Corps d'enfants et cadavres déchiquetés : l'Algérie choquée par un documentaire sur la guerre civile
Le 29 septembre, pour célébrer le 12e anniversaire de la charte pour la paix, la chaîne nationale algérienne EN TV a diffusé un documentaire sanglant sur la guerre civile. Les opposants au camp Bouteflika dénoncent une manœuvre électoraliste.
Le 29 septembre 2017 était célébré le 12e anniversaire de la charte pour la paix et la réconciliation en Algérie qui avait tourné la page de la guerre civile dans le pays. A cette occasion, la chaîne de télévision nationale ENTV a choisi de diffuser un documentaire particulièrement cru, intitulé Pour ne pas oublier, sur ces années noires.
A l'écran, les images, pour la plupart inédites, de corps d'enfants et de cadavres déchiquetés, s'enchaînent sous le regard des téléspectateurs, dont nombre d'entre eux ont été choqués d'un tel déballage d'images crues. Ce conflit, qui a débuté en 1991 et a duré jusqu'en 2002, aura fait entre 150 000 et 200 000 morts.
Après les scènes violentes, un Bouteflika triomphateur
Les scènes de violence sont entrecoupées d'images montrant des villageois pleurant leurs morts et organisant des funérailles. Puis, c'est le président Abdelaziz Bouteflika qui est montré à l'écran, en 2005, en pleine campagne pour l'adoption de la charte. La musique dramatique qui précédait s'efface et des images heureuses d'un Alger apaisé et actuel apparaissent : les passants flânent dans les rues et se reposent dans les jardins publics, tandis qu'une voix off vante les mérites de la réconciliation nationale.
Selon l'AFP, une partie de l'opinion publique y a vu une manœuvre électoraliste de la part du camp Bouteflika. Certains analystes, tels que l'hebdomadaire français Le Point, estiment que le président du pays commencerait à mettre en place sa campagne pour briguer un cinquième mandat.
Le dirigeant est effectivement présenté sous son meilleur jour dans le documentaire, loin de l'image du président vieillissant de 80 ans, diminué par un accident vasculaire cérébral depuis 2013.
Une opération de communication mal calibrée ?
Mais l'effet supposément recherché pourrait ne pas avoir atteint son objectif et déjà des voix discordantes se font entendre, qui laissent penser que cette opération de «propagande», selon des commentateurs cités par l'AFP, ne jouera pas en faveur du président. D'après Cherfia Khedar, présidente de l'association de victimes Djazaïrouna (Notre Algérie), citée par l'Afp, les images du documentaire «accentuent les douleurs des victimes du terrorisme islamiste, jamais apaisées, et approfondit leur traumatisme».
Redouane Boudjemaä, professeur de sciences politiques à Alger, a pour sa part déclaré à l'AFP : «C'est une manière de ressusciter la peur du terrorisme. Le pouvoir veut faire peur aux Algériens. C'est le début de la campagne pour la présidentielle de 2019. Le message est clair: il faut soutenir ceux qui ont ramené la paix.»