Syrie : six mois après leur libération, les habitants de Raqqa luttent toujours pour survivre
Dans la province de Raqqa, libérée par les forces arabo-kurdes en octobre 2017 avec l'appui des bombardements occidentaux, les habitants sont toujours victimes d'une crise humanitaire aiguë. L'ONU tire le signal d'alarme.
Exactement six mois après la libération de la ville de Raqqa par les Forces démocratiques syriennes, dominées par des combattants kurdes, avec l'appui des bombardements massifs des Occidentaux, les habitants de Raqqa, en Syrie, sont toujours livrés à leur sort.
Ce 17 avril, Mark Lowcock, chef de l’humanitaire de l’ONU a fait le point devant les membres du conseil de sécurité des Nations unies concernant la situation humanitaire en Syrie, notamment dans la Ghouta orientale, à Idleb, à Afrin mais aussi à Raqqa.
Des niveaux élevés de munitions non explosées et de contamination par des engins explosifs improvisés
Et la situation dans cette dernière ville, dont Daesh voulait faire sa «capitale», inquiète l'ONU. «Les conditions ne sont pas propices aux retours, en raison des niveaux élevés de munitions non explosées et de contamination par des engins explosifs improvisés, des dommages importants causés aux infrastructures et du manque de services de base», s'est ainsi alarmé Mark Lowcock, alors qu'une conférence intitulée «Soutenir l’avenir de la Syrie et de la région» doit se tenir sur la question à Bruxelles les 24 et 25 avril 2018, sous l'égide de l'Union européenne.
Rien n'a été fait pour les civils depuis le 17 octobre 2017, date de la libération de Raqqa, déplore Mark Lowcock qui estime par ailleurs que 50 personnes meurent encore chaque semaine à Raqqa.
Des civils laissés pour compte dans une région sous contrôle des Kurdes et des Etats-Unis
Cette ville, désormais intégrée à la large portion de la Syrie contrôlée par des Kurdes et qui s'étend le long de la rive gauche de l'Euphrate, a vécu un véritable calvaire en 2017. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) avaient commencé le siège de Raqqa en juin, soutenues par la coalition internationale dirigée par Washington. Cette denrière a mené d'intenses frappes aériennes mais a aussi fourni aux FDS des armes, ainsi qu'une assistance au sol, en termes de renseignement et d'entraînement.
L'occupation américaine n'a rien apporté de positif à ses habitants
Les violents combats ainsi que l'utilisation de bombes au phospore par l'aviation de la coalition dite «arabo-occidentale» ont causé un exode massif de civils. Entre juin et octobre 2017, plus de 270 000 personnes ont fui vers des camps de réfugiés dans la province, selon une estimation d'Airwars, une organisation de journalistes analysant les frappes aériennes de la coalition contre Daesh. Entre 1 800 et 1 900 civils ont été tués dans les affrontements, dont au moins 1 300 du fait de la coalition, toujours d'après cette organisation.
Révolte de la population contre l'«occupant»
Selon l'ONU, environ 100 000 personnes sont revenues à Raqqa depuis la fin des combats. Outre le manque de nourriture – l'ONU parle d'«insécurité alimentaire» – les civils, sans aide, doivent eux-mêmes tenter de déblayer les gravats sous lesquels des centaines de cadavres continuent toujours de se décomposer. «La reconstruction de la ville détruite par les frappes aériennes n'a pas lieu», a déploré ce 17 avril l'ambassadeur russe auprès des Nations unies, Vassili Nebenzia, accusant au passage les autorités en charge de Raqqa, les milices soutenues par Washington, d'être un gang de «gens complètement incompétents». Il a encore évoqué une «occupation de facto» par les Etats-Unis.
La population arabe locale a commencé à se soulever contre les actes arbitraires de groupes contrôlés par les Etats-Unis
D'après le chef d'état-major russe Sergueï Roudskoï, cité par l'agence TASS, des habitants ont commencé à se révolter le 25 mars dernier. «La population arabe locale a commencé à se soulever contre les actes arbitraires de groupes contrôlés par les Etats-Unis», a souligné le haut-gradé. «Les citoyens arabes [de Raqqa] sont victimes de répression et d'extorsions, ils sont enrôlés de force», a-t-il ajouté.
Alexandre Keller