Human Rights Watch : L'opération de Mossoul «pourrait être qualifiée de crime de guerre»
Le siège de Mossoul constitue une grave menace pour les civils. Et ceux qui fuient les bombardements aveugles font face à la mauvaise organisation du filtrage des djihadistes, estime le responsable de Human Rights Watch (HRW) Ahmed Benchemsi.
Selon un rapport de HRW publié récemment, les troupes irakiennes utilisent systématiquement l'artillerie lourde et des engins explosifs improvisés dans leur lutte contre les terroristes de Daesh à Mossoul, malgré les promesses du gouvernement de ne pas utiliser d'armes imprécises dans les zones densément peuplées.
Cela peut être qualifié de «crime de guerre» et ce genre d’action devrait cesser immédiatement considère le directeur de la communication de HRW pour la région Moyen-Orient/Afrique du Nord Ahmed Benchemsi.
«Les lois de la guerre sont très claires – elles disent, que chaque fois qu'il y a un rassemblement de civils, toutes les mesures nécessaires doivent être prises pour éviter les morts chez les civils. Lorsque vous combattez avec des armes qui tirent à l'aveuglette, comme c'est le cas actuellement à Mossoul-Ouest, vous faites le contraire, parce que vous tirez une roquette sans savoir où cette roquette va atterrir», a déclaré le fonctionnaire.
Bien que le processus de sélection soit une mesure inévitable, sa réalisation laisse à désirer
«Cela pourrait coûter la vie à un grand nombre de civils. C’est ce qui se passe en ce moment dans Mossoul-Ouest et c'est une violation flagrante des lois de la guerre et cela peut être un crime de guerre, si cela se fait de façon systématique et à grande échelle».
La divergence de réactions à l'utilisation de telles armes entre les militaires irakiens et les fonctionnaires civils indique un manque de position unique au sein du gouvernement sur cette question, a ajouté Benchemsi.
L'utilisation de munitions hautement destructrices mais imprécises, ainsi que les attaques aériennes massives, mènent à de lourds dommages causés aux infrastructures et de graves pertes parmi la population civile. Au moins 3 500 civils ont déjà été tués depuis le début de la dernière offensive, selon les estimations du politicien irakien Khamis Khanjar.
Cependant, il est difficile de confirmer ou de rejeter ces estimations dans le chaos d’une longue bataille.
Les camps de réfugiés et les centres de détention débordent inévitablement au fur et à mesure que l'opération occidentale de reprise de Mossoul progresse
Ceux qui ont réussi à échapper au feu croisé disent qu'ils ont souffert à la fois des atrocités de Daesh et de la poussée chaotique des libérateurs de la ville.
«[La maison], elle a été bombardée par un avion de l'armée, et il n'en reste rien. Il ne reste plus que nous, notre famille et nos vêtements. La maison a disparu, un avion l’a frappée», a raconté à RT Mahmoud, un réfugié de Mossoul, résidant du camp de Chamakor pour les déplacés internes.
«Je connais deux enfants de notre quartier qui ont été tués. Ils ont été tués. Je connais aussi une femme qui a été tuée et sa maison endommagée. Elle aussi a été «endommagée» au point qu'elle en est morte et ses deux enfants aussi. Il y en a d'autres».
Les réfugiés ont peur, beaucoup d'entre eux ont pratiquement tout perdu.
«Comment ne pas avoir peur ? Notre vie est chamboulée. Il y a une femme qui a perdu sa maison et son mari. Maintenant notre vie c’est ici [au camp des déplacés internes]», a déclaré Shaema, un autre citoyen de Mossoul déplacé.
Mais tous ceux qui ont réussi à échapper à la bataille ne sont pas sûr d'obtenir une nouvelle «maison» dans un camp de réfugiés, car les forces de sécurité irakiennes prennent des mesures rigoureuses pour empêcher l'infiltration de Daesh et pour arrêter tous les réfugiés suspects.
Bien que le processus de sélection soit une mesure inévitable, sa réalisation laisse à désirer. D'après un autre rapport publié lundi par Human Rights Watch, les gens auraient traversé le désert nus et ceux qui ont été arrêtés se retrouvent dans des centres spéciaux dans des conditions qui ne peuvent être décrites que comme «terribles».
Près de 1 200 personnes sont détenues dans des conditions absolument horribles dans un groupe de centres de détention en Irak
Les détenus manquent de nourriture, d'eau et même d'espace pour respirer, alors que des soins médicaux inadéquats provoquent des morts ou aboutissent à des amputations, selon le rapport. La majorité des personnes arrêtées sont détenues dans des centres surpeuplés sans accusation ni soutien juridique. Les prisons irakiennes pour les suspects de Daesh violent pratiquement «toutes les lois relatives aux conditions de détention», a expliqué Ahmed Benchemsi de HRW.
«Près de 1 200 personnes sont détenues dans des conditions absolument horribles dans un groupe de centres de détention en Irak. Ces gens sont accusés de faire partie de Daesh. Soit, qu'ils soient soumis à des vérifications, mais pas de cette façon. Ils devraient bénéficier de toutes les garanties d’un procès équitable, dont bénéficie toute personne suspectée», estime Ahmed Benchemsi.
«Ils devraient pouvoir consulter les avocats, ils devraient avoir une accusation, et tout d'abord, ils ne devraient pas être détenus dans des centres où ils sont coincés comme des sardines, avec très peu d’espace pour respirer, une odeur absolument infecte et les conditions qui telles qu'elles provoquent la mort des détenus.»
Les camps de réfugiés et les centres de détention débordent inévitablement au fur et à mesure que l'opération de reprise de Mossoul progresse. Quelque 700 000 personnes de plus sont encore piégées dans les quartiers ouest densément peuplés de la ville.
D’après les estimations de l'ONU, plus de 4 000 civils fuient quotidiennement Mossoul-Ouest depuis que les forces irakiennes ont entamé l'opération pour reprendre les quartiers de la ville détenus par Daesh le 19 février.
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