«Un manque d'oxygène, pas du gaz»: un reporter britannique questionne le récit de l'attaque de Douma
Le reporter de The Independent Robert Fisk s'est rendu dans la Ghouta, où il a interrogé un médecin de Douma. Selon lui, les scènes de suffocation après l'attaque chimique présumée seraient dues à un manque d'oxygène, et pas à l'usage de gaz.
«Est-ce que j'entends bien ? Quelle version dois-je croire ?», s'interroge le journaliste Robert Fisk, perdant visiblement toute certitude. Pour un article publié le 16 avril par le quotidien britannique The Independent, le reporter, qui fut l'un des rares à interviewer Oussama ben Laden, s'est rendu dans la Ghouta orientale afin d'enquêter sur l'attaque chimique présumée survenue dans cette banlieue de Damas le 7 avril. Son objectif : «Chercher la vérité dans les décombres de Douma».
Interviewé dans le cadre du reportage, Assim Rahaibani, un médecin de l'hôpital de Douma, explique que les patients que l'on voit avec des masques à gaz dans une vidéo montrant des scènes de panique le 7 avril et relayée par l'ONG controversée des Casques blancs financée en partie par le Royaume-Uni, ne suffoqueraient pas à cause d'une attaque chimique au chlore. Selon le médecin, qui était alors chez lui, à 300 mètres de sa clinique, les victimes civiles présentent en revanche tous les signes d'un manque d'oxygène, qui pourrait s'expliquer par la poussière générée par un bombardement massif avec des armes conventionnelles et le fait que ces victimes vivaient dans des abris sous-terrains pour échapper aux combats.
La vidéo est authentique mais ce que vous voyez ce sont des personnes en hypoxie
Ce même jour, Damas procédait en effet à des frappes sur Douma, avec pour conséquence de faire affluer les civils vers l'hôpital local. «Il y avait du vent et d'énormes nuages de poussière qui ont commencé à entrer dans les sous-sols et les caves où vivaient les gens», rapporte ainsi Assim Rahaibani. «Des patients sont alors arrivés ici [à l'hôpital] souffrant d'hypoxie, de manque d'oxygène», explique le docteur Rahaibani. «C'est à ce moment que quelqu'un, un Casque blanc a crié à la porte : "Gaz !"», se souvient-il. «Et la panique a commencé. Les gens ont commencé à s'asperger d'eau. Oui, cette vidéo a été tournée ici, elle est authentique, mais ce que vous voyez, ce sont des personnes souffrant d'hypoxie, pas d'empoisonnement au gaz», affirme encore Assim Rahaibani.
Frappes occidentales, afflux de civils à l'hôpital de Douma et vidéo d'attaque chimique présumée
La version du médecin syrien corrobore celle de témoins directs, présentés par le ministère de la Défense russe le 13 avril dernier. «[Ces témoins] ont vu des personnes absolument inconnues équipées de caméras entrer dans l'hôpital, arroser tout le monde et semer la panique», a souligné Igor Konachenkov, précisant que ces individus ordonnaient aux gens de dire qu'ils avaient été victimes d'une attaque chimique. «Et donc, évidemment, les gens ont commencé à s'arroser d'eau», a-t-il noté, ajoutant : «Ces inconnus, après avoir filmé cette scène là, ont disparu.»
En outre, selon l'AFP, le personnel de l’hôpital principal de Douma dit ne pas avoir constaté d'attaque chimique. Interrogé par l'agence française, Marwan Jaber, étudiant en médecine, témoigne ainsi : «Certains d'entre eux souffraient d'asthme et d'inflammation pulmonaire. Ils ont reçu un traitement de routine et certains ont même été renvoyés chez eux. Ils ne présentaient aucun symptôme d'attaque chimique.» Ensuite, ajoute-t-il, «des étrangers sont entrés pendant que nous étions dans un état de chaos et ont aspergé les gens d'eau, et certains d'entre eux ont même filmé».
Robert Fisk observe encore que dans la ville de Douma, les gens semblaient incapables de relier l'incident chimique présumé et les raids aériens conduits par les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni. «Bizarrement, après avoir discuté avec plus de 20 personnes, je n'ai pas pu trouver quiconque manifestant le moindre intérêt pour évoquer le lien entre l'attaque chimique supposée à Douma et les frappes occidentales», constate-t-il.
Robert Fisk révèle également que la population de Douma lui parlé des «islamistes sous lesquels ils avaient vécu» et des rebelles qui «avaient volé les maisons des civils pour éviter le gouvernement syrien et les bombardements russes». «Comment se pourrait-il que les réfugiés de Douma qui avaient atteint les camps en Turquie décrivaient déjà une attaque au gaz dont personne ne semble se souvenir à Douma aujourd'hui ?», s'interroge-t-il encore.