place : «Nous ne sommes pas là pour construire une dictature ni ouverte ni couverte [...] les changements seront profonds mais conformes à l'ordre légal établi [...] et toutes les libertés individuelles et sociales seront garanties.»
Amlo a également mis l'accent sur la lutte contre l'impunité alors que la violence qui fait rage dans le pays a été au cœur des débats de la campagne présidentielle. Déjà considérée comme «la plus sanglante» de l'histoire du Mexique, la campagne électorale qui vient de se dérouler a vu se commettre 145 assassinats d'hommes politiques, dont 48 candidats ou pré-candidats, selon le cabinet d'études Etellekt, cité par l'AFP.
Plus de 200 000 personnes ont été tuées au Mexique depuis 2006 et le lancement de la guerre contre le narcotrafic avec l'aide de l'armée. Amlo a promis d'éradiquer la pauvreté qui alimente ces violences et de ramener la paix sociale dans le pays.
Les félicitations de Trump, de Maduro et des autres...
Plutôt surprenant, le président américain Donald Trump a très rapidement et très chaleureusement félicité le président mexicain élu et s'est dit «impatient de travailler» avec lui. «Il y a beaucoup à faire pour le bien à la fois des Etats-Unis et du Mexique !», a tweeté le président Trump dont la politique commerciale et migratoire a considérablement contribué à détériorer les relations de Washington avec le Mexique.
Peu après sa victoire, Andrés Manuel Lopez Obrador a dit souhaiter une «relation d'amitié et de coopération» avec les Etats-Unis. Avant son élection, il avait affirmé entendre «remettre à sa place» Donald Trump qui a, entre autres, menacé de rompre l'Accord de libre-échange avec le Mexique (Aléna). 80% de exportations mexicaines prenant la direction des Etats-Unis, il est vital pour le Mexique de trouver un accord avec l'oncle Sam, son principal partenaire commercial.
Du côté de l'immigration, Donald Trump a récemment qualifié certains immigrés clandestins, notamment membres de gangs criminels, d'«animaux», provoquant l'indignation générale au Mexique. Peu après son élection, le président américain a ordonné la construction d'un mur long de 3 200 km à la frontière américano-mexicaine. Le président mexicain sortant Enrique Pena Nieto, a annulé deux fois des visites prévues à Washington en raison des pressions de Donald Trump qui exigeait du Mexique de contribuer au financement de la construction de son mur.
Autre partenaire important du Mexique, le Canada a également rapidement félicité le vainqueur. Le Premier ministre Justin Trudeau a notamment appelé à une relance rapide de l'Accord de libre-échange nord-américain (Aléna).
Sans surprise, l'élection de ce nouveau président de gauche a été accueillie avec bonheur par Nicolas Maduro, président du Venezuela, Evo Morales, président de la Bolivie et Rafael Correa, ancien président de l'Equateur, ainsi que Lenin Moreno, l'actuel président de ce pays. La gauche latino-américaine qui a durant les années 2 000 gouverné sur une large partie du continent a récemment vu le nombre de ses représentants diminuer ces dernières années avec l'arrivée au pouvoir de présidents de droite dans de grands pays longtemps gouvernés par la gauche. C'est le cas notable de l'Argentine avec l'élection de Mauricio Macri en 2015, mais aussi du Brésil avec l'arrivée au pouvoir de Michel Temer en 2016.
«Que s'ouvrent les larges voies de la souveraineté et de l'amitié de nos peuples. La vérité triomphe des mensonges et l'espoir de la Grande Patrie se renouvelle», s'est enthousiasmé Nicolas Maduro sur son compte Twitter.
Quant à Evo Morales, il a mis l'accent sur la souveraineté nécessaires des pays d'Amérique du sud : «Les peuples dignes s'efforcent toujours d'avoir un Etat souverain. Nous voulons une Amérique latine avec l'indépendance. Le triomphe du frère Lopez Obrador garantit la libération de nos peuples pour construire des ponts d'intégration au lieu de murs de discrimination.»
Le président français Emmanuel Macron a également félicité le président mexicain pour «sa belle victoire démocratique».
Le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon s'est également réjoui de cette victoire, publiant une photo de lui au côté du nouveau président mexicain et saluant la poursuite de la révolution citoyenne en Amérique latine.
Meriem Laribi