Colère de la Turquie après la reconnaissance du génocide arménien par le parlement néerlandais
La tension monte entre la Turquie et les Pays-Bas, après le vote, par les députés néerlandais, de la reconnaissance du génocide arménien le 22 février. Ankara a convoqué le chargé d'affaires hollandais en Turquie pour condamner cette décision.
Le chargé d'affaires hollandais en Turquie a été convoqué par Ankara le 23 février, qui lui a exprimé la «condamnation» par l'Etat turc du vote, la veille, par le parlement néerlandais d'une motion appelant à la reconnaissance du génocide des Arméniens il y a un siècle. Cet épisode marque une nouvelle escalade des tensions qui existent dans les relations entre les deux pays depuis plus d'un an.
Le gouvernement néerlandais s'est distancié de la motion
Les députés néerlandais avaient voté massivement le 22 février en faveur de la reconnaissance du génocide arménien et de l'envoi d'un représentant du gouvernement à Erevan, la capitale arménienne, le 24 avril pour la commémoration des massacres perpétrés entre 1915 et 1917. La chambre basse du Parlement a approuvé par 142 voix contre trois cette motion, proposant «que le Parlement parle en termes clairs du génocide arménien».
L'exécutif néerlandais a, de son côté, pris ses distances avec la motion. «Nous partageons toujours le désir de voir les parties impliquées se réconcilier, mais le gouvernement voit la manière d'y parvenir différemment que la motion proposée», a déclaré Sigrid Kaag, ministre des Affaires étrangères. «Nous rendrons hommage aux victimes et aux proches de tous les massacres de minorités», a-t-elle annoncé le 22 février, soulignant que le gouvernement ne jugera pas s'il s'agit ou non d'un génocide.
Après avoir reconnu en 2004 le caractère génocidaire des massacres et déportations survenus entre 1915 et 1917, l'exécutif néerlandais a toujours évoqué la «question du génocide arménien» - «ce qui restera le cas», a répété le 22 février Sigrid Kaag.
Colère d'Ankara
La Turquie, qui refuse catégoriquement l'utilisation du terme de «génocide», évoquant pour sa part des massacres réciproques sur fond de guerre civile et de famine, avait publié un communiqué le 22 février à la suite du vote et de la déclaration du gouvernement hollandais. «Nous condamnons fermement la décision prise aujourd'hui par la chambre des représentants des Pays-Bas de reconnaître comme génocide les événements de 1915», expliquait le ministère turc des Affaires étrangères dans ce communiqué. «Pour nous elle est nulle et non avenue», a-t-il poursuivi.
Signe de l'irritation provoquée par le vote des députés néerlandais, Ankara a renvoyé les Pays-Bas au massacre de Srebrenica en 1995 en Bosnie, où l'Etat néerlandais a été reconnu partiellement coupable du décès de 350 musulmans. «Les décisions infondées prises par le Parlement d'un pays qui a fermé les yeux sur le génocide de Srebrenica n'ont aucune place dans l'Histoire», a ainsi réagi le ministère turc des Affaires étrangères.
Le ministère turc a expliqué avoir toutefois avoir «pris note» de l'attitude du gouvernement néerlandais qui s'est distancié de la motion votée par les députés, qualifiant ce geste d’«important».
Relations électriques entre la Turquie et les Pays-Bas
Les députés néerlandais ont voté en ce sens alors que les relations bilatérales sont au plus bas depuis que les Pays-Bas ont annoncé début février le retrait de leur ambassadeur à Ankara et leur refus d'accueillir un représentant turc sur leur sol.
Le gouvernement néerlandais avait en effet empêché en mars 2017 deux ministres turcs de s'exprimer lors d'un rassemblement organisé pour la communauté turque à Rotterdam à l'occasion de la campagne du référendum sur le renforcement des pouvoirs présidentiels. L'un des ministres n'avait pas eu le droit d’atterrir sur le sol néerlandais tandis que l’autre avait été bloqué par les autorités. Même hostilité en juillet. Le 7 juillet, le gouvernement néerlandais avait estimé que la venue du vice-Premier ministre turc, Tugrul Türkes, qui comptait se rendre aux Pays-Bas pour assister à une commémoration du coup d’Etat manqué en Turquie en 2016, n’était pas «souhaitable».
L’Italie, la France et la Russie ont déjà reconnu le génocide
Plus d'un siècle après les faits, la question du génocide des Arméniens est une source de tensions régulières entre la Turquie et les pays européens. Les Arméniens estiment qu'un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique à la fin de l'Empire ottoman entre 1915 et 1917. La Turquie reconnaît que jusqu'à 500 000 Arméniens sont morts pendant des combats et leur déportation forcée vers la Syrie ou le Liban, alors provinces ottomanes, mais réfute toute volonté d'extermination.
Nombre d'historiens et plus de vingt pays, dont la France, l'Italie et la Russie, ont reconnu qu'un génocide avait été perpétré. En France, les députés ont voté le 1er juillet 2016 un amendement gouvernemental au projet de loi «Egalité et citoyenneté», qui permettra de pénaliser la contestation ou la banalisation de l’ensemble des crimes contre l'humanité ou de guerre, dont le génocide arménien.