Armes chimiques : l'offensive britannique à l'OIAC menace la sécurité mondiale, d'après Moscou
Londres veut donner pouvoir à l'OIAC de désigner les responsables d'attaques chimiques avec en ligne de mire l'affaire Skripal et la Syrie. La Russie s'inquiète d'un dévoiement de l'organisation, qui menacerait les fondements de l'ONU.
Après le fiasco – pour la diplomatie britannique – de l'affaire Skripal, Londres veut-il remplacer une polémique par une autre, et détourner l'attention ? Malgré l'absence de preuve sur l'implication supposée de la Russie dans l'empoisonnement de l'ex-agent double Sergueï Skripal le 4 mars dernier, le Royaume-Uni a repris l'initiative.
Les représentants britanniques de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) ont déployé ces jours-ci une intense activité pour en changer la mission et les compétences. Londres veut ainsi que l'OIAC puisse désigner nommément l'Etat responsable d'une attaque chimique.
Ce 27 juin, la proposition de résolution a été acceptée à 82 voix contre 24. A l'initiative du Royaume-Uni, l'OIAC s'est réunie du 26 au 28 juin pour étudier la demande. Signe de l'importance de la manœuvre pour la diplomatie britannique, c'est le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson qui a pris la tête de la délégation. Mêlant à la fois l'attaque chimique supposée du 7 avril 2018 dans la Ghouta en Syrie, et l'empoisonnement de Sergueï Skripal, Boris Johnson avait déjà présenté le 13 juin dernier le projet britannique de réforme de l'OIAC. «Nous proposons que l'OIAC commence à attribuer la responsabilité des attaques chimiques en Syrie», a-t-il tweeté.
UK has tabled draft decision aimed at strengthening the ban on chemical weapons. We propose the @OPCW begins attributing responsibility for chemical weapons attacks in Syria. We also want action to support states to address the chemical terrorism threat.
— Boris Johnson (@BorisJohnson) 13 juin 2018
Etant donné que le Royaume-Uni tient le gouvernement de Damas pour responsable, entre autres, de la supposée attaque chimique du 7 avril, l'intention de Londres ne laisse guère de place au doute. Faisant en outre d'une pierre deux coups, Boris Johnson a également présenté à cette occasion la nature chimique de l'incident de la Ghouta comme une évidence. «Avec son expertise technique avérée en matière d'armes chimiques, l'OIAC est le bon organe pour étudier qui est derrière une attaque», a-t-il encore argumenté.
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Moscou met en garde contre un dévoiement de l'OIAC et un effondrement du système de sécurité global des Nations unies
Réagissant à l'initiative britannique, Moscou a dénoncé pour sa part un détournement du rôle de l'OIAC, et refusé le 26 juin de voter par consensus le projet de résolution.
«Les propositions britanniques doivent d'abord être discutées», a fait valoir le chef de la délégation russe, Gueorgi Kalamanov, cité par l'agence Tass. «Cette perspective comporte des risques imprévisibles», a-t-il déploré. «Cela ne va-t-il pas mener à un effondrement des régimes globaux de non-prolifération, et même à l'arrêt du système de sécurité international dans son entier, établi après la Seconde Guerre mondiale sur le rôle central des Nations unies et du Conseil de sécurité ?», a-t-il mis en garde.
#BorisJohnson a-t-il menti sur sa connaissance de l'origine du poison utilisé pour attaquer #Skripal?
— RT France (@RTenfrancais) 4 avril 2018
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L'institution a été créée en 1997 pour œuvrer, comme son nom l'indique, à l'interdiction des armes chimiques dans le monde, et fournir des moyens logistiques et scientifiques aux Etats membres. L'OIAC procède d'ailleurs des Nations unies, puisqu'elle tient sa légitimité de la convention sur les armes chimiques adoptée cinq ans plus tôt, en 1992, par l'Assemblée générale des Nations unies. La désignation d'un éventuel Etat responsable d'une attaque chimique relève ainsi des Nations unies, seule institution internationale capable d'articuler droit international et géopolitique. C'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé à l'occasion de l'affaire Skripal, l'OIAC se bornant à confirmer scientifiquement que l'agent innervant utilisé était de la famille du novitchok, mais se disant dans l'incapacité de démontrer que le neurotoxique, dont la composition est publique, aurait été produit en Russie.
Alexandre Keller