Mais pourquoi un nouveau traité de l'Elysée, 55 ans après De Gaulle et Adenauer ?

Mais pourquoi un nouveau traité de l'Elysée, 55 ans après De Gaulle et Adenauer ?
Photo ©AFP PHOTO / PRESIDENCE DE LA REPUBLIQUE
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Dans un contexte d'imbroglio politique en Allemagne et de crise de confiance vis-à-vis des dirigeants politiques dans l'Union européenne, Angela Merkel et Emmanuel Macron misent sur le moteur franco-allemand, secondés par leur parlements respectifs.

Ce 22 janvier 2018, à l'occasion du 55e anniversaire du traité de l'Elysée signé en 1963, l'Assemblée nationale française et le Bundestag allemand ont voté une résolution commune appelant à un nouveau traité de l'Elysée, manière de donner un second souffle au couple franco-allemand. Portée en France par plusieurs députés, dont l'éphémère ministre chargée des Affaires européennes de mai à juin 2017 Marielle de Sarnez, la résolution appelle Berlin et Paris à «prolonger le traité originel» et à «approfondir» le partenariat entre les deux nations.

L’Europe unie et l’amitié franco-allemande doivent être mieux perceptibles, au quotidien, par l’ensemble des citoyens

«L’Europe unie et l’amitié franco-allemande doivent être mieux perceptibles, au quotidien, par l’ensemble des citoyens», soulignent les auteurs du texte, qui préconisent des pistes qui fleurent bon la fin du XXe siècle et le programme Erasmus. «Les jumelages entre villes et communes, au nombre de 2 200 aujourd’hui, sont des éléments indispensables de l’amitié franco-allemande et doivent connaître une nouvelle impulsion», préconisent notamment les députés, qui assurent aussi que «la maîtrise de la langue du voisin est la clé de l'entente mutuelle». Un retour aux sources, puisque la première application du traité de l'Elysée de 1963 avait été la création de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) visant à promouvoir les échanges entre jeunes des deux pays.

Le 21 janvier 2018, veille du vote, Angela Merkel et Emmanuel Macron ont souhaité marquer le coup et donner un coup de pouce à la résolution commune aux deux parlements, se prêtant à un exercice qui n'était pas sans rappeler les émissions bilingues de la chaîne franco-allemande Arte.

Il y a 55 ans les Français et les Allemands «osaient le renouveau», a rappelé la chancelière allemande, sous-titrée en français, tandis qu'Emmanuel Macron a évoqué la «fécondité» du dialogue franco-allemand. «Sans attendre ce nouveau traité, nous souhaitions, avec la chancelière, faire vivre cette amitié», a déclaré le président de la République.

Retour vers le futur ?

L'Union européenne (UE) a beau avoir échappé au plus gros de la lame de fond souverainiste de 2017, qui s'est traduite par la victoire de Donald Trump et le vote en faveur du Brexit au Royaume-Uni, la crise de confiance est toujours là. La situation pour les défenseurs de la construction européenne est même suffisamment grave, visiblement, pour qu'Angela Merkel et Emmanuel Macron se réfèrent à ses actes fondateurs et convoquent le couple historique que formaient le général de Gaulle et Konrad Adenauer dans les années 1960.

L'évocation du passé glorieux du projet européen n'a toutefois pas manqué de susciter des critiques, notamment au Front national (FN). Nicolas Bay, vice-président du parti, y a ainsi plutôt vu le signe que l'UE était en situation d'échec.

Si l'initiative franco-allemande vise à remédier à la crise que traverse le projet européen dans nombre de pays membres de l'UE, comme le symptôme d'une institution en mal d'inspiration et de perspective, le couple que forment Angela Merkel et Emmanuel Macron ne bénéficie néanmoins pas des mêmes conditions qu'en 1963, année de la signature du traité de l'Elysée.

L'actuel président de la République a certes gagné la course à l'Elysée en champion de la lutte contre le populisme en mai 2017. Elu sur un programme ouvertement pro-européen, célébrant sa victoire au Louvre en faisant jouer l'Hymne à la joie, Emmanuel Macron avait toutefois attendu avec anxiété le résultat des élections législatives allemandes du 24 septembre 2017. Or, bien qu'arrivé en tête, la CDU, le parti chrétien-démocrate d'Angela Merkel, se trouve dans une situation délicate, comme le montrent les grandes difficultés qu'éprouve la chancelière à former une coalition susceptible de gouverner l'Allemagne. Contrairement à ce qu'il avait annoncé dès le début de la campagne électorale, le SPD, parti de centre-gauche, a procédé à un retournement d'importance en acceptant, le 21 janvier, d'engager des négociations en vue de former une grande coalition avec la CDU.

Une initiative bilatérale... et européenne

Aussi, Angela Merkel et Emmanuel Macron semblent-ils tenir à bouts de bras le projet européen contre vents et marées. En octobre 2017 déjà, le président de la République avait affiché ses ambitions européennes lors de son discours de la Sorbonne, visant à relancer le projet européen en dépit de la courte victoire d'Angela Merkel. Dans ce discours prononcé deux jours après les législatives allemandes, dont il avait pris soin de faire relire le texte par Angela Merkel, Emmanuel Macron avait déjà tracé les grandes lignes d'une refondation de l'UE. Défense européenne, crise migratoire... La résolution pour le renouvellement du traité de l'Elysée par le Bundestag et l'Assemblée nationale ce 22 janvier, rappelle fortement le projet qu'avait énoncé le locataire de l'Elysée à la Sorbonne.

Le caractère bilatéral des nouvelles ambitions européennes portées par Paris et Berlin n'a d'ailleurs pas échappé à Jean-Luc Mélenchon, qui dénonce depuis longtemps la politique, hégémonique en Europe selon lui, du gouvernement allemand. «Il serait temps de rappeler à Monsieur Macron et Madame Merkel que c'est à 28 qu'on prend les décisions, pas à deux», avait déploré le leader de La France insoumise (LFI) sur Twitter, le 19 janvier dernier.

Le projet d'un nouveau traité de l'Elysée signerait-il donc le grand retour des accords entre Etats souverains seuls – de la France et de l'Allemagne dans le cas préscent – à défaut de l'existence d'une dynamique commune dans l'Europe des 28 ? Pas tout à fait, selon les auteurs de la résolution, qui prennent soin de préciser que l'initiative sera ouverte aux «autres partenaires européens».

La résolution rappelle également la mise en place de la Coopération structurée permanente (CSP, PESCO en anglais), étape majeure dans la constitution d'une force armée européenne, annoncée en novembre 2017 et censée compléter celle de l'OTAN. La résolution apparaît ainsi comme une initiative bilatérale, en même temps qu'européenne. L'honneur est sauf.

Alexandre Keller

Lire aussi : L'alliance entre Merkel et les socio-démocrates : un tremplin rêvé pour l'AfD ?

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