Hôpital bombardé au Yémen : une «erreur non-intentionnelle» selon une investigation saoudienne
L'enquête menée par l'Arabie saoudite affirme que la cible des frappes aériennes était un véhicule rebelle stationné près de l’hôpital yéménite de Médecins Sans Frontières (MSF). La version contredit les rapports de MSF et d'Associated Press.
Lors d'une conférence de presse, le colonel Mansour Al-Mansour, porte-parole du groupe conjoint d'évaluation des incidents (JIAT) dirigé par l'Arabie saoudite, a livré le 6 décembre les résultats d'une enquête sur le bombardement d'un hôpital yéménite de MSF le 15 août 2016.
Selon l'investigation menée par le JIAT, l’hôpital situé dans la localité d'Abs, non loin de la frontière saoudienne, n'aurait pas été visé en particulier par les frappes aériennes de la coalition militaire sous commandement saoudien. Le JIAT affirme que la cible du bombardement était un véhicule rebelle, pisté par l'aviation de la coalition, qualifié de «cible militaire légitime» et qui se trouvait à proximité de l’hôpital.
En outre, le colonel Mansour Al-Mansour a affirmé que le bâtiment de MSF ne portait pas d'inscription distinctive qui aurait pu rendre possible son identification.
Les enquêteurs du JIAT ont conclu que les destructions causées à l’hôpital étaient des «dommages collatéraux non-intentionnels». Le colonel Mansour Al-Mansour a néanmoins demandé à la coalition de s'excuser et de fournir une aide aux familles des victimes. Selon le JIAT, le bombardement de l'hôpital d'Abs aurait causé la mort de 13 personnes.
Les enquêtes de MSF et d'Associated Press contredisent l'investigation du JIAT
La version du Groupe conjoint d'évaluation des incidents diffère largement de l'enquête de Médecins Sans Frontières. Selon MSF, le véhicule stationné près du bâtiment transportait des blessés non-armés. L'ONG affirme également que les logos de MSF étaient affichés sur l'entrée de l'établissement et peints sur les toits de plusieurs bâtiments. Par ailleurs, MSF a indiqué que les coordonnées GPS de l’hôpital avaient été transmises à de nombreuses reprises aux différents belligérants. Enfin, selon le bilan humain établi par l'ONG, 19 personnes, dont un membre de MSF, auraient péri lors du bombardement.
Frappes de l'#ArabieSaoudite au #Yemen, @MSF condamne des attaques "injustifiées" au "mépris total de la vie civile" https://t.co/beIBObYC9npic.twitter.com/Z1tZY9MEQp
— RT France (@RTenfrancais) 29 septembre 2016
L'enquête du JIAT contredit également les conclusions d'un rapport réalisé par Associated Press. Selon cette enquête, les frappes aériennes de la coalition ont visé un véhicule civil transportant un vendeur de glace blessé. Associated Press a en outre confirmé que le bâtiment bombardé était identifiable comme un hôpital de MSF et que son emplacement avait été répertorié dans une liste fournie par l'ONU à la coalition arabe.
#HRW qualifie de crimes de guerre les raids aériens de la coalition au #Yemen >> http://t.co/cRUHkTg244pic.twitter.com/1RIUMqvXFU
— RT France (@RTenfrancais) 28 juillet 2015
Les installations de MSF ont été bombardées à quatre reprises par la coalition depuis mars 2015. Les frappes aériennes contre l'hôpital d'Abs en août 2016 ont obligé Médecins Sans Frontières à retirer son personnel médical de six hôpitaux yéménites.
La guerre au Yémen oppose depuis 2014 les rebelles chiites houthis, proches de l'ancien président Ali Abdallah Saleh, destitué au cours du printemps arabe, aux partisans du président Abd Rabbo Mansour Hadi, en exil en Arabie saoudite depuis 2015.
Depuis mars 2015, la coalition dirigée par Riyad intervient régulièrement au Yémen, notamment par des frappes aériennes d'une grande violence, afin de rétablir Abd Rabbo Mansour Hadi au pouvoir. Le conflit au Yémen a déjà fait jusqu’à 10 000 morts, dont 3 800 civils, selon les estimations des Nations unies.
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