Dans une lettre rendue publique le 1er avril par le ministère russe des Affaires étrangères, Moscou dresse une liste de 13 questions à l'adresse de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), au sujet de l'empoisonnement sur le sol britannique de l'ancien agent double russe Sergueï Skripal et sa fille. Sur son site, le ministère russe réaffirme en outre que l'affaire, qui envenime les relations entre Moscou et l'Occident, a été «fabriquée contre la Russie».
La liste de questions confiée par le représentant permanent de la Russie auprès de l'OIAC au Secrétariat technique de l'organisation internationale peut être divisée en trois parties, correspondant à trois sujets d'interrogation : la coopération entre le Royaume-Uni et l'OIAC, la procédure menée par l'OIAC au Royaume-Uni et l'implication de la France dans l'enquête.
Le 20 mars, des représentants de l'OIAC se sont rendus au Royaume-Uni afin de rencontrer les experts du laboratoire militaire de Porton Down, près de Salisbury, et de la police britannique. Ils devaient également examiner les échantillons prélevés par les experts britanniques.
Qu'attend le Royaume-Uni de l'OIAC ?
«Que demande à confirmer, exactement, le Royaume-Uni auprès du Secrétariat technique de l'OIAC : uniquement le fait qu'un agent innervant ait été utilisé [contre Sergueï Skripal et sa fille] ou le fait qu'il appartienne au type "Novitchok", selon la classification occidentale ?», interroge notamment Moscou dans sa lettre à l'institution internationale.
La Russie demande également à l'OIAC quel type d'échantillons chimiques ou autres éléments tangibles lui ont été remis par les autorités britanniques. Moscou souhaite aussi savoir si le Secrétariat technique de l'OIAC prévoit de partager ses informations sur l'affaire Skripal avec le Conseil exécutif de l'organisation, dont la Russie fait partie.
Que font les experts de l'OIAC au Royaume-Uni ?
En outre, la Russie appelle à plus de transparence en ce qui concerne le travail mené par les experts de l'OIAC au Royaume-Uni : Moscou aimerait notamment connaître l'identité des membres de l'équipe d'experts qui s'est rendue sur le sol britannique et savoir combien de temps celle-ci y est restée, et avec qui elle a interagi. «Quels laboratoires certifiés analyseront les échantillons que le Secrétariat technique de l'OIAC a reçu durant la visite de ses experts au Royaume-Uni ?», interrogent par ailleurs les autorités russes.
Pourquoi et dans quelle mesure la France est-elle impliquée dans l'enquête ?
Enfin, la Russie demande à l'OIAC de s'exprimer sur l'implication de la France dans l'enquête sur l'affaire Skripal, qui concerne l'empoisonnement de deux ressortissants britanniques sur le sol britannique – et n'affecte donc aucunement les intérêts de la France. «Le Secrétariat technique de l'OIAC a-t-il fourni son accord pour que le Royaume-Uni divulgue des éléments de l'enquête à des pays de l'Union européenne ?», s'interroge la diplomatie russe.
Le 31 mars, la Russie a également adressé 14 questions à Londres et 10 à Paris. Dans ces dernières, Moscou interroge les autorités françaises sur leur assistance technique apportée à Londres dans le cadre de l'enquête britannique sur le cas Skripal.
Vives tensions entre l'Occident et la Russie autour de l'affaire Skripal
Sergueï Skripal et sa fille Ioulia ont été retrouvés inconscients, sur un banc près d'un centre commercial à Salisbury le 4 mars. Dix jours plus tard, Londres a désigné Moscou comme responsable de cet empoisonnement. Le Royaume-Uni a alors décidé d'expulser 23 diplomates russes et annoncé le gel des relations bilatérales. La Russie, qui clame son innocence et accuse Londres de ne «pas vouloir entendre les réponses», a riposté en ordonnant l'expulsion de diplomates britanniques et la fin des activités du British Council sur son territoire.
Emboîtant le pas à Londres, une vingtaine d'Etats occidentaux dont la France ont annoncé l'expulsion de plus de 120 diplomates russes au total, les 26 et 27 mars. Dénonçant une «provocation», Moscou a répliqué par une réponse symétrique, expulsant notamment quatre diplomates français et 60 diplomates américains.
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