Turquie : le Parlement approuve un renforcement des pouvoirs du président Erdogan
- Avec AFP
Un projet de référendum sur une révision constitutionnelle, renforçant considérablement les pouvoirs du chef de l'Etat, a reçu le feu vert du Parlement turc. Le texte pourrait permettre à Recep Tayyip Erdogan de rester au pouvoir jusqu'en... 2029.
Les députés turcs ont adopté en seconde lecture, dans la nuit du vendredi 20 au samedi 21 janvier, un texte comprenant 18 articles qui vise à instaurer un système présidentiel en Turquie, ouvrant la voie à une consultation populaire qui devrait se tenir au printemps.
La réforme constitutionnelle permettrait notamment au président de nommer et de révoquer les ministres, de promulguer des décrets et de déclarer l'état d'urgence.
Recep Tayyip Erdogan estime que cette révision, qui pourrait lui permettre de rester au pouvoir jusqu'en 2029 au moins, est nécessaire pour garantir la stabilité à la tête de la Turquie, confrontée à une vague sans précédent d'attentats et des difficultés économiques. Mais le texte suscite l'inquiétude des opposants et d'ONG qui accusent le chef de l'Etat turc de dérive autoritaire, notamment depuis la tentative de putsch de juillet 2016 qui a été suivie de purges d'une ampleur inédite.
#Turquie : les discussions sur le projet de réforme constitutionnelle finissent en pugilat
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«C'est à la nation de prendre [...] la décision finale», a déclaré Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours à Istanbul. «Je suis convaincu que vous travaillerez nuit et jour pour la campagne du référendum et avancerez vers l'avenir», a-t-il ajouté en s'adressant à ses soutiens.
Le Parlement a approuvé le texte par 339 voix sur 550, soit plus que le seuil nécessaire des trois cinquièmes pour soumettre le texte à une consultation populaire, un résultat obtenu par le parti au pouvoir (AKP), grâce à l'appui de la droite nationaliste (MHP).
Un contexte de forte polarisation politique
Selon la majorité, la présidentialisation du système permettra d'éviter la formation de coalitions gouvernementales instables et rendra la conduite des affaires plus efficace au moment où la Turquie affronte des défis sécuritaires et économiques de taille.
Le Premier ministre, Binali Yildirim, a ainsi assuré que le projet profiterait à tous, en permettant un «gain de temps» pour la gestion du pays. «Quand vous êtes plus puissant, vous pouvez aborder les problèmes avec plus de détermination», a-t-il affirmé vendredi 20 janvier, lors d'un entretien sur la télévision publique TRT.
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Mais ces arguments ne suffisent pas à convaincre les partis d'opposition social-démocrate et prokurde, qui voient dans ce texte un symbole d'une dérive autoritaire du président turc. L'examen du texte au Parlement a déchaîné les passions et donné lieu à des rixes d'une rare violence dans l'hémicycle, où un député a eu le nez cassé et une élue handicapée a été projetée au sol. Dans ce contexte de polarisation politique, qui s'ajoute à la série d'attentats qui frappe le pays, la campagne pour le référendum s'annonce particulièrement tendue.
Un assaillant a ouvert le feu sur la police à Istanbul samedi 21 janvier, quelques heures après deux attaques à la roquette visant les forces de sécurité et un local de l'AKP dans la mégalopole turque.
«La séparation des pouvoirs serait complètement abolie»
Aux termes de la réforme constitutionnelle, les élections législatives et présidentielle seraient simultanées et le président pourrait être élu pour deux mandats de cinq ans, le prochain scrutin étant fixé à novembre 2019. Si le compteur de Recep Tayyip Erdogan, élu en 2014 à la présidence après avoir passé 12 ans à la tête du gouvernement, est remis à zéro avec cette réforme, ce qui n'est pas clairement établi, il pourrait donc rester au pouvoir jusqu'en 2029, au moins.
Avec cette réforme, la fonction de Premier ministre disparaîtrait au profit d'un ou plusieurs vice-présidents. Le président pourrait également dissoudre le Parlement et intervenir dans le domaine judiciaire. «La séparation des pouvoirs serait complètement abolie», a affirmé à la presse Metin Feyzioglu, président de l'Union des barreaux de Turquie, ajoutant : «Ce n'est pas une réforme, mais un suicide.»
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Emma Sinclair-Webb, directrice pour la Turquie de Human Rights Watch, a pour sa part indiqué à l'AFP que cette réforme concentrait absolument tous les pouvoirs dans les mains du président. En outre, a-t-elle souligné, la fermeture de nombreux médias critiques dans le cadre de l'état d'urgence en vigueur depuis la tentative de putsch en juillet rend impossible «un débat public effectif».
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