Vladimir Poutine et Jacques Chirac : quand la France et la Russie s'entendaient parfaitement

Vladimir Poutine et Jacques Chirac : quand la France et la Russie s'entendaient parfaitement
Jacques Chirac remet la Légion d'honneur à Vladimir Poutine en septembre 2006, photo ©VLADIMIR RODIONOV / ITAR-TASS / AFP
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Emmanuel Macron est le quatrième président de la République à rencontrer le chef de l'Etat russe. Parmi ceux-ci, c'est Jacques Chirac qui a noué le partenariat le plus fructueux avec Vladimir Poutine. Mais c'était il y a plus de dix ans.

A quelques jours de la première rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron, le 29 mai 2017, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov le réaffirme : «Jusqu'ici, les meilleures relations, c'était avec Jacques Chirac.» Confirmant des propos de Vladimir Poutine rapportés par Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre de 2002 à 2005. «Macron ? De toute façon ce sera mieux... Mais moins bien qu'avec Chirac», avait ainsi estimé le président russe lors du sommet de Pékin consacré aux «Nouvelles routes de la soie», le 14 mai 2017.

Rappelant que les relations franco-russes commençaient pourtant déjà à s'éroder durant la seconde moitié de la présidence Chirac, Bruno Drweski, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales sollicité par RT France, précise : «La déclaration du président russe s'adresse plutôt à l'image gaulliste qu'a conservé Chirac plutôt qu'à la réalité d'un dirigeant qui n'a pas pu faire face aux pressions extérieures et intérieures visant l'indépendance de la France et son rôle d'intermédiaire entre pays puissants et moins puissants.»

Dix ans après son départ de l'Elysée, Jacques Chirac, dernier président «gaullien», reste en tout cas l'étalon avec lequel Vladimir Poutine pourra évaluer la qualité de ses échanges avec le nouveau président français.

Reste que les relations qu'étaient parvenus à nouer Jacques Chirac et Vladimir Poutine relève d'un petit âge d'or entre la France et la Russie. A cette époque, en effet, non seulement les deux dirigeants avaient conscience du fait que les intérêts géopolitiques des deux pays convergeaient, mais ils avaient également une estime mutuelle l'un pour l'autre, voire même de l'affection.

Jacques Chirac et Vladimir Poutine, deux chefs d'Etat non alignés

L'opposition de la France à la guerre en Irak, portée par Dominique de Villepin à la tribune des Nations unies en février 2003, avait en effet non seulement rapproché les deux pays mais aussi les deux hommes. En avril 2004, le chef de l'Etat français s'était rendu en visite en Russie, pour rencontrer son homologue russe, lequel l'avait invité, marque d'estime, dans sa résidence personnelle de Novo Ogarevo, au nord de Moscou. Le terrorisme figurait déjà à l'ordre du jour de la rencontre, un danger encore lointain et abstrait pour les Européens, qui restait circonscrit aux pays du Moyen-Orient, tel que l'Irak, livré au chaos généré par la politique de «changement de régime» américaine.

En outre, sous la présidence de Jacques Chirac, la France avait encore une politique arabe indépendante, héritée du général de Gaulle. Ancienne puissance coloniale du Moyen-Orient, l'influence de Paris était en effet encore considérable non seulement au Liban, mais aussi en Syrie et en Irak. Jacques Chirac sera ainsi le dernier président gaullien à tenter de maintenir le rang de la France dans la région.

Une estime réciproque, traduite par des gestes

Cette conscience d'une communauté d'intérêts entre la Russie, puissance eurasienne, et d'autre part, la France et l'Europe, se double d'une affinité entre les deux dirigeants, à laquelle la maîtrise de la langue russe par Jacques Chirac n'est sans doute pas étrangère.

Signe de l'entente parfaite entre les deux hommes, Vladimir Poutine avait même invité le président français à visiter le centre d'essais et de contrôle spatial militaire Guerman Titov de Krasnoznamensk. Aucun étranger n'avait jusqu'alors été autorisé à visiter cette installation stratégique et tactique ultra-secrète. Un signe de la confiance accordée à Jacques Chirac.

Le président de la République invitera ensuite son homologue russe au 60e anniversaire du débarquement allié en Normandie. «Quoi de plus normal étant donné le rôle central tenu par l'Union soviétique dans la lutte contre le nazisme», avait estimé le président de la République de l'époque. «La bataille de Stalingrad a été le tournant de l'histoire de la Seconde Guerre», avait-il en outre rappelé.

Jacques Chirac, qui parle alors de Vladimir Poutine comme d'un «ami», apprécie tellement son homologue qu'il le décore de la Légion d'honneur en septembre 2006 dans les salons de l'Elysée, allant jusqu'à décrocher de son propre veston la distinction pour l'accrocher à celui de Vladimir Poutine.

11 ans plus tard, alors que Jacques Chirac est hospitalisé en novembre 2015, Vladimir Poutine lui rend hommage : «Il avait prévu la destruction de [la Libye et la Syrie], que le terrorisme prospérerait, des attentats comme on en a vus à Paris. Chirac pensait à tout ça à l'époque, et il avait raison», avait déclaré le président russe dans le cadre d'un documentaire tourné pour la télévision russe. Et le maître du Kremlin d'ajouter : «Chirac, qui a des relations proches, intimes avec la partie sunnite du Moyen-Orient – d'ailleurs, il possède un savoir encyclopédique – avait déjà prévu ce que provoquerait» la guerre en Irak.

Une époque révolue ?

Après la fin du deuxième mandat de Jacques Chirac, la France s'est très rapidement alignée sur les Etats-Unis en matière de politique étrangère et de géopolitique, quitte à perdre sa voix dans le monde arabe, renonçant même à son indépendance militaire.

«A l'époque de Chirac, les choses étaient différentes, d'une part parce des éléments, certes en voie d'affaiblissement, de la vieille politique gaullienne d'autonomie nationale persistaient au niveau des élites politiques. Et que, côté russe, on montrait encore des signes de confiance dans la rationalité supposée des dirigeants occidentaux, en particulier français», explique Bruno Drweski. Mais après le départ du président gaullien de l'Elysée, la dégradation des relations entre Paris et Moscou s'accélère.

En novembre 2007, six mois après son élection, Nicolas Sarkozy, que certains surnomment l'«Américain», annonce le retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN. 31 ans après que Charles de Gaulle l'en eut retirée afin de marquer son indépendance militaire vis-à-vis des Etats-unis, la France remet ses forces armées à disposition de l'alliance militaire, stratégique et politique dirigée par les Etats-Unis.

Et si le dirigeant français tente de conserver des relations personnelles avec Vladimir Poutine, «l'état des relations franco-russes dans ce contexte ne semble plus vraiment dépendre de décisions prises à Paris de façon autonome», note Bruno Drweski.

La France de Nicolas Sarkozy, puis celle de François Hollande, s'éloigneront de la Russie et les interventions occidentales en Libye en 2011 et en Syrie à partir de 2012, avec le concours de la France comme auxiliaire militaire, achèveront de séparer les deux pays. Oui, pour reprendre le constat du porte-parole du Kremlin : «Jusqu'ici, les meilleures relations, c'était avec Jacques Chirac.»

Alexandre Keller

Lire aussi : La rencontre Poutine-Macron sera l'occasion d'un dialogue franc, estime le Kremlin

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