Purge anti-gay présumée en Tchétchénie : Moscou suit l’enquête sur les menaces visant Novaïa Gazeta
La justice russe a lancé une enquête sur les menaces qui cibleraient des journalistes, après la publication de témoignages de rescapés supposés de «camps pour homosexuels» en Tchétchénie.
«Nous suivons de près les messages publiés dans les médias, mais nous ne pouvons pas les considérer comme des informations vérifiées», a fait savoir le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Il commentait alors l’enquête ouverte par la justice russe sur les menaces qui viseraient les journalistes de l’hebdomadaire russe Novaïa Gazeta, et en particulier Elena Milachina, auteur d'un article-choc portant sur de présumés «camps de concentration» pour les homosexuels en Tchétchénie.
Le 12 avril, Adam Chakhikov, conseiller du président tchétchène Ramzan Kadyrov, a accusé le journal de se livrer à la «calomnie», et qualifié tous ses employés d'«ennemis de notre foi», la Tchétchénie étant une république peuplée majoritairement de fervents musulmans.
«Étant donné les insultes subies envers les traditions, les fondements de la société tchétchène, et envers la dignité des hommes tchétchènes, nous promettons que les instigateurs subiront un châtiment, où qu’ils soient et sans délai de prescription», avait-il précisé devant 15 000 personnes lors d'une assemblée extraordinaire convoquée à la grande mosquée de Grozny.
Accusations de répression des homosexuels en #Tchetchenie : une indignation sélective de l'Occident ? https://t.co/0nfxhB39Copic.twitter.com/8Jh247Q9Cp
— RT France (@RTenfrancais) 13 avril 2017
Pour Novaïa Gazeta, cette déclaration est «un message très clair de djihad», écrit le Washington Post, qui a interviewé Elena Milachina.
«Tous les journalistes de Novaïa Gazeta sont en danger. […] C’est incroyable, cela me rappelle la situation de Charlie Hebdo», s’est-elle exclamée, avant de préciser qu’elle avait personnellement dû se réfugier à l’étranger pour quelque temps.
La journaliste est l'auteur d'un article publié le 1er avril dans ce journal d'opposition, dans lequel étaient cités les témoignages anonymes d'homosexuels qui se seraient échappés d’un «camp de concentration pour homosexuels» en Tchétchénie. Selon ces témoins, plus d’une centaine de personnes auraient été arrêtées puis torturées dans des «prisons secrètes» de la république caucasienne, partie intégrante de la Fédération de Russie. Toujours selon les victimes supposées citées par Novaïa Gazeta, une de ces «prisons» se trouverait dans un ancien bâtiment militaire de la ville d'Argoun, dans l'est de la région.
«Trois [personnes] seraient mortes, mais, selon des témoins, il y en aurait beaucoup plus», a rapporté le journal russe. Certains des homosexuels arrêtés auraient été libérés, soit contre une rançon, soit faute de preuves.
Les autorités tchétchènes ont nié en bloc ces accusations, les qualifiant de mensongères. «Vous ne pouvez pas arrêter ou réprimer des gens qui n’existent pas dans la république [de Tchétchénie]. L’homosexualité n’existe pas ici», a déclaré à l'agence russe Interfax un porte-parole du président tchétchène.
Ces allégations de tortures et de meurtres d'homosexuels en Tchétchénie ont déclenché une levée de boucliers au sein des chancelleries occidentales. De nombreux médias et ONG occidentaux ont relayé les allégations du journal russe, appelant à une enquête sur le sujet.
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